Le Maroc a toutes les chances de devenir un leader mondial de la cybersécurité (Imade Elbaraka)

L'industrie de la cybersécurité est en pleine croissance au niveau mondial, et le Maroc dispose de nombreux atouts pour s'imposer comme l'un des leaders. C'est en tout cas la conviction de Imade Elbaraka, qui est à l'origine de l'implantation du Cyber Center de Deloitte à Casablanca. Il nous fait part de sa vision pour y arriver.

Le Maroc a toutes les chances de devenir un leader mondial de la cybersécurité (Imade Elbaraka)

Le 7 mars 2023 à 20h06

Modifié 7 mars 2023 à 20h48

L'industrie de la cybersécurité est en pleine croissance au niveau mondial, et le Maroc dispose de nombreux atouts pour s'imposer comme l'un des leaders. C'est en tout cas la conviction de Imade Elbaraka, qui est à l'origine de l'implantation du Cyber Center de Deloitte à Casablanca. Il nous fait part de sa vision pour y arriver.

Et si la cybersécurité devenait une industrie exportatrice de plusieurs milliards de dollars pour le Maroc et un moteur de croissance aussi puissant que d’autres grands secteurs de l’économie ? Ce rêve fou est celui de Imade Elbaraka, président de Deloitte Security Cyber Center et associé responsable des activités cyber pour Deloitte France et Afrique francophone.

Pour lui, le potentiel de ce secteur est considérable, et cette ambition est tout à fait réalisable à court et moyen terme. Il y a un momentum à saisir et une opportunité économique et stratégique à ne pas ignorer. Mais pour cela, il faudra développer l’écosystème de la cybersécurité au Maroc, en mettant l’accent sur la formation et la recherche et développement.

Atteindre 5 milliards de dollars d’exportations en cinq ans

Si le Maroc décidait de s’y mettre sérieusement et de conduire une stratégie collective qui converge vers la création de cet écosystème, il serait tout à fait possible d’atteindre 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires à l’export en cinq ans, et plusieurs milliards de dollars d'ici une quinzaine d’années, assure Imade Elbaraka.

Le potentiel au Maroc est énorme, car la croissance du secteur au niveau mondial l’est aussi. Le marché mondial est estimé à près de 250 milliards de dollars. Deloitte, l’un des principaux acteurs dans ce domaine, pèse à lui seul 6 milliards au niveau mondial. Son Cyber Center de Casablanca est le sixième du genre, et le premier en Afrique pour le groupe.

En démarrant avec 100 ingénieurs, Deloitte se place déjà comme le leader de ce secteur au Maroc. A l’horizon 2025, il espère atteindre 450 ingénieurs. Mais il est possible d’en faire plus encore. A la manière d’un Regragui, Imade Elbaraka croit fermement à ce projet et ambitionne de placer le Maroc parmi les leaders de cette industrie à l’échelle mondiale.

Il est convaincu que l'investissement de Deloitte a positionné le Royaume sur le radar international des multinationales du digital. Plusieurs devraient être tentées de le rejoindre à court terme ; il faudra déblayer le terrain pour que ces ambitions puissent se concrétiser, et pour cela, faire émerger un véritable écosystème.

Deloitte pourrait alors être à la cybersécurité ce qu’a été Renault à l’automobile. Imade El Baraka se défend de nourrir une telle prétention, mais se dit convaincu qu’il est tout à fait possible de faire émerger un écosystème en faveur d’un secteur exportateur et créateur de valeur ajoutée.

Le modèle israélien en ligne de mire

Ce Franco-Marocain, revenu dans son pays d’origine pour contribuer à son développement, veut participer à la construction d'un modèle qui s’inspire de celui d’Israël. Avec moins de dix millions d’habitants, cet Etat a su devenir l’un des leaders mondiaux du secteur. Le chiffre d’affaires à l’export y dépasse les 15 milliards de dollars, soit plus que les exportations des phosphates ou de l’automobile au Maroc.

Dans la ville de Beer-Sheva, décrite comme le Tech hub israélien, un écosystème s’est développé autour de l’Université Ben Gourion du Néguev. On y trouve la crème des compagnies Tech dans le monde ; toutes ont choisi de s’y implanter. S’y presse aussi le monde de la recherche, des incubateurs, des startups et des fonds d’investissement.

Israël a très tôt investi dans la sécurité informatique, pour des raisons évidemment liées à sa condition géopolitique. Les Israéliens ont mis au point des technologies cyber-offensives, mais celles-ci ont fini par trouver une application dans le domaine civil, jusqu’à s’imposer comme un important secteur économique.

Un écosystème à construire

Un écosystème pour la cybersécurité n’est en rien semblable à celui de l’automobile. Il nécessite très peu d’investissement en CAPEX (dépenses d’investissement), souligne Imade El Baraka. Mais il faut absolument investir dans la formation et la recherche et développement. C’est la raison pour laquelle il recommande que cet investissement soit adossé à une université. Sans surprise, il envisage une institution comme l’Université Mohammed VI Polytechnique pour chapeauter ce projet. "Elle a la culture pour ! Quand je vois ce qui a été réalisé en termes d’équipements et d’animation, je me dis que c’est le genre d’université qui peut soutenir ce projet."

D’autant qu’il est important de posséder une infrastructure physique ; une sorte de campus où viendraient se greffer des activités back office de multinationales du digital et de la cybersécurité, des laboratoires de recherche, des centres de recherche et développement, des start-up, des incubateurs, un centre de conférences et des capacités d’hébergement. Le tout dans une ambiance et un style de vie attractifs pour les jeunes et les catalyseurs de l’innovation.

