Reportage. Indices de gaz dans la région de Timedghas (province de Khénifra)
Médias24 a accompagné la professeure Naima Hamoumi, géologue experte dans la région de Timedghas dans le Moyen Atlas, où ont été observées des émissions de fumée et du feu médiatisés précédemment comme une activité volcanique. Les premières investigations ont révélé la présence d'un volcan de boue lié à des hydrates de gaz.

Reportage. Indices de gaz dans la région de Timedghas (province de Khénifra)
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Le 15 avril 2024 à 12h58
Modifié 15 avril 2024 à 18h52Médias24 a accompagné la professeure Naima Hamoumi, géologue experte dans la région de Timedghas dans le Moyen Atlas, où ont été observées des émissions de fumée et du feu médiatisés précédemment comme une activité volcanique. Les premières investigations ont révélé la présence d'un volcan de boue lié à des hydrates de gaz.
Le 8 décembre 2023, une vidéo montrant des flammes au sol et une épaisse fumée s'élevant dans la région de Timedghas (province de Khénifra) a rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Les rumeurs associées à la vidéo l'ont présentée comme une éruption volcanique, semant l'inquiétude et la confusion au sein de la population locale.
Plus récemment, la découverte d'une fuite de gaz méthane dans le douar Ahmed Ben Brahim (province de Fkih Ben Salah), réalisée par la professeure Naima Hamoumi, a nécessité une ré-exploration de la zone de Timedghas, d'autant que les deux zones sont relativement proches (environ 100 kilomètres à vol d’oiseau).
Afin de sourcer l’explication scientifique la plus crédible et d'examiner l'existence d'un lien potentiel avec les exhalaisons des émissions de gaz dans les environs de Fkih Ben Salah Kasbat Tadla, Médias24 a accompagné la professeure Naima Hamoumi, géologue expert spécialisée en géosciences marines et terrestres. La mission s'est déroulée le samedi 6 avril 2024.
Emissions de gaz et feu dans le lac Aït Ichou : la situation reste préoccupante après cinq mois
Situé au sud de la ville historique de Lehri, le centre de Timedghas, relevant de la commune de Tighsaline, se trouve sur la route régionale R503 menant à la ville de Boumia. L’incident a eu lieu dans le lac Aït Ichou, à quelques kilomètres du centre de Timedghas.

Comme un grand nombre de lacs du Moyen Atlas, le lac Aït Ichou, autrefois recouvert d'eau, n'est plus qu'une vaste étendue de terre aride. Victime du réchauffement climatique, il s'est asséché il y a plusieurs années, laissant derrière lui un paysage désertique.

L'incident s'est produit dans la nuit du 8 décembre 2023, lorsqu'un feu s'est déclaré et a provoqué une épaisse fumée dans le lac asséché. Dans un article précédent, nous avions remis en question la possibilité d'un volcan en activité dans cette région. Premièrement, aucune trace d'activité volcanique n'a été répertoriée dans cette zone au cours des dernières années. Deuxièmement, les caractéristiques du phénomène observé sur la vidéo, telles que la fumée blanche et l'absence de cendres incandescentes, ne correspondent pas aux manifestations typiques d'une éruption volcanique. En collaboration avec des témoins locaux et des experts, nous avions avancé une alternative plus plausible : un feu de tourbière.
Rencontré près du lac, un habitant témoigne au sujet de l'incident : "L'incident a débuté il y a près de cinq mois, lorsqu'une forte explosion a provoqué l'effondrement du sol, suivi d'un important dégagement de fumée".
Cinq mois après l'incident, nous avons constaté que le feu est toujours actif mais d’une intensité moindre. Les habitants continuent de ressentir une odeur écœurante et forte, particulièrement la nuit, même si le site est situé à quelques kilomètres de leurs habitations.
Éléments géomorphologiques et géologiques en faveur d'un gisement de gaz méthane
Afin de déterminer l'origine de ces feux, la professeure Naima Hamoumi a étudié la zone de l'incident et a relevé plusieurs indices en faveur d'un volcan de boue supposant la présence d'un gisement de gaz de méthane et qui exclut totalement les hypothèses d'une éruption volcanique ou d'un feu de tourbière.
Premier indice, les critères géomorphologiques
Le site où ont été observées les flammes correspond à un cratère qui a été occupé par un lac aujourd’hui asséché. Par ailleurs, les terrains des alentours sont modelés par des formes coniques typiques de la morphologie de volcan magmatique.


Deuxième indice, les critères sédimentologiques
Les dépôts de la bordure du cratère et des reliefs de forme coniques ne comportent aucune roche volcanique. Ils sont constitués par des sédiments chaotiques dont la matrice est une "Mud Breccia" et les éléments sont des galets et des blocs de différentes roches carbonatées et de conglomérat calcaire. Ces éléments sont de taille variable et de forme angulaire à subangulaire, indiquant qu’ils n’ont pas subi de transport. Il a été possible également de connaître la nature des dépôts en profondeur grâce à deux puits creusés dans le cratère. Ces dépôts sont des argiles noirâtres très riches en matière organique et des amas de soufre.


Troisième indice, zone active
La partie centrale du cratère est encore active, elle est constituée de "Mud Breccia" noirâtre à galets et de graviers de roche carbonatée, dont des galets de couleur noirâtre très chauds et imprégnés d’huile. Elle est le siège d’affaissements continus d’émissions de gaz et de feux. Dans les zones où les feux sont actifs, on observe un affaissement continu des argiles noirâtres, catalysé par les feux souterrains. Ces feux, d'intensité variable, persistent, et selon des témoignages, la fumée tend à s'intensifier périodiquement, surtout la nuit. Par ailleurs, on a noté la présence d’une odeur fétide asphyxiante dans cette zone active.


"Ces données préliminaires − reliefs à morphologie de volcan mais qui sont formés par des roches sédimentaires, présence de cratère, émissions de gaz qui prend feu, plaidant en faveur de l’existence de volcans de boue liés à des hydrates de gaz − indiquent la présence de gisements de gaz dans le substratum", a affirmé la professeure Hamoumi. Elle a également ajouté que ces résultats sont comparables à ceux observés dans la région de Fkih Ben Salah. S'ajoute à cela, le fait que le contexte géologique de la région du lac Ait Ichou se prête à la formation de volcans de boue qui doivent être liés à la subduction et à la phase de compression à l’origine de la formation de la chaîne du Moyen Atlas.

Les recommandations de l’experte
Suite aux indices découverts, la professeure Naima Hamoumi nous a confié les recommandations suivantes :
- Il est essentiel d’analyser les gaz et les huiles qui sont émis dans le lac Ait Ichou pour préciser leur nature ;
- Les études dans la région sont rares et assez anciennes. A cet effet, il faudrait mener des investigations approfondies dans le cadre d'un programme comportant : la géologie structurale, la cartographie, la stratigraphie, la sédimentologie, la géochimie et la géophysique, afin de préciser l’extension du gisement de gaz et la relation entre cette région et celle de Fkih Ben Salah.
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Modifié 15 avril 2024 à 18h52