DARED, un projet de sauvetage de l’arganier qui porte ses fruits

Les effets du réchauffement climatique et la surexploitation risquent de mener l’arganeraie à sa perte. Le projet de développement de l’arganiculture en environnement dégradé (DARED) aspire à inverser cette tendance destructrice et à régénérer un patrimoine ancestral.

DARED, un projet de sauvetage de l’arganier qui porte ses fruits

Le 20 mars 2023 à 11h53

Modifié 20 avril 2023 à 14h02

Les effets du réchauffement climatique et la surexploitation risquent de mener l’arganeraie à sa perte. Le projet de développement de l’arganiculture en environnement dégradé (DARED) aspire à inverser cette tendance destructrice et à régénérer un patrimoine ancestral.

En 2022, le prix d’un litre d’huile d’argan coûtait jusqu’à 400 DH. La raison ? Une arganeraie qui produit moins de fruits qu’auparavant, conséquence de la surexploitation et des épisodes de sécheresse consécutifs. D’une superficie de 830.000 hectares, l’arganeraie, reconnue comme réserve de biosphère, est le dernier rempart contre la désertification.

Plus de 800 coopératives de collecte et de valorisation des fruits d’argan, comptant 10.000 adhérentes, exploitent ces fruits jaunes parfois veinés de rouge, de forme ovale, ronds ou en fuseau. Or, dès le milieu du XXe siècle, les forêts d’arganiers ont subi une régression estimée à 600 hectares par an.

"Selon nos observations, l’arganier ne pousse plus naturellement. La surexploitation a eu un impact négatif sur la régénération naturelle de la forêt et son rajeunissement", explique à Médias24 Abderrahmane Ait Lhaj, chef du département d’appui à la recherche à l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA). 

Pour y remédier, le Maroc a été à l’initiative du Projet de développement de l’arganiculture en environnement dégradé (DARED). Un projet novateur, supervisé par l’Agence pour le développement agricole (ADA) et mis en exécution par l’ANDZOA.

Le projet DARED a nécessité une enveloppe budgétaire de 520 MDH (50 millions de dollars), financé à 80% par le Fonds vert pour le climat – un mécanisme financier de l’Organisation des Nations unies qui soutient les projets d’adaptation et d’atténuation aux effets du changement climatique – et à hauteur de 20% par le ministère de l’Agriculture. Il prône la domestication d’une espèce d’origine forestière afin de soulager l’arganeraie des activités anthropiques et climatiques de plus en plus intenses.  

"L’arganiculture est en effet un moyen de réduire la pression sur les forêts naturelles de l’arganier", assure Abderrahmane Ait Lhaj. L’avènement de la nouvelle filière arboricole de l’arganier est l’un des principaux objectifs du projet DARED, dont la durée de réalisation (2017-2023) a été prolongée de deux ans.

Réhabiliter des terres agricoles abandonnées 

Impliquant trois zones (Souss-Massa, Guelmim et Essaouira), toutes liées à la réserve de la biosphère de l’arganeraie, le projet DARED reflète la volonté du Royaume de préserver et de développer une ressource naturelle aussi précieuse que fragile. Un processus entamé dès le lancement du Plan Maroc Vert (PMV) en 2008.

A l’époque, le ministère de l’Agriculture avait mis en place "un contrat programme arganier", en vue de planter 5.000 ha d’arganiculture. Le décret qui accorde aux vergers de l’arganier un mécanisme de subventions à l’instar des autres espèces fruitières, a également donné un coup d’accélérateur à l’apprivoisement de cette essence forestière. 

En 2016, le projet DARED a été soumis par le Maroc au Fonds vert pour le climat. Autrement dit, "des projets dans des zones où l’impact du changement climatique est visible, notamment les régions sud du pays, où la sécheresse est aussi récurrente que l’érosion. Une situation qui a conduit plusieurs agriculteurs à abandonner des terres agricoles où l’on produisait principalement de l’orge, à cause d’un manque de rentabilité", souligne Abderrahmane Ait Lhaj. 

"Il fallait réhabiliter ces terres grâce à une culture assurant aux agriculteurs une rentabilité économique dans des conditions difficiles, à l’image de l’arganier qui est résilient. Sans oublier le CO2 séquestré par chaque arbre planté, qui atténue également l’érosion", poursuit-il.

Convaincu du bien-fondé de la démarche, le Fonds vert pour le climat a appuyé le projet DARED, qui s’articule autour de trois composantes : 

- la réalisation de l’arganiculture sur 10.000 ha ;

- l’appui aux initiatives de préservation de l’écosystème arganier ;

- le renforcement des capacités de la recherche scientifique.

9.000 ha d’arganiculture

En attendant les 30.000 ha espérés à l’horizon 2030 par la stratégie Génération Green 2020-2030, six ans après le lancement du projet DARED, 9.000 ha d’arganier ont été plantés (200 pieds par hectare). "Les 1.000 ha restants sont en cours de plantation", annonce le chef du département d’appui à la recherche à l’ANDZOA. 

