Aïd al-Adha : entre annulation et maintien, un dilemme complexe

ROUND UP. Aïd al-Adha sera fêté cette année dans une conjoncture particulière. Les ménages, lourdement impactés par l’inflation, s’attendent à une flambée des prix du bétail destiné à l’abattage. Des voix s'élèvent, notamment au sein des couches précaires ou précarisées, pour espérer l’annulation de cette fête, constate Médias24. Une telle décision peut avoir des répercussions économiques et sociales très fortes sur le monde rural.

Aïd al-Adha : entre annulation et maintien, un dilemme complexe

Le 6 juin 2023 à 18h47

Modifié 6 juin 2023 à 19h01

ROUND UP. Aïd al-Adha sera fêté cette année dans une conjoncture particulière. Les ménages, lourdement impactés par l’inflation, s’attendent à une flambée des prix du bétail destiné à l’abattage. Des voix s'élèvent, notamment au sein des couches précaires ou précarisées, pour espérer l’annulation de cette fête, constate Médias24. Une telle décision peut avoir des répercussions économiques et sociales très fortes sur le monde rural.

À environ trois semaines de Aïd al-Adha, des Marocains espèrent une décision d’annulation de cette fête. Il s’agit en particulier des couches les plus fragiles de la population.

Déjà lourdement impactés par l'inflation qui persiste depuis plusieurs mois, les ménages s’attendent également à une hausse des prix du cheptel destiné à l’abattage. À ce stade, nul ne peut se prononcer sur cette question de manière précise, mais dans des articles précédents, des sources professionnelles sondées par Médias 24 ont estimé que la hausse des prix ne dépassera pas 15%. Le ministère de l’Agriculture s’attend, lui, à une baisse des prix à l’approche de l’Aïd. De nombreuses mesures ont été mises en place à cet effet, notamment la subvention des ovins importés. En réalité, personne ne peut prévoir ce qu'il va se passer en matière de prix.

Annuler ou maintenir l'Aïd, une décision à répercussions multiples

Toute décision d’annuler ou de maintenir l’Aïd est un arbitrage entre plusieurs contraintes. Chaque décision a un prix. Au-delà de son aspect religieux, la fête du sacrifice est un événement coûteux pour les Marocains et, cette année, de nombreux foyers ne pourront pas le fêter en raison de la baisse de leur pouvoir d'achat.

En effet, le dernier arrêté de la Comptabilité nationale, publié ce lundi 5 juin 2023, annonce une baisse inédite de la consommation des ménages en 2022 (-0,7%) en raison de l'inflation. Une baisse inédite depuis au moins vingt ans (si l'on excepte l'accident du Covid).  Le dernier rapport du budget prévisionnel 2023 du haut-commissariat au Plan (HCP) estime la perte du pouvoir d’achat des ménages marocains à 1,9% en 2022, due en partie à l’augmentation des niveaux de prix. Cette baisse a principalement touché les ménages vulnérables à bas revenus, pour lesquels le sacrifice est un événement majeur.

Cependant, plusieurs facteurs montrent qu’il est impératif de maintenir le sacrifice, dont le principal est le manque à gagner pour le monde rural, estimé à plusieurs milliards de dirhams. Le chiffre d’affaires engendré à l’occasion de l’Aïd dépasse annuellement 12 milliards de DH (MMDH), et la plupart de ces fonds sont transférés au niveau des zones rurales, permettant ainsi aux agriculteurs de couvrir les dépenses des autres activités agricoles, en particulier celles se rapportant aux préparatifs de la prochaine campagne.

"Aïd al-Adha est un événement important pour les agriculteurs", qui subissent une quatrième année de sécheresse, nous explique une source professionnelle jointe par nos soins. "L’élevage constitue leur source principale de subsistance et leur banque."

Et d'ajouter : "Il est très difficile de vendre un mouton préparé pour l’abattage durant l’Aïd en dehors de cette période. D’abord parce que ce sont les mâles qui sont vendus et non les femelles. Leur vieillissement implique des frais supplémentaires pour les éleveurs en termes d’alimentation notamment. D’une autre part, leur poids carcasse est aux alentours de 30 à 40 kg, dont aucun consommateur ne voudra en dehors de l'Aïd, ce qui fera perdre de l’argent aux agriculteurs, qui n’auront pas de quoi rembourser leurs fournisseurs d’aliments par exemple."

"De nombreux agriculteurs, déjà impactés par la sécheresse et la baisse de leur cheptel, pourront ainsi se retrouver en difficulté financière et peut être en litige judiciaire."

Entre 12,5 et 14 MMDH de chiffre d'affaires

"À la fin de l’opération d’identification, nous serons à près de 7 millions de têtes, dont 6,7 millions de têtes produites localement, et environ 200.000 ovins importés, contre une consommation estimée entre 5 et 5,5 millions de têtes", poursuit notre source.

Si l’on fait le calcul, à un prix moyen de 2.500 DH par tête, un chiffre d’affaires allant de 12,5 à 14 milliards de DH sera injecté pour renflouer le monde rural. "Cet argent sera réinvesti dans la prochaine campagne agricole et dans l'achat d'un nouveau cheptel en préparation du prochain Aïd. Il permettra également aux agriculteurs de rester en bons termes avec leurs fournisseurs, et surtout de garder une paix sociale."

"Une décision d’annulation du sacrifice de l’Aïd ne fera que favoriser l’exode rural", estime notre interlocuteur, qui insiste sur l'importance de cet événement pour le milieu rural.

Les métiers annexes qui vivent de Aïd al-Adha

Outre la vente des moutons, tout un écosystème gravite autour de la fête du sacrifice. Cet événement rapporte de l’argent à plusieurs métiers annexes, notamment les bouchers. Certes, il ne s’agit pas des mêmes montants que pour la vente du bétail, mais cette activité permet aux bouchers de générer des revenus supplémentaires. "Le boucher ne fournit que le service d’abattage et de découpe. L’impact économique n’est donc pas énorme", souligne notre source.

De manière générale, l’abattage du mouton le jour de l’Aïd par un boucher peut coûter entre 150 et 250 DH par tête. Si l’on suppose que seule la moitié des 5 millions de têtes consommées durant cette fête sont abattues par des professionnels, ce sont entre 750 millions de DH et 1,250 MMDH qui sont engendrés par cette activité. Il en est de même pour la découpe de la carcasse, effectuée généralement durant l’après-midi ou le lendemain de l’Aïd. Celle-ci coûte généralement entre 150 et 200 DH par carcasse. Il s’agit donc de 750 MDH à 1 MMDH de revenus supplémentaires.

Par ailleurs, cette période est généralement marquée par un engouement pour les appareils électroménagers, en particulier les réfrigérateurs et congélateurs, sauf que cette année, l'activité est au ralenti. Selon des sources du secteur contactées par Médias24, l’activité à l’approche de l’Aïd est relativement en baisse par rapport aux années passées. Notre source explique cette situation par la baisse du pouvoir d'achat notamment. Toutefois, aucun chiffre ne peut être avancé à ce stade.

Nous pouvons également citer le transport des moutons, dont les montants diffèrent selon les distances et les villes, ainsi que la vente des épices, la vente des ustensiles de cuisine, la vente des grands couteaux et l'aiguisement des anciens, la vente de barbecues et des aliments de bétail. Ce sont pour la plupart des petits métiers éphémères, qui n'apparaissent que durant la période de Aïd al-Adha.

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