Chanvre industriel : le Maroc peut rapidement intégrer le top 5 mondial (investisseur)

Le Maroc dispose d'un énorme potentiel pour créer toute une économie autour du chanvre industriel. La nouvelle législation marocaine en la matière ouvre des voies et pourrait être aménagée pour donner toutes ses chances à cette filière prometteuse.

Genève : atelier sur le chanvre industriel organisé par l'UNCTAD. A droite, Omar Sefraoui.

Chanvre industriel : le Maroc peut rapidement intégrer le top 5 mondial (investisseur)

Le 2 février 2023 à 11h12

Modifié 2 février 2023 à 11h12

Le Maroc dispose d'un énorme potentiel pour créer toute une économie autour du chanvre industriel. La nouvelle législation marocaine en la matière ouvre des voies et pourrait être aménagée pour donner toutes ses chances à cette filière prometteuse.

Le chanvre industriel représente une belle opportunité pour le Maroc dans plusieurs secteurs, dont le textile, la construction et la plasturgie. Omar Sefraoui, PDG de Chanvrières industrielles du Maroc (CIM), estime que le potentiel de production, d’intégration dans l’industrie nationale et d’export est très grand et ne doit pas être ignoré.

Le 18 janvier dernier, l'industriel a participé à un atelier de travail à Genève, organisé par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD). Les avancées en la matière et les expériences des différents pays y ont été exposées. Omar Sefraoui y a présenté le cas marocain.

Cet organe onusien veut inciter les gouvernements à modifier leur perception sur le chanvre industriel et à le différencier du cannabis, avec lequel il est souvent confondu. L'objectif est d'étendre sa culture aux pays qui en disposent et ne l’ont pas encore fait, notamment ceux en voie de développement, tant il peut être un vecteur de croissance pour eux.

Un rapport détaillant son potentiel économique et ses propriétés écologiques a d’ailleurs été récemment publié par l’UNCTAD.

Pour le Maroc, un grand potentiel sans risque pour la santé publique

Contacté par Médias24, Omar Sefraoui explique que la confusion entre les deux plantes n’a pas lieu d’être. Même s’il appartient à la même famille que le cannabis, le chanvre industriel n’a pas de propriétés psychotropes. Son taux de THC ne dépasse pas 0,3%.

De plus, le chanvre est cultivé pour sa tige et non ses feuilles. Le cannabis, lui, est utilisé pour l’extraction de cannabidiol (CBD), utile dans l’industrie cosmétique.

Enfin, l’apparence de ces deux plantes est très différente ; on peut donc facilement les distinguer l’une de l’autre.

En 2010, l’entrepreneur marocain a réalisé des essais dans quatre régions du Maroc, sous le contrôle des services de la Gendarmerie royale. Les résultats ont démontré des rendements exceptionnels dans la région d’Afourar, où il a obtenu une récolte de 24 tonnes/ha en 67 jours, soit trois plus en quantité, en deux fois moins de temps comparé à la France où les chiffres sont de 8 tonnes/ha en 120 jours. L'explication réside dans les conditions climatiques qu’offre cette région et son ensoleillement idéal.

Quant au taux de THC prélevé, il était de 0,025% seulement contre une norme mondiale de 0,3%. C’est grâce à des semences technologiquement améliorées qu’il peut se procurer chez ses partenaires français qu’Omar Sefraoui est parvenu à ce résultat.

Des applications multiples

Le chanvre industriel peut être utilisé dans des domaines très variés. Mais d’après Omar Sefraoui, ses applications les plus intéressantes pour le Maroc concernent les secteurs du textile, de la construction et de la plasturgie.

L’utilisation de la fibre de chanvre dans le textile est ancestrale, mais elle s’est perdue au fil du temps avec la concurrence d’autres matières premières moins rugueuses et l’interdiction dont elle a fait l’objet dans la plupart des pays. Des technologies récentes permettent de l’adoucir, ce qui le rend parfaitement compétitif.

Le chanvre peut être utilisé également comme matériau de construction. Il peut se substituer aux briques rouges par exemple, tout en présentant des caractéristiques isolantes exceptionnelles. Chanvrières industrielles du Maroc a déjà développé un béton à base de chanvre industriel, utilisé dans la construction de logements de fonction pour le compte de l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P).