"Les plants utilisés dans l’arganiculture sont différents des plants forestiers", reprend-il. "Ils sont d’un âge avancé (12 mois jusqu’à 24 mois) pour une rapide entrée en production." Autre particularité de la conduite technique de l’arganiculture, les trous des plantations ont des caractéristiques spécifiques, à savoir 50×50 cm. "Il est également nécessaire d’apporter du compost et d’irriguer pendant six mois pour protéger les plants."

Néanmoins, l’arganier n’entre en production qu’à partir de la 5e ou 6e année, dans des conditions climatiques normales. D’où la nécessité d’offrir aux agriculteurs des alternatives pour générer des revenus intermédiaires, en s’appuyant sur les plantes aromatiques et médicinales (PAM). 

"Sur les 10.000 ha, 2.000 sont composés d’arganier et de PAM (le thym, le romarin, le câprier) grâce à un nouveau système de culture en intercalaire. Par exemple, le thym génère environ 300 kilos par hectare en moyenne, dont 60 kilos séchés, pour un prix estimé entre 30 et 40 DH/kg", affirme Abderrahmane Ait Lhaj. 

Malgré sa capacité à survivre et à produire des fruits dans un environnement sec, l’arganier a tout de même besoin d’être irrigué à raison de 1.500 m³ par hectare, en particulier les premières années, en vue d’atteindre un rendement de 20 à 25 kg par arbre

Ces ressources en eau sont issues des nappes phréatiques, à rebours des bonnes pratiques écologiques. "Raison pour laquelle nous avons installé des réservoirs de collecte d’eau pluviale (250 tonnes en moyenne) dans différentes communes", affirme M. Ait Lhaj. Ces structures permettent "à moyen et long terme le cumul des eaux pluviales collectées, qui peut compenser les prélèvements effectués à partir des eaux souterraines", estime-t-il. 

Un revenu de 6.000 à 15.000 DH par hectare 

Les atouts économiques de l’arganiculture ont eu un écho favorable. A partir de la 5e ou de la 6e année, le rendement dans le cadre de l’arganiculture est de 2 tonnes de fruits par hectare. Sachant qu’un kilo de fruits d’arganier est valorisé à 3 DH/kg, cela équivaut à 6.000 DH/ha.

"Au bout de dix ans, un arganier peut atteindre un rendement de 5 tonnes/hectare et assuré un revenu de 15.000 DH/hectare", complète Abderrahmane Ait Lhaj. Une manne financière "plus importante que celle de la culture de l’orge, qui dépasse rarement les 500 ou 600 DH par hectare", précise-t-il. 

Au-delà des considérations financières, les populations qui exploitent l’arganeraie ont également des obligations dans le cadre du projet DARED, en s’engageant à gérer durablement la forêt. "Plusieurs conventions ont été signées avec des organisations et associations qui représentent les ayants droit, afin de les former aux techniques de conduite de l’arganiculture, à l’adaptation aux changements climatiques et à la gestion durable de la forêt", détaille Abderrahmane Ait Lhaj. 

La formation, la sensibilisation et l’accompagnement de 10.000 femmes parmi celles qui collectent les fruits de l’arganier, est pareillement un maillon clé du projet DARED. "Elles ont entamé un processus d’organisation de l’amont de la filière, pour valoriser le fruit et améliorer la gestion de la forêt", indique-t-il. 

Renforcement et promotion de la recherche scientifique 

Technique culturale, irrigation, séquestration de CO2 par les arganiers... Autant de zones d’ombres de l’arganiculture éclairées par la recherche scientifique. "Pour mettre en œuvre l’arganiculture, l’itinéraire technique devait être maîtrisé à 100%", révèle le chef du département d’appui à la recherche à l’ANDZOA. 

"Nous avons donc finalisé l’itinéraire technique de l’arganiculture, en partenariat avec l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui travaille toujours sur la fertilisation et l’amélioration de la production des plant chez les pépiniéristes, mais aussi la gestion de l’irrigation", ajoute notre interlocuteur.

Sur ce dernier point, les résultats préliminaires des recherches menées par l’INRA ont démontré la possibilité de faire des économies substantielles en termes d’irrigation, en divisant par deux les apports en eau. "L’autre volet important pour lequel on manquait de données scientifiquement valides, c’est la quantité de CO2 captée par l’arganier", confie M. Ait Al Haj. 

C’est désormais chose faite, puisque les recherches ont prouvé que "les 40.000 ha d’arganiculture envisagés à l’horizon 2030 seront en capacité de séquestrer environ 600.000 tonnes équivalent CO2. A ce titre, l’INRA procède à un suivi minutieux de l’état de la biodiversité dans les forêts jouxtant les zones arganicoles", conclut-il.  

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