Radioscopie de l'emploi en 2022 : les femmes et les jeunes, grands exclus du marché du travail

Les principales caractéristiques de la population active occupée (les personnes ayant un emploi) ainsi que les traits saillants de la qualité de l’emploi constituent l’essentiel de la note d’information que vient de publier le HCP, concernant le marché du travail en 2022.

Radioscopie de l'emploi en 2022 : les femmes et les jeunes, grands exclus du marché du travail

Le 13 février 2023 à 17h56

Modifié 14 février 2023 à 12h56

Les principales caractéristiques de la population active occupée (les personnes ayant un emploi) ainsi que les traits saillants de la qualité de l’emploi constituent l’essentiel de la note d’information que vient de publier le HCP, concernant le marché du travail en 2022.

On y retrouve les grands maux qui rongent le secteur de l’emploi ainsi que les priorités qui devraient être suivies. Parmi ces maux : la faiblesse et la baisse lente mais continue du taux d'activité ; ainsi que la faible qualité de l'emploi dont une part trop importante relève de l'informel. Ainsi, 3 salariés sur 5 travaillent dans l'informel.

Jusqu'à fin 2022, le caractère informel de l'emploi empêchait l'accès des travailleurs et leurs familles à la protection sociale et aux soins de santé. C'est dire l'importance - historique - de la généralisation de la couverture santé, entrée en vigueur début janvier 2023. Cette réforme couvrira ultérieurement l'accès à la retraite.

Les femmes et les jeunes sont également les maillons faibles du marché. Le taux d'inactivité des femmes, qui se situe entre 70% et 80%, est extrêmement élevé et empêche la population féminine d'accéder à des revenus, et donc à une forme d'indépendance.

Sur une population évaluée à 36,9 millions de personnes (horloge de la population du HCP, février 2023), la population en âge d’activité atteint 27,5 millions de personnes. Les autres sont soit trop jeunes, soit trop âgés pour en faire partie.

Sur ce total, le nombre de personnes actives (celles qui travaillent ou qui cherchent un travail), tourne autour de 12,2 millions de personnes depuis quelques années (avec des fluctuations notamment en période de Covid).

Sur ces 12,2 millions de personnes, 10,7 millions étaient pourvues d’un travail fin 2022. 1,4 million de personnes étaient au chômage.

15,3 millions de Marocains exclus du marché du travail

Ainsi, 15,3 millions de personnes sont en dehors du marché de travail : en âge de travailler, elles ne travaillent pas et ne cherchent pas d'emploi.

Qui sont ces 15,3 millions de Marocains exclus du marché du travail ?

Essentiellement des femmes et des jeunes :

- près de trois quarts d'entre eux (73,1%) sont des femmes ;

- 68,8% résident en milieu urbain ;

- plus de la moitié (51,1%) n’ont aucun diplôme ;

- 44,9% sont âgés de 15 à 34 ans.

Le marché du travail au Maroc n’est pas inclusif, surtout pour les femmes et les jeunes. Le HCP et la Banque mondiale attirent l’attention sur ce point depuis quelques années.

Le profil des personnes qui travaillent

Le portrait des actifs occupés montre que :

- plus de la moitié (52,6%) sont salariés ;

- 30,3% indépendants ;

- 12,3% aides familiaux ;

- 2,1% employeurs.

Les "Services" demeurent le premier pourvoyeur d’emplois, avec 47,4% des actifs occupés ; 32,9% d’entre eux exercent dans la branche du commerce, suivi de l’"Agriculture, forêt et pêche", avec 29,3%. L’"Industrie" est donc le grand absent, d’où la pertinence de la nouvelle politique d’industrialisation du Maroc, visant à créer 500.000 emplois et à investir 550 milliards de DH par le secteur privé.

Près de la moitié des actifs occupés (51,2%) n’ont aucun diplôme ; 10,7% occupent des emplois occasionnels ou saisonniers, 12,8% exercent des emplois non rémunérés et 26,5% bénéficient d’une couverture médicale liée à l’emploi (46,7% pour les salariés) et 9% sont en situation de sous-emploi.

 

En 2022, parmi les 27,5 millions de personnes en âge d’activité (les 15 ans et plus), 12,2 millions sont actives, ce qui correspond à un taux d’activité de 44,3%.

En plus de la faible participation à la vie économique, le taux d’activité est caractérisé par une baisse structurelle depuis le début des années 2000. Ce taux a enregistré une baisse annuelle moyenne de 0,3 point entre 2017 et 2019, et de 1 point en 2020, année de propagation de la Covid-19, avant d’enregistrer une hausse de 0,5 point en 2021, s’établissant ainsi à un niveau avoisinant celui d’avant-pandémie, puis une baisse de 0,9 point en 2022.

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Une part importante de la population adulte reste exclue du marché du travail

Avec un effectif de 11,2 millions personnes, les femmes en dehors du marché de travail représentent 80,2% de la population féminine en âge de travailler (81,7% en milieu urbain et 77,2% en milieu rural).

