Concurrence. Veolia et le boulet Lydec au Maroc
Promise à un nouvel acquéreur, Lydec demeure, en attente d'autorisations, sous l'escarcelle de Veolia qui y détient près de 99% du capital. Une position à hauts risques juridiques ?

Concurrence. Veolia et le boulet Lydec au Maroc
Promise à un nouvel acquéreur, Lydec demeure, en attente d'autorisations, sous l'escarcelle de Veolia qui y détient près de 99% du capital. Une position à hauts risques juridiques ?
Au Maroc, Veolia est dans une posture délicate. Redoutant des tracas liés aux règles concurrentielles, le géant français veut et doit se défaire de la Lyonnaise des eaux de Casablanca (Lydec), mais n'y parvient pas faute d'autorisations administratives.
Gestionnaire délégué de l'eau dans la capitale économique, Lydec a été absorbée par Veolia après voir mené l'OPA de 2021 sur Suez. Elle devait, ensuite, faire l'objet d'une cession au profit d'un consortium d'investisseurs. Avec un double enjeu : créer " le nouveau Suez" et, surtout, dissiper tout risque d'atteinte à la concurrence.
Objet d'un accord, la vente n'a jamais été consommée, poussant Veolia à assumer plus de 98% du capital de Lydec. Une situation subie, peut-être, mais qui pose de facto la question de la concurrence.
En Europe, cette même problématique avait été soulevée et réglée en amont de la fusion Veolia/Suez. Dans sa notification à la commission européenne, Veolia a pris une série "d'engagements" en vue de rendre "l'acquisition du contrôle exclusif de Suez compatible avec le marché". Il s'agissait de prévenir d'éventuelles perturbations concurrentielles qu’aurait créé sa nouvelle position dominante, notamment sur le secteur de la gestion des eaux.
En France, entre autres pays concernés, ces engagements de Veolia se sont ainsi matérialisés par la cession de Suez Eau France (ex Lyonnaise des Eaux) au consortium d’actionnaires composé de Meridiam, de GIP et du Groupe Caisse des Dépôts. Cette opération a été finalisée le 31 janvier 2022.
Au Maroc, la notification au Conseil de la concurrence du rapprochement Veolia/Suez n'a pas été assortie d'engagements. En tous cas, rien n'apparaît dans les documents publiés par le Conseil.
Veolia semble avoir opté pour une stratégie différente. Ses représentants ont procédé à une double notification qui a été jointe, traitée puis validée comme un seul dossier par le Régulateur. Il s'agit :
- Du contrôle exclusif de Suez par Veolia d'une part;
- De la cession par Veolia de certaines activités de Suez - dont Lydec - au Consortium Meridiam, GIP, CNP Assurances et Caisse de dépôts et de consignations, d'autre part.
Ces opérations ont reçu le visa du Régulateur marocain, qui s'est prononcé le 30 septembre 2021. Deux ans plus tard, c'est sur le deuxième volet que les choses se compliquent. Il devait impliquer le passage de Lydec sous le giron du consortium. Mais l’accord sur la transaction a expiré fin décembre 2022, indique une note du gestionnaire délégué publiée en février dernier. Résultat, Veolia se retrouve malgré elle avec près de 99% du capital dans Lydec.
Cette situation met-elle Veolia en porte à faux avec le droit de la concurrence ? En Angleterre, et sous la menace d'une instruction de l'autorité de la concurrence (Competition and markets authority), Veolia avait fini par recéder à Suez 100% du capital social de Suez Recycling and Recovery UK (activité déchets). L'opération a été finalisée en décembre 2022.
Le régulateur marocain se penche-t-il sur la question ? Sollicitée par Médias24, l'institution d'Ahmed Rahhou n'a pas souhaité commenter.
Côté Veolia, ce risque est pris sérieusement en compte. Et malgré sa position dans le capital, son management nie tout contrôle sur Lydec. En attestent ces éléments communiqués dans son dernier rapport de gestion, où on lâche un détail sur la gestion de cette période transitoire.
" Deux monitoring trustees ont été nommés afin de garantir le statut de Hold separate de la Lydec. Ainsi, Veolia ne dispose pas des moyens pour piloter les activités opérationnelles de la Lydec et dès lors ne la contrôle pas. La détention de Veolia dans la Lydec est en conséquence comptabilisée en Titres non consolidés. Par ailleurs s'agissant d'une participation destinée à être cédée au Consortium (...), les titres Lydec sont classés au 30 septembre 2022 en actifs destinés à la vente pour un montant de 196 millions d’euros."
Mais comment en est-on arrivé là ? Le dossier dépasse la seule question de la concurrence. C'est une affaire complexe. Et visiblement sensible, surtout. Nous avons tenté de contacter plusieurs parties impliquées, sans réponses.
Dans les faits, la cession de Lydec achoppe sur une autorisation du ministère de l'Intérieur, autorité délégante, qui doit valider tout changement de contrôle des gestionnaires délégués. Les raisons n'ont pas été communiquées, mais nos interlocuteurs attirent notre attention sur des négociations en lien avec l'abandon annoncé de la gestion déléguée dans certains services publics (l'eau, l'électricité etc.), couplées à la création de sociétés régionales multiservices.
L'entrée en vigueur de ce dispositif est attendue pour 2026-2027, ce qui coïncide avec l'expiration du contrat avec Lydec. Il est là, le fond de l'histoire.