Ciment : le manque de visibilité et la hausse des taux vont peser sur les ventes
L’an dernier, la guerre en Ukraine a provoqué en quelques mois une forte évolution des prix des matières premières, entraînant une inflation inédite depuis trente ans au Maroc. Cette situation a impacté de nombreux secteurs économiques comme l’immobilier, la construction et naturellement les cimentiers.
La hausse des matériaux de construction a fortement perturbé le secteur, avec une mise à l'arrêt de nombreux chantiers, affectant au passage la consommation de ciment l'an passé. D’après les derniers chiffres de l’Association professionnelle des cimentiers (APC), les ventes de ciment ont affiché un recul exceptionnel de 10,65% à près de 12,5 millions de tonnes (Mt) l’an dernier. Une baisse qui est encore plus forte que celle accusée en 2020, après trois mois d’arrêt total des chantiers durant le confinement, qui avait entraîné une chute de 10% de la consommation.
Dans un communiqué diffusé le 7 février, l’APC soulignait que "la contraction de la demande constatée en 2022 ramène le niveau de la consommation nationale de ciment à celui de 2007 (hors 2020, année du Covid)".
Mais à quoi peut-on s'attendre cette année pour ce qui est de la consommation de ciment et du comportement du marché de la construction immobilière qui capte près des trois quarts de la consommation nationale ?
S’il est naturellement très difficile de prévoir le comportement des ventes de ciment et du marché immobilier sur l’année entière, 2023 démarre plutôt mal. En janvier 2023, la consommation de ciment a chuté de 6% par rapport à la même période en 2022 à un peu plus de 1 Mt, dans la même tendance baissière qu’en 2022. Plusieurs facteurs ne laissent pas présager une amélioration dans les mois à venir.
Une demande atone, dans l’expectative
Le marché est toujours dans une phase expectative concernant les aides au logement directes aux primo-accédants. Alors que les promoteurs immobiliers retardent leurs projets de construction du fait de l’incertitude, les acheteurs temporisent également de leur côté, attendant d’en savoir plus sur ce fameux programme.
"Le secteur navigue a vue car le gouvernement a annoncé un programme d’aides directes aux acquéreurs, sur proposition de la FNI et actuellement, à presque mi-février, il n’y a toujours pas de décret d’application. Jusqu’à quand, ça nous ne le savons pas", nous confie une source au sein de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).
Outre la forte hausse des intrants et l’inflation globale, le secteur a également été touché sur le volet de l'offre. De nombreux chantiers sont à l’arrêt ou en attente de plus de visibilité pour redémarrer. "Il faut préciser que la conjoncture a fait qu’en 2022, les demandes d’autorisation de construire ont baissé de 50% par rapport à l’année précédente. Les demandes de crédits bancaires ont également reculé, car le risque devient trop important", poursuit notre interlocuteur. Un chiffre qui explique notamment la tendance baissière affichée l’an dernier en termes de consommation de ciment.
Un effet nuisible attendu de la hausse des taux sur l’offre et la demande
En effet, en 2022, d’après les derniers chiffres des statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib, le crédit aux promoteurs est le seul segment qui a connu une baisse de son encours. Alors que l’encours global du crédit bancaire a connu une évolution de 7,6%, celui des promoteurs a baissé de 2% à 54,8 MMDH.
Les deux récentes hausses du taux directeur opérées par BAM en fin d’année ne vont pas améliorer les choses. Si la transmission tardera probablement plusieurs mois à se répercuter sur les taux débiteurs, l’effet impactera le secteur immobilier ainsi que les ventes de ciment.
Contactée à ce sujet, l’APC nous explique : "L'impact de cette mesure devrait être mécanique sur le secteur de la construction via les niveaux de taux et les niveaux de l'encours des crédits immobiliers à venir, aussi bien pour les acquéreurs, les promoteurs immobiliers et l’auto-construction. L'effet s'en ressentira à coup sûr dans les prochains mois."
Avec un pouvoir d’achat rogné par l’inflation, la hausse des taux sera sans doute une épine de plus dans le pied du secteur.
En l'absence totale de visibilité, le secteur cimentier peut compter sur certains leviers. Comme le déblocage du dossier des aides aux logements. "Le secteur du logement et de l'autoconstruction devrait être également dynamisé, aussi bien dans le monde rural qu'urbain, par une plus grande fluidité dans les démarches administratives et la mise en place de mesures incitatives pour la promotion du secteur", indique l’APC. Le secteur compte également sur le maintien de l’investissement public en 2023 pour poursuivre les projets d’infrastructure représentant 20% de la consommation nationale de ciment.
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