Lahcen Haddad : “L’hostilité à l’égard du Maroc a toujours existé au Parlement européen”

Le président de la Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne réagit aux résolutions hostiles des eurodéputés contre le Royaume, dont la dernière a été votée hier. Il considère que les eurodéputés devraient régler leurs problèmes internes au lieu de faire du Maroc et du Qatar des boucs émissaires.

Lahcen Haddad : “L’hostilité à l’égard du Maroc a toujours existé au Parlement européen”

Le 17 février 2023 à 17h46

Modifié le 17 février 2023 à 21h32

Le président de la Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne réagit aux résolutions hostiles des eurodéputés contre le Royaume, dont la dernière a été votée hier. Il considère que les eurodéputés devraient régler leurs problèmes internes au lieu de faire du Maroc et du Qatar des boucs émissaires.

Les députés européens ont adopté, le jeudi 16 février, une résolution sur le suivi des mesures demandées par le Parlement européen pour renforcer l’intégrité des institutions européennes. Ils y "expriment leur profonde inquiétude face aux allégations de corruption de la part des autorités marocaines".

Adoptée par 401 voix pour, 3 voix contre et 133 abstentions, cette résolution intervient après les enquêtes ouvertes à la suite d’allégations de corruption par le Qatar à l’encontre de députés actuels et anciens.

Dans cette résolution, les eurodéputés appellent à étendre au Maroc les mesures prises à l’égard des représentants du Qatar, faisant allusion à une interdiction d’accès des représentants d’intérêts marocains à l’hémicycle européen.

Nous avons recueilli la réaction de l'ex-ministre du Tourisme, le député Lahcen Haddad, qui préside la Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne.

Nous ne savons pas encore comment cette résolution va se traduire dans les faits

- Médias24 : En moins d’un mois, les eurodéputés ont voté deux résolutions hostiles au Maroc...

Lahcen Haddad : Une majorité de parlementaires européens a en effet adopté, le 19 janvier dernier, une première résolution condamnant le Maroc, puis une seconde, jeudi 16 février, qui comprend une série de mesures autour de questions sur la transparence, l’ingérence étrangère et le lobbying.

Si leur démarche peut sembler compréhensible après la découverte de cas internes de corruption, l’un de ses points mentionne cependant des allégations de corruption par le Maroc, et à l’instar des mesures prises contre le Qatar, les eurodéputés ont donc demandé à ce que les représentants du Maroc n’aient plus d’accès au sein du Parlement européen.

- Floue dans sa formulation, qu’implique exactement cette mesure ?

-Nous ne savons pas encore comment elle va se traduire dans les faits, mais en se basant sur le précédent avec le Qatar, on peut imaginer que la délivrance des visas et l’accès au sein de l'hémicycle européen seront plus compliqués pour les Marocains même si en réalité, nous n’en savons pas davantage...

- Quelle catégorie de Marocains pourraient pâtir de ces éventuelles restrictions :  parlementaires, diplomates ?

-Là encore nous n’avons pas de détails, mais a priori, ce devrait être le cas de tous les officiels issus de notre pays.

- Par conséquent, vous ne serez plus autorisé à vous rendre à Bruxelles pour débattre des questions autour du partenariat et du statut avancé entre le Maroc et l’Union européenne ?

-Honnêtement, je ne sais pas si ma fonction actuelle fait de moi un officiel ou pas.

- Vous n'êtes pas seulement un parlementaire ; vous présidez aussi la commission mixte entre le Maroc et l’Union européenne... 

-Lorsque les eurodéputés évoquent l’ensemble des représentants officiels du Maroc, je ne sais pas de quoi il en retourne exactement.

Le Parlement européen devra donc préciser sa pensée.

Avant que la justice n’ait statué, le Parlement européen a décidé de juger coupable le Maroc, sans apporter au préalable aucune preuve formelle

- Pourtant, la lettre envoyée par une trentaine d’eurodéputés à la présidente du Parlement européen réclamait d’étendre à une vingtaine d’officiels marocains les mesures restrictives d’accès, édictées auparavant contre les Qataris...

