Belguendouz : “La nouvelle politique européenne d’immigration va aggraver la fuite des cerveaux au Maroc”

Selon le spécialiste des migrations Abdelkrim Belguendouz, la réforme en cours de la législation européenne sur l’accueil des travailleurs étrangers aura pour effet d’institutionnaliser et d’accentuer le phénomène d'exode des compétences. Explications.

Belguendouz : “La nouvelle politique européenne d’immigration va aggraver la fuite des cerveaux au Maroc”

Le 27 février 2023 à 18h30

Modifié le 27 février 2023 à 19h39

Selon le spécialiste des migrations Abdelkrim Belguendouz, la réforme en cours de la législation européenne sur l’accueil des travailleurs étrangers aura pour effet d’institutionnaliser et d’accentuer le phénomène d'exode des compétences. Explications.

La volonté de plusieurs pays européens de réformer leur législation pour parvenir à une immigration choisie et pourvoir à la pénurie de main-d’œuvre dans des métiers dits en tension (restauration, bâtiment, services à la personne, médecine…) suscite des questions. En raison des effets négatifs sur des pays émetteurs comme le Maroc, certains observateurs dénoncent un pillage institutionnalisé des ressources humaines.

Dans le viseur de l’UE, des compétences du Sud de plus en plus qualifiées

Sollicité par Médias24 pour son expertise en matière de migrations, Abdelkrim Belguendouz tient à rappeler que la thématique de l’immigration en Europe intéresse de plus en plus son opinion publique, depuis la montée de l’extrême-droite notamment, avec des dizaines de lois votées en moins de trente ans.

"Tout en continuant à s’attaquer à l’immigration clandestine, le Vieux Continent cherche aujourd’hui à accueillir plus de migrants réguliers dans des secteurs sous tension, où il existe un déficit de main-d’œuvre mis en lumière par la période du Covid, notamment pour des métiers dits nécessaires", explique l’expert. Il cite une volonté européenne d’attirer des migrants aux compétences de plus en plus qualifiées, à l'opposé de l’ancienne politique d’accueil migratoire limitée aux ouvriers.

"Des migrants qualifiés qui ne reviendront pas au pays"

Confrontés à une pénurie croissante de main-d’œuvre qui s’accentue avec le vieillissement de sa population, les pays concernés concluent, depuis plusieurs années, de nouveaux pactes européens sur la migration et l’asile. Selon Abdelkrim Belguendouz, ils visent non seulement à capter, mais surtout à retenir une immigration légale composée d’éléments hyper-qualifiés issus de pays du Sud comme le Maroc.

"Il ne s’agit pas d’une immigration circulaire, avec des compétences qui viendraient pour une durée déterminée avant de repartir dans leur pays. En réalité, si on leur ouvre la porte aujourd’hui, c’est surtout pour les garder en leur permettant, par exemple, d’effectuer un regroupement familial ou de travailler dans tout l’espace Schengen", avance l'expert. Il souligne que  l’institutionnalisation européenne de l’immigration qualifiée aurait d'ailleurs la bénédiction des pays tiers émetteurs de main-d’œuvre.

"Un pillage institutionnalisé des ressources humaines"

Pour pallier leur vieillissement démographique et le manque de compétences, les pays européens mettent en œuvre, selon l'expert, des mécanismes de spoliation des ressources humaines qualifiées, sans rencontrer de réaction appropriée de pays comme le Maroc.

Ainsi le ministère de l’Emploi et de l’inclusion économique prônerait depuis l’automne dernier, une stratégie de mobilité professionnelle internationale, où l’accent est mis sur la nécessité de permettre à des profils marocains qualifiés de tenter leur chance en Europe.

Tout en rappelant qu’il n’y a pas d’acceptation ministérielle officielle de la politique de l’UE, le chercheur dénonce "une connivence intellectuelle" d’institutions comme l’ANAPEC, qui partagent les idées des pays européens d’accueil en niant l'exode des compétences marocaines.

Nous nous devons cependant de préciser que les autorités ne peuvent pas restreindre les libertés individuelles en fermant du jour au lendemain les frontières pour les candidats légaux à l’émigration et que la signature de conventions migratoires avec des pays européens pourrait contribuer à réguler, voire limiter les départs massifs en attendant de pouvoir améliorer les conditions de travail des candidats à la migration.

"Un déni des autorités marocaines de la fuite des cerveaux"

"Ce déni de la fuite actuelle des cerveaux s’inscrit dans une terminologie arrangeante de libre circulation des compétences dans un monde globalisé, où chacun peut et doit exercer son libre arbitre en matière de mobilité professionnelle", précise Abdelkrim Belguendouz.

"Si les migrants ont droit à leur liberté de mouvement, ils doivent aussi bénéficier du droit de travailler dans des conditions acceptables dans leur pays", conclut l’universitaire pour qui "la véritable hémorragie en cours" ne pourra que s’aggraver avec la future politique d’accueil institutionnalisée des pays européens.

En effet, l’accentuation de la fuite des compétences (médecins, infirmiers, ingénieurs, informaticiens...) risque de mettre à mal la position concurrentielle du Maroc sur le marché global, en portant atteinte à sa productivité, son développement technologique, son innovation…

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