Le chanvre industriel peut aussi s’appliquer au domaine de la plasturgie. La matière première utilisée pour fabriquer les produits plastiques peut être substituée jusqu’à 40%. Moins cher, le chanvre industriel peut ainsi améliorer la rentabilité.

Un potentiel de 10 à 15 milliards de dirhams à l’export

Le Maroc pourrait d'ici une dizaine d’années construire toute une industrie autour du chanvre avec un chiffre d’affaires à l’export de 10 à 15 milliards de dirhams, estime Omar Sefraoui. Le secteur textile national à lui seul peut absorber toute la production locale, tandis que le secteur de la construction peut utiliser le reste de la tige. Quelques acteurs marocains du textile importent actuellement la fibre de chanvre de Turquie.

Avec 22.000 hectares, la France est actuellement le deuxième pays au monde en termes de surface cultivée, soit une part de 22%, juste derrière le Canada qui se classe en première position avec 24%, selon le rapport de l’UNCTAD.

Aujourd’hui, cette culture est parfaitement légale en Europe. Les Etats-Unis visent même 100.000 hectares à l’horizon 2030. C’est donc une compétition mondiale qui s’annonce, et le Maroc a tout le potentiel d’intégrer le top 5, assure l’entrepreneur marocain.

Les régions du Rif ne sont pas adaptées à ce genre de culture

La légalisation de la culture du cannabis au Maroc, est une bonne nouvelle pour l’économie marocaine. Omar Sefraoui salue la loi sur l’usage légal du cannabis, qui revêt selon lui une dimension sociale indéniable. Toutefois, le décret d’application adopté par le gouvernement il y a presque un an ne prévoit que trois provinces pour sa culture : Al Hoceima, Chefchaouen et Taounate.

Or, la géographie vallonnée de ces régions ne permet pas la culture du chanvre, qui a besoin de vastes étendues, pour que les faucheuses puissent accéder à toutes les parcelles. Un projet d’usine de traitement de chanvre industriel ne peut être rentable à moins de 3.000 hectares. C’est la raison pour laquelle les terrains de la région du Rif ne sont tout simplement pas adaptés à cette culture.

A la place, Omar Sefraoui propose la région de Tadla, qui a déjà fait l’objet d’essais concluants et pour laquelle il porte un projet ambitieux avec la construction de trois usines à court terme. Pour cela, il suffirait d’un autre décret qui permette la culture du chanvre dans cette région, ou un amendement de la loi pour en exclure le chanvre et le rendre parfaitement légal, comme n’importe quelle autre culture agricole.

De plus, une étude a été réalisée en 2013 par le ministère de l’Agriculture, selon laquelle le chanvre industriel dans la région de Tadla pourrait intervenir en rotation avec la betterave et y être déployée très rapidement dans ce périmètre irrigué de près 18.000 hectares, ce qui multipliera par trois les revenus des agriculteurs.

Les ambitions d'Omar Sefraoui

En attendant, Omar Sefraoui, convaincu de l’avenir prometteur de cette culture au Maroc, continue d’investir dans la recherche et développement. Avec l’Institut national de recherche agricole (INRA), il a conclu, à travers sa nouvelle société Hempseed, une convention pour développer des semences marocaines.

Son ambition est que le Maroc devienne également un producteur de semences. Pour cela, il est en contact permanent avec des spécialistes en France, les plus avancés dans ce secteur, et les inciter à collaborer avec des doctorants marocains.

Il mène par ailleurs des essais avec des industriels plasturgistes marocains pour les convaincre de l’utilité du chanvre industriel. Les résultats s’avèrent également prometteurs.

Pourtant, rien ne prédisposait Omar Sefraoui à investir dans ce domaine. Ecolo convaincu après une expérience dans des fonds d’investissement en France et au Maroc, il décide de se lancer dans l’entrepreneuriat dans le secteur du développement durable.

En 2010, il crée Confortisol, une entreprise spécialisée dans l’isolation thermique des bâtiments. En parallèle, il ne perd pas espoir et continue de nourrir son rêve de voir émerger une industrie du chanvre au Maroc.

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