Loi sur la grève : le dialogue social toujours bloqué, le calendrier des grandes réformes compromis

Censé être prêt fin janvier, le projet de loi sur la grève n’a toujours pas vu le jour. En cause : le blocage des négociations par les syndicats qui exigent que les résultats du dialogue social du 30 avril dernier soient appliqués. Une situation qui menace tout l’agenda des grandes réformes sociales programmées pour 2023.

Loi sur la grève : le dialogue social toujours bloqué, le calendrier des grandes réformes compromis

Le 9 mars 2023 à 15h29

Modifié 9 mars 2023 à 16h57

Censé être prêt fin janvier, le projet de loi sur la grève n’a toujours pas vu le jour. En cause : le blocage des négociations par les syndicats qui exigent que les résultats du dialogue social du 30 avril dernier soient appliqués. Une situation qui menace tout l’agenda des grandes réformes sociales programmées pour 2023.

En septembre dernier, gouvernement, syndicats et patronat avaient signé un accord qui, pour la première fois dans l’histoire du pays, fixait des délais pour les grandes réformes sociales : loi sur la grève, Code du travail, loi sur les libertés syndicales...

Le projet de loi sur la grève devait ainsi être prêt fin janvier, selon l’engagement signé par les trois parties. Une réforme qui devait être suivie par l’ouverture de négociations autour du Code du travail et de la loi sur les syndicats, pour un accord programmé en juillet 2023.

Nous sommes pourtant le 9 mars, et rien n'a encore filtré sur le très stratégique projet de loi sur la grève, un sujet sensible pour l’environnement des affaires au Maroc.

Contacté par Médias24, le ministère de l’Emploi, qui chapeaute les négociations avec les partenaires sociaux, se refuse à tout commentaire. "Toute déclaration peut compromettre les négociations actuelles", nous dit-on.

Une manière d’avouer à demi-mot qu’il y a bel et bien blocage, comme nous le confient plusieurs sources syndicales et patronales.

Les syndicats refusent de discuter du sujet pour l’instant

Négociateur pour la CDT dans ce dossier, Yassine Ferrachine l’exprime sans détour : "La Confédération démocratique du travail a participé à deux réunions à ce sujet, mais nous avons refusé de discuter du contenu de la loi ou de la méthodologie, et nous avons exigé la nécessité d'évaluer ce qui a été mis en œuvre et ce qui ne l'a pas été pour ce qui est de l'accord du 30 avril dans les secteurs public et privé, notamment en ce qui concerne les engagements du gouvernement à améliorer les revenus par l'augmentation des salaires, la révision de l'impôt sur le revenu et l'ajout d'un nouveau diplôme de promotion."

Même position ou presque des autres syndicats impliqués dans le dialogue, qui sont entrés, comme le montrent les faits, dans une logique de marchandage avec le gouvernement : pas d’avancée sur les nouvelles réformes sans garantie d’application des engagements pris par le gouvernement le 30 avril dernier.

Une source syndicale, qui requiert l’anonymat, évoque de son côté un autre sujet de blocage : le projet de loi en lui-même. Selon elle, le gouvernement actuel doit d’abord retirer le projet présenté au Parlement par le gouvernement El Otmani avant d’entamer des négociations autour d’un nouveau projet de loi. Chose que le gouvernement refuse, selon nos sources, prétextant que ce texte est déjà passé par le circuit du Conseil des ministres, présidé par le Roi, et qu’il n’est pas question de le retirer.

Ce que le gouvernement met sur la table, ce sont des modifications ou des amendements sur l’actuel projet. Mais les syndicats ne veulent rien entendre. "Notre position concernant la loi sur la grève est claire, puisque nous avons précédemment exprimé notre rejet de la méthodologie adoptée par les gouvernements précédents qui ont renvoyé le texte directement au Parlement, avant de l'approuver dans le cadre du dialogue social. Un projet de loi qui enchaîne le droit de grève, voire le rend impossible dans certains cas, sans respecter la référence internationale, notamment la Convention internationale n° 87 et les décisions du Comité des libertés syndicales de l'Organisation internationale du travail", déclare le négociateur de la CDT, Yassine Ferrachine.

Une source patronale exprime sa déception face au non-respect des engagements pris

Contactée par Médias24, une source patronale se dit déçue par la tournure des événements. "Nous avons signé en septembre dernier un ensemble d’engagements, qui ont été respectés par la CGEM. Mais l’on remarque que les autres parties ne les respectent pas, notamment les deadlines fixés pour le projet de loi sur la grève. Ce texte était censé être prêt en janvier, pour que l’on puisse aborder les autres réformes, notamment celle du Code du travail qui devait être prête en juillet au maximum. Maintenant, ce n’est pas seulement le projet de loi sur la grève qui accuse du retard, mais toutes les réformes sur lesquelles on s’était mis d’accord."

Pour nos sources patronales comme syndicales, le gouvernement a aussi sa part de responsabilité dans ce retard, puisque les négociations autour du projet de loi sur la grève ne se sont ouvertes que début janvier. "Comment peut-on préparer un projet de loi aussi sensible en un mois ? C’est impossible. Et ce retard, c’est le gouvernement qui en prend la responsabilité", dénoncent nos interlocuteurs.

Au gouvernement, on tente toutefois de rassurer. Si notre source au sein de l’exécutif reconnaît le retard, elle nous révèle qu’une première copie de ce projet de loi sera prête en avril.

Cette copie sera-t-elle issue d’un consensus global entre les différents partenaires sociaux ou le gouvernement sera-t-il obligé de faire sans un accord préalable des différentes parties ?  "Les négociations sont toujours ouvertes, nous ne pouvons pas anticiper les choses", répond notre source gouvernementale. A suivre...

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