D’autre part, parmi les 5,9 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans, 15,4% exercent un emploi (905.000 personnes), 7,4% sont à la recherche d’un emploi (439.000), alors que 77,2% sont en dehors du marché du travail (4,6 millions). Les trois quarts des jeunes en dehors du marché du travail (77%) sont des élèves ou étudiants, et 19,6% sont des femmes au foyer.

Plus d’un jeune sur quatre âgé de 15 à 24 ans (25,2% ou 1,5 million), au niveau national, ne travaille pas, n’est pas à l’école et ne suit aucune formation (NEET). Près de 72,8% d’entre eux sont des femmes, avec 40,6% qui sont mariées, et 68,2% d’entre eux ont un diplôme.

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En plus de leur faible participation à la vie active, reflétée par un taux d’activité de 22,8% en 2022, les jeunes souffrent de la persistance d’un niveau élevé de chômage. Le taux de chômage s’élève à 32,7% parmi les jeunes de 15 à 24 ans, contre 13,2% pour les personnes âgées de 25 à 44 ans, et 3,3% pour les personnes âgées de 45 ans ou plus. Ce taux culmine à 61,4% parmi les jeunes diplômés de niveau supérieur.

Une création nette d’emplois insuffisante

L’économie marocaine n’a pas réussi à générer suffisamment d’emplois pour absorber l’augmentation de la population en âge de travailler. Celle-ci a connu une hausse en moyenne de près de 400.000 personnes, alors que l’économie a créé en moyenne 121.000 postes au cours des trois dernières années ayant précédé la crise sanitaire liée à la Covid, et elle a perdu 432.000 postes d’emploi en 2020 pour ensuite créer 230.000 postes d’emploi en 2021 et perdre 24.000 emplois en 2022.

S’agissant du taux d’emploi, après une hausse de 0,3 point entre 2020 et 2021, passant de 39,4% à 39,7%, il a reculé de 0,6 point pour se situer à 39,1% au niveau national en 2022.

Ce taux a augmenté de 0,2 point en milieu urbain (de 35,1% à 35,3%) et a baissé de 1,9 point en milieu rural (de 48,4% à 46,5%). Il a baissé parmi les hommes (-0,3 point) et parmi les femmes (-1 point).

Le taux d’emploi des jeunes de 15 à 29 ans a atteint 25% en 2022 (contre 25,4% en 2021). Le taux d’emploi des personnes de 30 à 44 ans a légèrement baissé de 0,7 point pour atteindre 54,1%, contre 54,8% une année auparavant.

Les Services et l’Agriculture, forêt et pêche, premiers pourvoyeurs d’emplois de l’économie nationale

La répartition des actifs occupés selon le secteur d’activité montre que le secteur des "Services" se situe en première position avec 5.099.000 personnes et une part de 47,4%, suivi de l’"Agriculture, forêt et pêche" avec 3.149.000 personnes (29,3%), de l’"Industrie, y compris l’artisanat", avec 1.289.000 personnes (12%) et, enfin, des "BTP" avec 1.209.000 personnes (11,2%)[1].

Parmi les 5.099.000 personnes exerçant dans le secteur des "Services", 32,9% relèvent de la branche du commerce, 12,1% des services sociaux fournis à la collectivité et 11,9% du transport, entrepôts et communications.

Les statuts du salariat et de l’emploi indépendant prédominent

Plus de la moitié (52,6%) des actifs occupés sont des salariés (contre 51,8% une année auparavant), 30,3% des indépendants (contre 29,6%), 12,3% des aides familiales (contre 13,7%) et 2,1% des employeurs (contre 2,2%).

Les professions les plus exercées sont les professions des "artisans et ouvriers qualifiés des métiers artisanaux" avec 19,6%, des "ouvriers et manœuvres de l’agriculture et de la pêche" (17,8%) et des "manœuvres non agricoles, manutentionnaires et travailleurs des petits métiers" (16,5%).

Niveaux  d’instruction plus élevés dans les Services et l'Industrie

En 2022, un peu plus de la moitié (51,2%) des actifs occupés n’ont aucun diplôme, 31,8% ont un diplôme de niveau moyen[2]et 17% un diplôme de niveau supérieur[3].

Selon le secteur d’activité, la part des actifs occupés ayant un diplôme supérieur est de 28,8% dans les "Services", 17,7% dans l'"Industrie, y compris l’artisanat" et de 7,2% dans les "BTP".

Niveau d’inégalité par secteur

En 2022, un peu plus du quart des actifs occupés (26,5%) bénéficient d’une couverture médicale liée à l’emploi, 38,3% dans les villes et 9,4% à la campagne.

Les actifs occupés exerçant dans l’"Industrie, y compris l’artisanat" enregistrent le taux de couverture médicale le plus élevé avec 46,3%, suivis de ceux relevant du secteur des "Services" (37,9%), des "BTP" (12,4%) et de l’"Agriculture, forêt et pêche" (5,4%).

La part des actifs occupés affiliés à un régime de couverture médicale s’améliore nettement au fur et à mesure que le niveau de diplôme s’élève. Elle passe de 11,8% parmi les personnes n'ayant aucun diplôme à 72,2% parmi celles ayant un diplôme supérieur.

