Valorisées à des cours de “faillite”, les immobilières toujours mal perçues par le marché

| Le 1/3/2023 à 17:29
Se négociant en dessous de leurs valeurs nominales, les actions d'Addoha, d'Alliances et de Résidences Dar Es Saada n’arrivent toujours pas à convaincre, malgré les évolutions positives enregistrées par les deux ex-majors de Alami Lazraq et, dans une moindre mesure, par le groupe des Sefrioui. Le point sur des actions jadis stars de la Bourse, devenues aujourd’hui des titres pour petits boursicoteurs.

Addoha, Alliances et Résidences Dar Es Saada continuent de donner des sueurs froides au marché. A la veille de la publication de leurs résultats annuels, certains analystes s’attendent encore une fois à une grande casse. Des anticipations qui ne sont pas tout à fait justes si l’on en croit le management des trois groupes immobiliers qui tentent de rassurer dans leur communication financière. Mais la perception du marché est telle que plus personne, surtout au niveau des acteurs institutionnels, n'accorde foi à ce qui est dit ou communiqué.

"Les trois immobilières ne sont pas logées à la même enseigne. RDS coule, c’est vrai. Addoha se porte un peu mieux qu’avant, et Alliances a pris clairement le chemin de la reprise. Mais les trois groupes sont pénalisés par la mauvaise perception du marché. La confiance avec les institutionnels est totalement rompue, d’où les avis négatifs qui sont véhiculés sur la place…", nous confie un gérant de portefeuille.

La preuve, selon lui, c’est la valeur de ces titres qui se négocient à "des cours d’entreprises en faillite".

Addoha cote, par exemple, à l’heure où ces lignes sont écrites, à 6,60 dirhams, alors que sa valeur nominale est de 10 DH. Idem pour ADI, qui vaut 56 dirhams en bourse pour une valeur nominale de 100 DH. Ou encore RDS qui ne vaut que 12,92 DH pour un nominal de 100 DH.

Selon plusieurs sources du marché, si une telle valorisation est justifiée pour RDS, qui est perçue comme une entreprise en faillite, elle est tout à fait injuste pour Addoha, et davantage pour Alliances.

RDS, tous les signaux dans le rouge

"RDS a réalisé l’année dernière un résultat net négatif. Son chiffre d’affaires de 2021 a été généré grâce au déstockage. Et en 2022, la situation ne devrait pas être meilleure. Les préventes en 2022 sont en baisse de 18%, ce qui donne une idée sur la tendance des revenus futurs. Son chiffre d’affaires en 2022 est en baisse de 29%. Et l'entreprise a de grosses difficultés à se financer. Le renouvellement de ses lignes de billets de trésorerie cale à chaque fois, ce qui montre que le marché ne lui fait pas confiance", explique un analyste du marché. Il cite un indicateur montrant la gravité de la situation de l’entreprise : le price to book (P/B), ce ratio qui compare la capitalisation boursière au niveau des fonds propres.

RDS traite en effet à un P/B de 0,2 à 0,3 maximum. "Cela veut simplement dire que sa valeur vaut cinq fois moins que ses fonds propres", commente notre analyste.

"Les choses sont simples. RDS est capitalisée en bourse à 335 MDH pour un endettement de 2,3 milliards de dirhams, hors facilité de caisse. C’est normal que le marché la voie comme une entreprise en faillite. Et ses résultats ne permettent pas au marché de voir le bout du tunnel. Avec les déficits qu’elle affiche, qui diminuent les fonds propres, et l'absence de projet en route, la seule chose que l’on peut dire, c’est que l'entreprise coule", ajoute-t-il.

Cette perception du marché se reflète très bien sur la tendance du titre en bourse. Cotant à 12,92 DH, la valeur a perdu 28,22% depuis le début de l’année. Depuis 2022, les pertes accusées par la valeur se montent à 53%. Et la valeur du titre a été divisée par deux depuis 2018. Et rien, selon nos sources du marché, n'indique que la situation va s’améliorer à l’avenir.

Addoha, mi-figue, mi-raisin…

Ce n’est pas le cas d'Addoha, qui selon un analyste du marché, ne se trouve pas dans la situation de RDS, mais n’est pas non plus arrivée à s’en sortir comme Alliances.

Traitant toujours sous sa valeur nominale, Addoha vaut aujourd’hui 6,60 DH. Le titre a gagné 5,10% depuis début janvier, mais n’arrive toujours pas à absorber les pertes considérables accusées depuis 2018 (- 80%). Encore moins retrouver ses niveaux de valorisation post-IPO.

"Il faut oublier les niveaux de valorisation au moment de l’introduction en bourse. Adohha de 2007 et de 2008 n’est pas la firme de 2023. Aujourd’hui, l’ambition est d’atteindre au moins un résultat net de 500 millions de dirhams en 2024 et un cours cible de 7 dirhams. Ce qui reste loin de la valeur nominale du titre", égrène une de nos sources.

Le groupe immobilier de Sefrioui a en effet réduit sa voilure ces dernières années. Exit les résultats en milliards, et les projets en centaines de milliers d’hectares un peu partout au Maroc ; son niveau de production a baissé pour se situer entre 2.000 et 3.000 unités par an au maximum.

En 2022, selon les résultats du quatrième trimestre, le groupe a produit 2.300 unités. Ce qui est en soi une bonne performance, puisque cette production, avec les ventes réalisées, a généré un chiffre d’affaires de 1,4 milliard, en hausse de de 17% par rapport à 2021.

Selon le groupe, la production en cours, qui sera livrée dans les prochaines années, est de 17.000 unités, dont 32% en Afrique de l’Ouest. Une stratégie de diversification territoriale qui permet à Addoha de contourner la mauvaise conjoncture au Maroc, mais qui ne convainc pas vraiment le marché.

