Déboires judiciaires et financiers d'IB Maroc: voici les explications du management

Depuis de nombreuses années, la société cotée IB Maroc connaît des difficultés financières notables. Des documents sur le site de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) signalent de nombreux profit warnings et des résultats annuels régulièrement dans le rouge.
Par le biais de communications téléphoniques et d'échanges écrits, le management de la société, à des niveaux élevés, livre ci-après sa version de l'engrenage qui a conduit l'entreprise à cette situation. Les principaux éléments sont les suivants:
-l'entreprise a eu des difficultés.
-elle a demandé et obtenu la mise en place d'un fonds de soutien, financé par BOA, avec la garantie partielle (60%) de la CCG (ex-Caisse ce trale de ganartie, actuel Tamwilcom).
-elle n'a pas pu faire honorer ses échéances de remboursement, ce qui a conduit BOA à exiger le remboursement immédiat de la totalité du montant.
-elle incrimine BOA dans ses difficultés, accusant cette banque de lui avoir fait perdre deux années avant la mise en place du fonds de soutien, alors que tout était conclu et verrouillé.
-elle a demandé sa propre mise en redressement, rejetée à ce stade par le tribunal pour irrecevabilité.
-elle se retourne maintenant contre BOA contre laquelle elle a intenté une action en justice.
IB Maroc attaque BOA en justice
Le 30 décembre dernier, après plusieurs exercices déficitaires, IB Maroc a déposé une demande de mise en redressement judiciaire, dont la première audience d’examen s’est tenue le 5 janvier. Concernant cette demande, le tribunal de commerce de Casablanca l’a jugée, le 2 février dernier, ‘irrecevable’.
Plus récemment, pour ne rien arranger, la société a été condamnée à verser 34 MDH à Bank of Africa (BOA) dans le cadre d’un litige autour du remboursement des échéances du fonds de soutien apporté à l'entreprise pour faire face à une situation financière compliquée.
Concernant les dernières décisions en date et notamment la demande de redressement, notre source se déclare optimiste. Elle nous explique que « cette irrecevabilité vient du fait que le tribunal avait besoin d’informations financières complémentaires. Elles seront fournies par le directeur administratif et financier qui assistera à la prochaine audience ».
Au sujet du procès perdu face à BOA au sujet du Fonds de soutien, le management confirme que l’entreprise ne compte pas faire appel de la décision. “On ne peut pas contester au plan juridique. Comme la banque a refusé de négocier un rééechelonnemen, elle demande donc le remboursement anticipé de la dette. Un appel serait voué à l’échec”, confie-t-il.
Il explique : "Nous avions obtenu la mise en place d'un fonds de soutien qui portait sur un montant de 40 MDH, couvert à 60% par la Caisse centrale de garantie (CCG) et à 40% par BOA. La part de la CCG était gérée par BOA. Ce fonds a été mis en place en 2018 et étalé sur dix ans. En garantie, nous avons apporté un immeuble à Rabat, dont IB Maroc est propriétaire et qui est libre d'hypothèques. Ce fonds de soutien a été déchu de son terme, car nous n’avons pas réussi à payer les mensualités. Le procès que nous venons de perdre concerne la déchéance du terme. La banque demande le remboursement de tout le crédit, car nous étions dans l’incapacité de rembourser le fonds de soutien. Tout le prêt est dû à l’instant ‘t’, donc la banque a obtenu une ordonnance en ce sens au tribunal."
Une action en justice a été déposée par IB Maroc, engageant la responsabilité bancaire de BOA
D'autre part, notre source nous apprend que la société a assigné la banque en justice pour paiement de dommages et intérêts engageant la responsabilité bancaire de BOA. La requête a été introduite auprès du tribunal de commerce de Casablanca le 24 mai 2022. D’après les informations présentes sur le portail, le tribunal a ordonné le 15 décembre une expertise bancaire. La prochaine audience aura lieu le 2 mars prochain.
"Nous avons assigné BOA en justice pour dommages et intérêts. Un procès est en cours pour manquement à ses obligations. Le juge du tribunal de commerce a estimé notre demande recevable et il a désigné un expert judiciaire pour évaluer la situation.
"La CCG nous a donné l’autorisation pour le fonds de soutien en 2016, et BOA a mis deux ans à le débloquer.
"La banque a fait un premier contrat en 2017 qui n’a pas été exécuté. Elle a fait un second contrat un an plus tard, au terme duquel il était demandé 10 MDH d’apport de l’actionnaire à titre personnel pour améliorer la situation de la trésorerie.
P"endant ce temps-là, la banque ne nous a pas donné accès aux lignes, ni délivré de caution pour soumissionner aux appels d'offres. M. Hadef, le président de la société, a réussi à rassembler la somme nécessaire, soit les 10 MDH dont 3,5 MDH par voie bancaire. Il a également hypothéqué son appartement personnel".
Lorsqu'un fonds de soutien est créé, ajoute le management, l'objectif est de permettre à une entreprise de pouvoir redémarrer et se refinancer à condition que la banque, elle, maintienne ses lignes à des niveaux identiques, or, ce n’est pas ce qu’il s’est passé.
"La situation s’éternisait et les finances de l’entreprise se dégradaient puisque nous ne pouvions plus soumissionner à des appels d’offres. Nous avons donc trouvé un repreneur. Ce dernier était prêt à reprendre l’entreprise, augmenter le capital de 20 MDH et assurer un certain niveau d’activité".
"Nous disposons de sa lettre d’intention et de correspondances avec lui. Il est donc allé à la BOA pour exposer la situation, rééchelonner un découvert résiduel de 17 MDH que nous avions avec la banque, et définir de nouvelles modalités pour le remboursement du fonds de soutien. Plusieurs mois se sont écoulés. Notre interlocuteur de référence au sein de la banque était M. M’Fadel El Halaissi et son équipe. Ce dernier ayant été placé en détention, nous avons perdu notre interlocuteur habituel".
Notre source ajoute: "Nous nous sommes retrouvés avec une nouvelle équipe pour communiquer sur l’avancement de la situation. Cela a encore duré des mois, et rien ne s’est passé. Nous avons tenu une réunion de dernière minute le 7 juillet 2022 au cours de laquelle nous avons rencontré le nouveau directeur général avec le repreneur.
"La banque nous a affirmé qu’elle allait nous apporter une réponse dans les quinze jours pour mettre en place un dispositif pouvant sauver l’entreprise. Malgré les relances du repreneur auprès de la banque, il n’y a pas eu de réponse.
"En fin de compte, au dernier trimestre 2022, le repreneur nous a envoyé un courrier pour nous dire qu’il renonçait à sauver IB Maroc faute de réponse de la banque. C'est ce qui nous a conduit à déposer le bilan et à demander le redressement judiciaire."
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