-Maintenant que leur demande a été adoptée, nous allons voir ce que cela signifie réellement et comment se traduira son application sur le terrain.

- Qu'en est-il de l’amendement proposé par certains eurodéputés, dont vous avez dénoncé le rejet ?

-Alors que les conservateurs européens ont proposé un amendement réclamant d’apporter au préalable des preuves aux allégations de corruption portées contre le Maroc, cette proposition a été, en effet et à mon grand regret, rejetée par une majorité de votants.

En refusant de l’adopter, les eurodéputés qui se prétendent pourtant les gardiens du temple de la démocratie mondiale ont fait fi du principe de la présomption d’innocence, alors que c’est une valeur universelle communément admise dans tous les Etats de droit qui permet de ne pas accuser sans preuves.

En d’autres termes, avant que la justice n’ait statué, le Parlement européen a décidé de juger coupable le Maroc sans apporter aucune preuve formelle au préalable.

- Dans pareil cas de figure, que doit et peut faire le Maroc ?

-Sachant que ces accusations infondées proviennent de nos homologues parlementaires, qui n’engagent ni l’Union européenne ni la Commission européenne, c’est donc à notre Parlement de réagir.

La question qui se pose est de savoir s’ils veulent toujours poursuivre notre partenariat sur des bases solides ou s’il convient de le remettre en question, ce qui ne nous poserait aucun problème.

L’hostilité à l’égard du Maroc a toujours existé au Parlement européen, auprès de certains groupes parlementaires instrumentalisés par l’Algérie

- Envisageriez-vous de rompre le partenariat parlementaire Maroc-Union européenne ?

-La réponse à votre question reviendra au Parlement marocain, qui est en train d’étudier toutes les options possibles.

- Jusqu’où pourrait aller l’escalade du Parlement européen ?

-il faut d'abord rappeler que l’hostilité à l’égard du Maroc a toujours existé au Parlement européen, auprès de certains groupes parlementaires instrumentalisés par l’Algérie.

Ainsi à Bruxelles, il y a un cabinet de lobbying rémunéré par l’ambassadeur algérien dont la tâche principale consiste à mobiliser un intergroupe d’eurodéputés contre notre pays et sa cause nationale.

Mais en fait, s’il y a toujours eu des hostilités, le climat de corruption mis à jour et les accusations contre le Maroc ont fait peur à nos alliés, qui étaient pourtant majoritaires au Parlement européen.

C'est la raison pour laquelle cette majorité parlementaire qui entravait la capacité de nuisance de nos adversaires à notre relation avec le Parlement européen a fini par s'effriter, et in fine, a permis de faire passer les résolutions hostiles à notre égard.

Cette confrontation ne profitera à personne et, au final, tout le monde sera perdant

- Y a-t-il lieu de s’inquiéter ?

-Non car ces résolutions n’ont pas de véritable valeur et qu'en plus c’est le Conseil des ministres et la Commission européenne qui prennent les décisions vraiment importantes.

Cela dit, si la situation n’est pas grave, nous préférerions avoir une relation moins agitée avec le Parlement européen, qui doit d’abord régler ses problèmes internes.

En effet, si cette institution – qui vit une crise inédite – devait se transformer en une plateforme qui attaque de façon systématique notre pays, nous ne serons pas intéressés par ce partenariat.

A contrario, si le Parlement européen veut vraiment le développer, il devra s’en tenir à des mécanismes qui incluent la présence du Maroc; comme lors du vote de la résolution d’hier où notre pays aurait dû être présent pour débattre sereinement avant leurs délibérations finales en séance plénière.

Faute de quoi, notre partenariat ne présentera plus aucun intérêt voire n'aura même plus lieu d’être.

- Le cas échéant, qui sera le grand perdant de l’escalade actuelle ?

-En cas de poursuite, cette confrontation ne profitera à personne et, au final, tout le monde sera perdant.

Il reste donc à espérer que cette institution parlementaire va régler ses problèmes internes car, en réalité, il n’y a pas de Qatargate ou de Marocgate, mais plutôt un "Parlement européen-gate" dont les problèmes actuels ne justifient absolument pas de les exporter vers ces deux pays.

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