Casablanca, Rabat, Benguérir ou Dakhla pourraient être les villes hôtes pour accueillir ce projet, porté par l’UM6P ou par une autre université ou organisme. Ce qui est certain, c’est que ce projet a besoin d’un leadership fort pour le dynamiser et lui donner toutes les chances de réussir, estime Imade Elbaraka. Il espère que des dirigeants pourront se l’approprier. "Il faut qu’ils y croient et qu’ils puissent mener un travail collectif pour sa réalisation effective."

Ce pourrait être un écosystème qui comprendrait aussi bien la cybersécurité que d’autres nouveaux métiers du digital, qui sont complémentaires et jouissent d’un fort potentiel, notamment l’intelligence artificielle, la data science et la blockchain.

Notons qu'avec l’UM6P, Deloitte a déjà signé une convention pour créer un master spécialisé dans la cybersécurité. La société est aussi partenaire dans des projets de R&D à travers le soutien de trois thèse doctorales.

Une question de souveraineté et de sécurité nationale

La cybersécurité est aussi un secteur stratégique pour un pays comme le Maroc. Il est question de souveraineté, mais aussi de sécurité nationale. Car les guerre modernes se jouent également au sein du cyberespace. Le contexte géopolitique ne peut qu’encourager ce genre de projets. Dans tous les cas, il faut qu’il y ait au Maroc un vivier de talents et de compétences dans ce domaine. Il y va de la sécurité de la nation.

Pendant longtemps, la souveraineté a été réduite, en termes de données, à la question du cloud et à la nécessité de disposer de data center implantés au Maroc. Ce débat est dépassé, croit savoir le président de Deloitte Security Cyber Center de Casablanca. "Les Big 3 du cloud, les Amazon, Google et Microsoft, ont plié le jeu. Ils sont incontournables. En Europe aussi, on s’est résigné à accepter cette réalité."

Il est toujours possible de construire et de recourir à des data centers basés au Maroc, mais les GAFA sont désormais incontournables dans le secteur. Difficile donc de s’en passer. En revanche, à travers le chiffrement des données, le Maroc peut récupérer sa souveraineté sur sa data.

"Aujourd’hui, les gens n’ont pas encore suffisamment conscience de l’ampleur du risque lié au cybercrime. Nous vivons dans un monde de plus en plus connecté, le digital est présent partout, et la révolution de l’internet des objets (IOT) avance à grand pas", indique Imade El Baraka.

Les cyberattaques peuvent être très préjudiciables et causer des dégâts importants, d’ordre sécuritaire et économique. Ces attaques sont de plus en plus courantes. Imade Elbaraka va jusqu’à prophétiser une attaque de grande ampleur contre une grande institution ou entreprise marocaine, à court terme.

Le capital humain, facteur clé de la réussite de ce projet

Si ce discours est séduisant, le capital humain reste la cheville ouvrière de ce système. Or, et ce n’est un secret pour personne, le marché des talents IT est en proie à une forte tension. Les entreprises marocaines peinent déjà à recruter et retenir les profils qualifiés. La fuite massive de ces cerveaux vers des pays comme la France et le Canada n’aide en rien ce dessein.

Mais il ne faut pas s’affoler ; c’est le cas partout dans le monde, répond notre interlocuteur. "Tous les pays connaissent cette tension, ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Le Maroc a la chance d’avoir une jeunesse polyglotte et compétente en mathématiques et en informatique, ce qui la rend particulièrement adéquate pour ce genre de métier. La faiblesse de la jeunesse marocaine communément admise, celle des soft skills, n’en est pas vraiment une pour la cybersécurité."

"Il y a actuellement trois millions d’emplois non pourvus dans la cybersécurité à l’échelle mondiale. Rien qu’en France, 15.000 postes sont à pourvoir chaque année. Le besoin est grand, et les tensions sur ce genre de profil se ressentent partout dans le monde. Cela devrait au contraire nous encourager à profiter de ce gap, afin de se positionner en acteur mondial de la cybersécurité", analyse Imade Elbaraka.

Des profils IT peuvent tout à fait être formés à la cybersécurité pendant une durée de trois mois, avant d'intégrer le monde professionnel pour renforcer leurs capacités.

Des emplois de qualité hautement rémunérés

Il faut dire aussi que la cybersécurité dispose d’un atout de taille : elle offre des emplois de qualité et bien rémunérés. Chez Deloitte, un ingénieur perçoit, dès la première année, un salaire net de 14.000 dirhams par mois. Une rémunération qui grimpe à 20.000 dirhams dès la deuxième année, avec des primes annuelles de près de 30.000 dirhams.

Des montants proches de ceux pratiqués à l’étranger, assure Imade Elbaraka. Avec le coût de la vie plus favorable au Maroc, ces profils n’auraient plus de raison de partir, pense-t-il. Tout n’est pas qu'une question d’argent : les employés peuvent être incités à rester lorsqu’ils ont un intérêt social ou intellectuel. Autant d'éléments que les entreprises du secteur devraient prendre en compte.

A terme, la nouvelle société de Casablanca Finance City prévoit de réaliser un chiffre d’affaires de 500 millions de dirhams, dont plus de 80% à l’export. Et même si le centre veut cibler le continent pour son potentiel prometteur, le marché hors Afrique reste beaucoup plus important à l’heure actuelle.

A partir de leurs bureaux de Main Street, les ingénieurs marocains du Cyber Center de Deloitte servent des clients de renommée mondiale, notamment dans le domaine du retail et de l’automobile.

Ci-dessous une démonstration des applications de cybersécurité :

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