Peines alternatives : pas d’amendements majeurs chez les Conseillers mais l’application se fera attendre
Bientôt adopté par les Conseillers, le projet de loi sur les peines alternatives poursuit son parcours législatif. Même lorsqu’il l’aura achevé, il faudra attendre ses décrets d’application pendant un maximum d'un an. Il s’agit d’un texte révolutionnaire pour la politique pénale.
Peines alternatives : pas d’amendements majeurs chez les Conseillers mais l’application se fera attendre
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Sara Ibriz
Le 3 juin 2024 à 17h49
Modifié 3 juin 2024 à 18h01Bientôt adopté par les Conseillers, le projet de loi sur les peines alternatives poursuit son parcours législatif. Même lorsqu’il l’aura achevé, il faudra attendre ses décrets d’application pendant un maximum d'un an. Il s’agit d’un texte révolutionnaire pour la politique pénale.
Nouvelle étape dans le parcours juridique du projet de loi sur les peines alternatives. Le texte a été adopté à l’unanimité par la commission de justice de la Chambre des conseillers, après sept mois d’attente.
Les modifications opérées à ce stade ne sont pas majeures. Il y a de grandes chances de le voir adopté en l’état avant la fin de l’année législative. Par la suite, il faudra attendre la publication des décrets d’application pour que le texte entre en vigueur. Ces décrets devront être publiés dans un délai d’un an.
Les conseillers ont proposé de fixer un délai de "deux ans à partir de la publication de la loi au Bulletin officiel afin d’accorder le temps nécessaire à la mise en place progressive de cette expérience, à laquelle tous les établissements concernés doivent se préparer". Mais cette proposition d’amendement a été rejetée par le ministère de la Justice.
En tous cas, il faudra patienter pour voir tomber des condamnations au port du bracelet électronique. Il s’agit de l’un des principaux apports de ce texte qui a fait polémique un certain temps, notamment en raison du "rachat des jours de prison".
Des mesures très attendues
Le projet de loi sur les peines alternatives est considéré comme un tournant de la politique pénale, mais aussi comme un moyen d’alléger les établissements pénitentiaires qui souffrent de surpopulation carcérale. Bien qu’il ne s’agit pas de la solution ultime, de telles mesures permettront aux prisons de souffler.
Selon le projet de loi, les peines alternatives ne sont pas prévues pour les auteurs de certaines infractions précises, listées dans le texte de loi. Il s’agit des infractions relatives à la sécurité du pays et au terrorisme ; l’extorsion, la corruption, l’abus de pouvoir, la dilapidation des deniers publics ; le blanchiment d’argent ; les infractions militaires ; le trafic international de drogues et de psychotropes ; la traite d’organes humains et l’exploitation sexuelle des mineurs et des personnes en situation de handicap.
Les peines alternatives avaient d’abord été contenues dans le projet modifiant le Code pénal. Ce texte a été déposé au Parlement en 2016 sous Mustapha Ramid, alors ministre de la Justice.
Retiré du Parlement par le ministre actuel, Abdellatif Ouahbi, le projet de Code pénal est toujours en cours d’élaboration. Il a cependant été décidé de prévoir un texte indépendant pour encadrer les peines alternatives. Il a alors été programmé à l’examen en Conseil de gouvernement en mai 2023, mais n’a pas été adopté à ce moment-là.
Il a fallu attendre la création d’une commission présidée par le chef du gouvernement pour "approfondir les discussions autour du sujet". Celle-ci a réussi à pondre, quelques semaines plus tard, une nouvelle mouture dont la modification majeure concerne l’abandon de l’amende journalière.
Le texte a été adopté en Conseil de gouvernement sous cette forme. Mais lors de son passage devant la commission de Justice de la Chambre des représentants, l’amende journalière a été ré-introduite. De quoi s’agit-il concrètement ?
> Jours-amende :
Cette amende consiste à racheter les jours de prison sous certaines conditions. Elle est fixée entre 100 et 2.000 DH par jour et ne peut être prononcée à l’encontre de la personne accusée que s’il y a eu réconciliation entre les parties, ou bien retrait de la plainte de la part de la victime ou ses ayants droit, ou encore dans le cas où la personne condamnée a "indemnisé" ou "réparé" les dommages découlant de l’infraction.
Pour en fixer la somme, la juridiction devra prendre en compte la situation financière de la personne concernée, ses charges, mais aussi la gravité des faits reprochés et les dommages qui en découlent.
La personne concernée ne disposera que d’un délai de six mois pour procéder au paiement, sachant que celui-ci doit être réalisé en une fois sauf exceptions. Le législateur prévoit toutefois deux dérogations : le délai de six mois peut être renouvelé une seule fois, sur décision judiciaire. De même, il faudra une décision de justice pour que le paiement soit effectué selon d’autres modalités.
Dans le cas où la personne condamnée ne procède pas, ou plus, au paiement de l’amende journalière selon les modalités décidées par la justice, celle-ci se verra appliquer la peine d’emprisonnement initialement prononcée à son encontre, sachant que les jours payés seront déduits de la peine à purger en prison.
À noter que l’amende journalière est une peine alternative qui peut aussi être prononcée à l’encontre d’un mineur, dans le cas où son représentant ou tuteur l’approuve.
Cela dit, certains observatoires considèrent une telle disposition comme étant "élitiste" et "discriminatoire". Des professionnels de la justice y voient un moyen offert "aux plus riches" d’échapper à la case prison. Beaucoup de critiques sont émises à l’égard de cette mesure malgré les conditions qui l’entourent.
> Travail d’intérêt général :
Un changement majeur a été opéré lors de l’adoption du texte à la Chambre des représentants. Il concerne les heures de travail d’intérêt général.
Dans la version précédente du texte, une fourchette prévoyait entre 40 et 1.000 heures de travail d’intérêt général. Ce maximum a été relevé à 3.600 heures. De plus, le délai pour exécuter les travaux d’intérêt général a été réduit à six mois au lieu d’un an.
Pour certains juristes, le travail d’intérêt général doit être adapté à chaque cas qui se présente. L’idée est de penser la peine de manière à adapter le travail d’intérêt général à l’infraction commise. Autrement dit, il faut une sorte de proportionnalité entre la sanction et l’acte reproché.
> Surveillance électronique :
Le condamné est sous "liberté surveillée", sa circulation étant scrutée en temps réel et à distance via "un ou des" moyens électroniques, dont le bracelet électronique. Le périmètre de circulation et la durée de la mesure sont à l’appréciation du juge.
La circulation du condamné est surveillée par l’administration pénitentiaire.
Transgresser les mesures de surveillance (enlever ou endommager le bracelet électronique, circuler en dehors du périmètre fixé par le juge, etc.) est passible de l’emprisonnement (un à trois mois) et d’une amende de 2.000 à 5.000 DH, ou l’une de ces deux peines seulement. Cette sanction vient s’ajouter à la peine d’emprisonnement principale ou son reliquat.
C’est cette peine qui a été retenue malgré les propositions d’amendement visant à l’augmenter.
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