"L’Afrique représente certes 32% de l’activité de Addoha, mais ce n’est pas en raison d’une forte expansion faite au sud du Sahara, mais parce que l’activité au Maroc est en train de baisser. Au Maroc, ils sont passés entre 2021 et 2022 de 5.312 à 4.776 unités vendues. Il est normal donc que le poids de l’Afrique subsaharienne, où Addoha a vendu 3.555 unités en 2022, augmente", commente un gérant, pour qui Addoha n’est pas encore sortie de la zone rouge.

"Il y a un indicateur important qui donne une idée de l’avenir d’un promoteur, ce sont les préventes. Pour le cas d’Addoha, les préventes en 2022 ont augmenté de 2%, soit une stagnation par rapport à l’année dernière. Cela montre que le flux des revenus futurs sera également en stagnation. Et même si le chiffre d’affaires a augmenté de 17% en 2022, il ne faut pas oublier que l’endettement du groupe est également en hausse. Il s’est alourdi de 200 millions de dirhams en 2022, au moment où Alliances se désendette et RDS reste sur un endettement stable malgré elle, parce que personne ne veut lui prêter", souligne notre gérant.

A un cours de 6,6 dirhams, la valeur, pour lui, reste mal perçue. Et ne pourra pas aller très loin au vu des fondamentaux actuels et du rythme de production. "Au mieux, elle montera à 7 ou 7,5 dirhams, même si on n’est pas sûr que son résultat net soit positif cette année, vu sa structure de charges qui reste encore lourde", ajoute-t-il.

Le constat pour le groupe immobilier de Sefrioui est selon notre source alarmant : "Addoha traite avec une capitalisation de 2,6 milliards pour un endettement de 4,6 milliards. Tout est dit."

La valeur a, selon lui, été dépassée pour la première fois de son histoire par Alliances, ce qui est un véritable point d’inflexion dans le marché.

L’exception Alliances Développement Immobilier

Alliances, justement, est la seule des trois valeurs à avoir les faveurs du marché. Son évolution, ses fondamentaux et ses perspectives font presque consensus.

"Avec des préventes en hausse de 19% en 2022 et 4.800 unités réceptionnées, en hausse de 51% par rapport à 2021, Alliances est clairement sur une bonne voie au niveau de l’activité", témoigne un analyste.

L’activité du groupe, qui s’est recentré sur les lotissements, moins gourmands en capital et en cash, s’est montrée payante. Et surtout le nouveau maillage territorial : le groupe est sorti de la zone de turbulence de l’axe Casablanca-Rabat pour s’investir dans des zones urbaines à fort potentiel, comme Kénitra, Béni Mellal, Tanger, Fnideq, Mdiq…

"ADI est allée là où il y a de l’activité, des zones industrielles nouvelles, des centres hospitaliers ou universitaires qui se créent. Et elle investit peu en capital dans les lotissements pour un retour rapide en investissement. C’est intelligent comme stratégie", commente un analyste.

Le tout accompagné d’une restructuration du bilan, qui a fait passer l’endettement du groupe de plus de 9 milliards en 2016 à moins de 2 milliards à fin 2022.

Résultat : le groupe de Alami Lazraq a généré en 2022 un chiffre d’affaires de 1,6 milliard de dirhams, dépassant pour une première le groupe Addoha (1,4 milliard de CA en 2022). Idem au niveau des anticipations de résultat net où ADI fera, selon nos sources, plus de bénéfices que le groupe de Sefrioui.

Pourtant, le marché continue de mal valoriser le titre. "Avec ces résultats plus forts que ceux d’Addoha, et des perspectives plus claires, Alliances est valorisé par le marché à 1,2 milliard de dirhams contre 2,6 milliards pour Addoha. C’est injuste. Cette erreur doit être corrigée par le marché", souligne un gérant.

Pour lui, le titre doit au moins retrouver sa valeur nominale de 100 dirhams, soit un grand potentiel de croissance en bourse.

Le manque de visibilité continue de pénaliser le secteur

Sur le marché, le titre semble retrouver des couleurs, avec des gains cumulés depuis le début de l’année de 8,65%. Mais c’est insuffisant, selon nos sources, qui nous disent que l’on est encore très loin du scénario de rattrapage normal qui doit se faire pour réajuster la valeur du titre à ses fondamentaux.

La raison ? La méfiance du marché et le désintérêt des institutionnels qui refusent toujours de miser sur le secteur.

"Alliances comme Addoha ou RDS ont perdu la confiance des institutionnels. C’est devenu des actions de boursicoteurs, de personnes physiques. La seule chose qui peut les pousser, c’est un regain d’intérêt des institutionnels, ce qui n’est pas gagné, vu la conjoncture et le manque de visibilité sur le secteur de l’immobilier en général."

Ce manque de visibilité, tout le monde au sein de la place le pointe, malgré la promesse d’un nouveau mécanisme incitatif préparé par le gouvernement pour booster la demande.

Pour un expert du secteur et du marché financier, ce programme est bon, mais il produit actuellement l’effet contraire sur le secteur et sur le marché.

"Ce programme incitatif est toujours un projet sur le papier. On n’a rien vu pour l’instant. Ce qui crée un attentisme au sein du marché. Aussi bien pour les futurs acheteurs qui attendent son déploiement effectif pour passer à l’acte ou au sein de la Bourse, où les investisseurs attendent également de voir ses résultats pour se faire une idée sur le secteur. Au lieu de créer une accélération du marché, ce programme est en train de ralentir toute la machine", dénonce notre source.

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