Conférence nationale sur l’environnement des affaires : ce qu’en disent les milieux d’affaires

Organisée le mercredi 15 mars, cette conférence a été l’occasion pour le gouvernement de dévoiler sa feuille de route pour l’amélioration du climat des affaires et l’accélération de l’investissement privé. Comment les milieux d’affaires l'ont-ils vécue ? Quelles sont leurs attentes après cet événement ? Tour d’horizon.

Conférence nationale sur l’environnement des affaires : ce qu’en disent les milieux d’affaires

Le 19 mars 2023 à 9h05

Modifié 19 mars 2023 à 19h14

Organisée le mercredi 15 mars, cette conférence a été l’occasion pour le gouvernement de dévoiler sa feuille de route pour l’amélioration du climat des affaires et l’accélération de l’investissement privé. Comment les milieux d’affaires l'ont-ils vécue ? Quelles sont leurs attentes après cet événement ? Tour d’horizon.

La Conférence nationale sur l’environnement des affaires est venue couronner une séquence assez riche ayant trait à l’investissement : l’adoption de la nouvelle Charte de l’investissement, le changement de gouvernance des CRI, l’amélioration du parcours de l’investisseur avec la simplification de plusieurs procédures administratives, la programmation de deux grandes réformes (loi sur la grève et Code du travail) dans le cadre du dialogue social…

L'événement a réuni plus de 350 acteurs dans l’univers de l’investissement. Et a été l'occasion, pour le gouvernement, de dévoiler sa stratégie pour l’amélioration du climat des affaires à l’horizon 2026. Avec un objectif clair : générer, comme l’a fixé le Souverain, 550 milliards d’investissements privés d’ici 2026, avec la création de 500.000 emplois.

Premiers concernés par le sujet, les hommes d’affaires étaient présents en force à cette conférence nationale. Car si le gouvernement est appelé à améliorer les conditions de l’investissement, l’acte d’investir est attendu du secteur privé dont la part dans l’investissement global du pays, doit passer aux deux tiers à terme contre un tiers actuellement. Que pensent-ils de cette conférence nationale ? Quelles doivent être, selon eux, les prochaines étapes à présent qu’une feuille de route est annoncée ?

Nous savons ce qu'il faut faire, maintenant il faut déployer et rapidement. 

"La Conférence nationale sur l'environnement des affaires, de par son format dynamique et straight to the point, la franchise des différentes interventions, et les messages clairs et pragmatiques du chef du gouvernement vient confirmer l'implication et l'engagement de toutes les parties prenantes - Etat, secteur privé et banques - pour que le Maroc soit une terre d'investissement par excellence. Nous avons tous les atouts pour atteindre cet objectif ", nous confie le patron des patrons.

Les attentes sont désormais très claires : il faut déployer l’ensemble des programmes présentés par le gouvernement. Et la dynamique est, selon lui, positive.

"Le déploiement de la Charte de l'investissement, l'opérationnalisation du Fonds Mohammed VI et la mise en œuvre de la feuille de route pour l'amélioration du climat des affaires représentent des opportunités sans précédent pour que tous les Marocains désireux d'entreprendre se manifestent et lancent leurs projets. En tant que secteur privé, nous voyons vraiment cette dynamique comme une occasion unique pour les jeunes entrepreneurs porteurs de projets, l'accompagnement financier de l'Etat ne constituant plus une problématique. Nous restons, cela étant dit, dans l'attente du dispositif spécifique relatif aux TPME", souligne Chakib Alj.

"Comme je l'ai exprimé dans mon discours lors de l'événement, nous savons très bien ce qui ne marche pas (le Code du travail, l'informel, la disponibilité foncière, la formation professionnelle, les procédures administratives…) ; nous savons ce qu'il faut faire, maintenant il faut déployer et rapidement", ajoute-t-il.

 L’absence de débat sectoriel et de discussion autour des "sujets tabous"

Un haut commis de l’Etat, concerné par la question de l’investissement et qui a suivi la conférence, émet toutefois un bémol qui en fait, selon ses termes, "une occasion manquée". L’événement, en soi, a été "intéressant", nous dit-il, "par son existence, la présence du chef du gouvernement jusqu'au bout, et par la diffusion de la feuille de route". Mais, selon lui, "si l'investissement privé est bien l'objectif, on s'y prend mal".

"On a évité les sujets tabous comme la corruption et la réforme de la justice. Et on confond toujours la promotion des mécanismes et des procédures avec le développement de l'investissement. Il n'y a pas eu de discussions sectorielles. Pas de débat avec la salle...", fait-il remarquer.

Et de noter également l’absence d’un angle de traitement sectoriel des sujets débattus : "L’objectif est d’accélérer l’investissement privé. L’idéal serait de l’accélérer dans le cadre des secteurs prioritaires du Maroc. D’ailleurs, la Charte de l’investissement prévoit un traitement spécial pour les investissements dans ces secteurs (industries de la santé, agroalimentaire, énergies renouvelables, etc.). Mais il n'y a pas eu de discussion sectorielle. Ce fut une occasion manquée."

"Dans le monde d’aujourd’hui, très concurrentiel, il ne suffit plus de travailler sur des mécanismes, d’améliorer les procédures, d’accorder des subventions pour promouvoir l’investissement. Il faut raisonner sectoriel et aller plus loin que ce qu’on a fait jusque-là. Certes, une feuille de route a été dévoilée, mais ce n’est pas suffisant…", estime notre haut commis de l’Etat.

