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Une conversation avec Saâd Bendidi : 3. La présence marocaine en Afrique

Investisseur dans de nombreux pays africains et du Moyen-Orient, Saâd Bendidi a suivi dès le départ, au sein du groupe FinanceCom et ONA, le déploiement international des entreprises marocaines. Après près de vingt ans de présence marocaine à l’international, son analyse est loin d’être uniquement positive.

Une conversation avec Saâd Bendidi : 3. La présence marocaine en Afrique

Le 4 juin 2023 à 17h11

Modifié 4 juin 2023 à 17h24

Investisseur dans de nombreux pays africains et du Moyen-Orient, Saâd Bendidi a suivi dès le départ, au sein du groupe FinanceCom et ONA, le déploiement international des entreprises marocaines. Après près de vingt ans de présence marocaine à l’international, son analyse est loin d’être uniquement positive.

Il est indéniable que le continent africain est plein de potentialités, notamment avec son actif démographique. Mais pour notre interlocuteur, la présence marocaine sur ce continent est encore loin d’avoir effleuré les possibilités offertes, et ce pour plusieurs raisons.

Éviter le "syndrome français"

Premièrement, Saâd Bendidi évoque le fait que les entreprises marocaines sont le plus souvent cantonnées à une certaine taille et à certains secteurs, le plus souvent régulés ou réglementés. On est donc loin d’une véritable percée. Il s’agit plutôt de quelques entreprises concentrées sur quelques secteurs, souvent les mêmes dans les divers pays.

Le deuxième point, c’est que cette relation est souvent à sens unique. "Quand on ouvre les portes, celles-ci doivent s’ouvrir dans les deux sens. J’ai vu très peu d’entreprises africaines investir au Maroc, à part peut-être les Sud-Africains. Je pense que c’est quelque chose que le Maroc devrait favoriser de manière beaucoup plus forte ; une dynamique dans les deux sens", estime-t-il.

Il faut surtout éviter selon lui de tomber dans "le syndrome français". Et d’expliquer : "On peut fonctionner avec quelques expatriés de temps en temps, mais on ne peut pas fonctionner seulement avec des expats tout le temps". Il est donc concevable de "débarquer avec des staffs en majorité marocains dans un premier temps, dans la prise en main. Mais il faut aussi former, intégrer et accepter de plus en plus les compétences locales et leur confier des responsabilités importantes".

Le troisième point a trait au respect d’un certain nombre de règles, notamment de neutralité. Et de ne pas se poser en donneur de leçons. Selon Saâd Bendidi, il faut faire preuve d’empathie sans tomber dans la compromission. Ce qui, d’après lui, n’a pas toujours été le cas de toutes les entreprises marocaines, ce qui n’a pas manqué de générer des réactions de rejet. Pour le moment, ces réactions de rejet sont "exprimées avec beaucoup de doigté de la part de nos amis subsahariens. Mais il n’en demeure pas moins que l’accumulation de faux pas dans ce sens pourrait créer des réactions très négatives", souligne-t-il.

Sâad Bendidi estime qu’il faut aller dans une optique de codéveloppement au lieu de domination. D’autant que le Maroc sera en déficit démographique et aura besoin de migration. Le sujet n’est pas encore pris en charge au Maroc, mais sera selon lui mieux argumenté après les résultats du prochain recensement général de la population prévu en 2024, qui "comportera sûrement des surprises".

Maghreb, l’impossible intégration

En tant qu’investisseur, Saâd Bendidi traite indistinctement une large zone allant du sud de la Méditerranée au Moyen-Orient en passant par l’Afrique de l’Ouest. Il investit donc aussi dans des entreprises d’Afrique du Nord. Nous lui avons posé la question du climat d’affaires au Maghreb et des conditions d’investissement. "Nous voyons l’Afrique du Nord comme des silos, chaque pays séparément. Il y a très peu d’échanges intrarégionaux. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé".

Plusieurs expériences ont ainsi été menées dans le cadre de l’activité de notre interlocuteur, depuis douze ans, soit pour du commerce transfrontalier ou par le biais de création d’entreprises avec des extensions maghrébines, mais cela ne fonctionne pas. Selon lui, ce blocage est fondamentalement lié à l'absence de volonté politique et de volonté de jouer le jeu, dans chacun des pays, par rapport au voisin malgré toutes les conventions. Dès qu’il y a une exportation, rien n’est fluide. "Très souvent, on est obligés de passer par un pays européen et faire des actions triangulaires", affirme Saâd Bendidi.

En 2019, les échanges intra-maghrébins ont représenté moins de 4% de l’ensemble de leur commerce extérieur. Un faible chiffre qui ne risque pas de changer. Ainsi, malgré le contexte particulier actuel, depuis le Covid et la crise ukrainienne, où les pays de la région sont soumis à de très forte tensions impliquant des interventions du Fonds monétaire international (FMI), à cause des déficits jumeaux et de la fonte de la réserve de change, les dispositions à une plus grande intégration régionale sont faibles, estime notre interlocuteur.

Et ce malgré des atouts forts, avec des populations globalement de 200 millions d’habitants du Maroc à l’Egypte ; une proximité avec l’Europe ; des racines très fortes dans le Sud ; des matières premières ; une population jeune ; un très fort potentiel d’énergies renouvelables ; le tourisme ; des atouts dans de nombreuses industries…

Et malgré des problématiques transverses, dans toute la région, comme l’éducation, la santé, la sécurité alimentaire, la bonne gouvernance, la faiblesse de la productivité, Saâd Bendidi estime qu’une plus grande intégration à court terme est impossible. Tout simplement car il n’y a pas de volonté. "On ne peut pas parler d’intégration avec des gens qui sont dans difficultés intrinsèques internes. Les agendas internes l’emporteront toujours même avec la meilleure volonté du monde. Il faut d’abord avoir une sérénité interne avant de pouvoir parler intégration."

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