Un peu moins de la moitié (46,7%) des salariés bénéficient d’une couverture médicale assurée par l’employeur, 53,9% en milieu urbain et 26,4% en milieu rural, 59% parmi les femmes et 43,6% parmi les hommes. Pour les auto-employés, cette part est de 5,5%.

Un actif occupé sur quatre (25,8%) est affilié à un système de retraite, 37,9% en milieu urbain et 8,1% en milieu rural. Le taux de couverture par un système de retraite est plus élevé parmi les femmes que les hommes, respectivement 30,6% et 24,5%.

Par ailleurs, près de la moitié des salariés (48,8%) disposent d’un contrat formalisant leur relation avec l'employeur. Cette part s’élève à 62,3% parmi les femmes contre 45,3% parmi les hommes.

Les travailleurs dans les "BTP" et l’"Agriculture, forêt et pêche" enregistrent les taux les plus faibles de contractualisation, 18,3%  et 20% respectivement. Alors que, les travailleurs dans "l’Industrie, y compris l’artisanat" et les "Services" sont contractualisés à hauteur de 61,6% et 60,6% respectivement.

Près d’un actif occupé sur dix (10,7%) exerce un emploi de type occasionnel ou saisonnier, 14,4% en milieu rural et 8,2% en milieu urbain. Ces parts étaient respectivement de 10,5%, 13,9% et 8% en 2021.

Près de 12,8% des actifs occupés exercent un emploi non rémunéré ; les ruraux (27,8%) davantage que les citadins (2,5%), et les femmes (33,6%) davantage que les hommes (7,2%). Les personnes n’ayant aucun diplôme sont également plus touchées par l’emploi non rémunéré avec 16,9%, contre 11,5% pour celles ayant un diplôme moyen et 2,8 pour celles ayant un diplôme supérieur.

Sous-emploi en baisse

Il est à rappeler que le volume des actifs occupés en situation de sous-emploi a atteint 972.000 personnes, 520.000 personnes dans les villes et 452.000 à la campagne. Le taux de sous-emploi est passé de 9,3% à 9% au niveau national, de 8,8% à 8,1% en milieu urbain, et de 10% à 10,4% en milieu rural.

Les catégories ayant connu les baisses les plus importantes du taux de sous-emploi sont les personnes âgées de 35 à 44 ans (-0,7 point), les hommes (-0,5 point) et les citadins (-0,7 point).

Selon la profession, le taux de sous-emploi des commerçants et des intermédiaires commerciaux a connu la baisse la plus importante de 6,6% en 2021 à 5,0% en 2022 (‑1,6 point), suivi des employés (-1,0 point) et des manœuvres non agricoles, des manutentionnaires et travailleurs des petits métiers (-0,9 point).

Les secteurs ayant connu une forte baisse du sous-emploi sont les "BTP" avec -1,4 point (de 17,8% à 16,4%), les "Services" avec -0,9 point (de 8,0% à 7,2%), et l’"Industrie, y compris l’artisanat" avec -0,3 point (de 6,5% à 6,2%).

Selon le type de sous-emploi, la part du sous-emploi lié à la durée de travail[4] a connu, entre 2021 et 2022, une baisse de 0,9 point passant de 45,8% à 44,9%. A l’inverse, le sous-emploi lié à l’insuffisance du revenu ou à l’inadéquation entre la formation et l’emploi exercé a augmenté au cours de la même période, de 54,2% à 55,1%.

Dans ce contexte, la population active occupée en situation de sous-emploi lié à la durée de travail a atteint, en 2022, 437.000 personnes au niveau national contre 459.000 une année auparavant. Le taux correspondant est passé de 4,3% à 4,1% au niveau national, de 4,9% à 5,1% à la campagne et de 3,8% à 3,3% dans les villes.

Enfin, la population active occupée en situation de sous-emploi lié à l’insuffisance du revenu ou à l’inadéquation entre la formation et l’emploi exercé est passée, au niveau national, de 543.000 personnes en 2021 à 535.000 en 2022. Le taux correspondant a ainsi stagné à 5% au niveau national, passant de 5% à 4,8% en milieu urbain et de 5,1% à 5,2% en milieu rural.

Source : HCP

[1] La différence par rapport au volume total de l'emploi concerne les activités non désignées.
[2] Les diplômes de niveau moyen regroupent les certificats de l'enseignement primaire, du secondaire collégial et les diplômes de qualification ou de spécialisation professionnelle.
[3] Les diplômes de niveau supérieur regroupent le baccalauréat, les diplômes de techniciens ou de techniciens spécialisés et les diplômes d'enseignement supérieur (facultés, grandes écoles et instituts).

[4] Conformément aux recommandations du BIT, le sous-emploi est constitué, selon l’approche de l’Enquête nationale sur l’emploi, de deux composantes, la première liée au nombre d’heures travaillées, et la deuxième à l’insuffisance du revenu ou à l’inadéquation entre la formation et l’emploi exercé.

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