L’absence de débat sectoriel a également été pointée par un chef d’entreprise qui a suivi les travaux de la conférence, bien qu'il pense que le format de l’événement n’était pas adapté à cet exercice. "Il s’agissait, si j’ai bien compris, de sujets transversaux qui touchent à l’investissement de manière générale. Chaque secteur a bien sûr ses propres spécificités, et il y a des secteurs qui doivent être boostés plus que d’autres au vu de l’évolution du monde post-Covid et des priorités nationales. Cela pourra peut-être faire l’objet de discussions séparées entre les représentants des différents secteurs et le gouvernement, dans le cadre du dialogue que la CGEM entretient avec l’exécutif."

La corruption est le premier frein à l’acte d’investir, et c’est un phénomène systémique.

Faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs

Notre chef d’entreprise estime globalement que la feuille de route répond à l’ensemble des freins à l’investissement qui sont connus depuis plusieurs années : les procédures administratives, le foncier, le financement, la transparence de la commande publique, l’informel…

Mais il rejoint notre haut commis de l’Etat sur l’absence de débat sur la corruption et la réforme de la justice, deux sujets liés selon lui. "On peut avoir les meilleures procédures du monde, digitaliser tout le parcours de l’investisseur, mais si le problème de la corruption n’est pas réglé, on ne peut pas avancer. La corruption est le premier frein à l’acte d’investir, et c’est un phénomène systémique."

A cela s’ajoutent, selon lui, les questions des privilèges, de la rente, des difficultés pour accéder à certains secteurs, de la concurrence… Des sujets qui ont été traités dans le rapport sur le Nouveau Modèle de développement, souligne notre source, mais qui sont depuis passés aux oubliettes.

"Les objectifs fixés par Sa Majesté au secteur privé ne peuvent passer sans l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs. C’est cela le cœur du sujet. Mais si on ne change pas le système, comme l’a recommandé le Nouveau Modèle de développement, si on n'ouvre pas les secteurs oligopolistiques à la concurrence, si on ne combat pas la rente et les privilèges, comment pourrions nous créer le climat de confiance nécessaire pour que notre jeunesse puisse s’investir dans des projets à fort potentiel ? On peut mettre les subventions que l’on veut, faciliter les financements, mais sans confiance, on ne pourra pas voir émerger cette nouvelle génération d’hommes d’affaires", estime ce patron d'entreprise.

Il cite un exemple qu'il qualifie d'inquiétant : la migration de jeunes porteurs de projets vers l’étranger. "Cela me fait mal au cœur quand je vois de jeunes Marocains partir en France, aux Etats-Unis ou aux Emirats pour lancer leur startup. Ces jeunes ne veulent rien de l’Etat, ils veulent juste un environnement transparent, sans corruption et népotisme, où ils peuvent s’épanouir, réaliser leurs idées, avoir le droit à l’échec… Nous en sommes encore loin."

Il est impératif de renforcer le climat de confiance dans lequel opèrent les investisseurs, à la fois nationaux et étrangers.

La lutte contre la corruption érigée en priorité (Mohcine Jazouli)

Ces sujets, qui relevaient du tabou avant d'être pointés par le Nouveau Modèle de développement, n’ont effectivement pas été débattus au sein de la conférence. Ils font l’objet d’un traitement partiel dans la feuille de route gouvernementale dans le cadre du quatrième pilier qui vise le renforcement de l’éthique, de l’intégrité et la prévention de la corruption, comme l'explique le ministre chargé de l’Investissement dans une interview avec Médias24.

"L’intégration de l’éthique, de l’intégrité et de la prévention de la corruption, comme pilier transversal de notre nouvelle feuille de route, constitue une avancée majeure pour l’amélioration de l’environnement des affaires", nous indique Mohcine Jazouli.

"Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, lors de son discours à l’occasion de l’ouverture du Parlement, le 14 octobre dernier, appelait à 'la consolidation des règles de la concurrence loyale, à la mise en œuvre effective des mécanismes de médiation et d’arbitrage pour le règlement des litiges'. Il est impératif de renforcer le climat de confiance dans lequel opèrent les investisseurs nationaux et étrangers. C’est la raison pour laquelle notre gouvernement, en collaboration avec les instances concernées, s’est fermement engagé à ne pas occulter cette dimension essentielle, avec une nouvelle génération de réformes. Notre démarche est par conséquent volontariste, car il est impératif de renforcer le climat de confiance dans lequel opèrent les investisseurs, à la fois nationaux et étrangers."

Mais ce travail, le gouvernement ne peut le faire seul, comme le laisse entendre Mohcine Jazouli, qui rappelle que le pays s'est doté d’une instance dédiée à la lutte contre la corruption.

"L’étroite collaboration avec l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) sera bien entendu décisive pour que nous puissions mener à bien les actions prévues dans ce domaine. Et il faut ici préciser que, si ce gouvernement fait explicitement référence au souci de la corruption au sein de la feuille de route, il ne s’agit pas là d’une absolue nouveauté. L’existence même de l’Instance est prévue par la Constitution, et l’adoption, en 2021, de la loi 46.19 relative à l’INPPLC a permis d’en élargir les prérogatives. Outre ses missions consultatives, elle dispose aujourd’hui d’un pouvoir d’investigation. La nomination royale de son président en 2018, complétée par la désignation récente de l’ensemble de ses membres, érige l’éthique, l’intégrité et la lutte contre la corruption en véritables priorités", affirme le ministre.

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