Responsabilités, sanctions et recours : tout ce qu'il faut savoir sur l’erreur médicale
En quoi consiste la responsabilité médicale du médecin et de son équipe ? Dans quels cas est-elle engagée ? Quels sont les recours dont disposent les victimes ? L'éclairage de Me Mourad Elajouti, avocat au barreau de Casablanca.

Responsabilités, sanctions et recours : tout ce qu'il faut savoir sur l’erreur médicale
En quoi consiste la responsabilité médicale du médecin et de son équipe ? Dans quels cas est-elle engagée ? Quels sont les recours dont disposent les victimes ? L'éclairage de Me Mourad Elajouti, avocat au barreau de Casablanca.
Une première recherche nous a permis de détecter au moins 36 affaires relatives aux erreurs médicales portées devant les juridictions nationales entre 2019 et 2022. Parmi elles, 15 ont été traitées par le tribunal administratif de Rabat. Mais aucune au sein des juridictions pénales. Un chiffre relativement faible compte tenu des moyens de recours dont disposent les victimes d’erreurs médicales.
Ces recours peuvent être activés dans le cadre de fautes de natures différentes, allant du défaut de consentement à la faute technique, en passant par la faute de diagnostic et/ou de prescription ou la faute de surveillance et le défaut d’information. Il en existe donc un large panel qui peut engager la responsabilité civile, pénale ou administrative en fonction des cas.
Selon Me Mourad Elajouti, avocat au barreau de Casablanca, le cadre légal réglementant la responsabilité médicale se trouve dans plusieurs textes : le Code de déontologie médicale, la loi 113-13 relative à l’exercice de la médecine, le Code des obligations et des contrats, le Code pénal.
Une obligation de moyens
En quoi consiste la "responsabilité médicale" ? Quand est-elle engagée ? Quels recours s’offrent aux victimes ?
La responsabilité médicale désigne "l’obligation morale ou juridique de répondre de ses actes et d’en supporter les conséquences. Elle repose sur trois éléments : une faute commise par le médecin ou son équipe, un préjudice causé au patient et un lien de causalité entre la faute et le préjudice", explique Me Mourad Elajouti.
Ainsi, lorsqu’une faute médicale est commise, la responsabilité du médecin et de son équipe est engagée. Celle-ci peut être d’ordre pénale, notamment en cas de non-assistance à personne en danger, de violation du secret professionnel médical ou d’établissement de faux certificats médicaux.
"La doctrine et la jurisprudence qualifient généralement les obligations du médecin d’obligations de moyens. Le contrat médical ne crée qu’une obligation de moyens. La tâche du médecin consiste ainsi à employer tous les moyens mis à sa disposition pour obtenir la guérison, ou l’amélioration de l’état du patient sans le garantir", explique Me Elajouti, faisant référence à un arrêt de la Cour de cassation datant de 1989 selon lequel "le médecin ne s’engage pas à guérir le patient, mais à le traiter seulement". Ainsi, "la mort du patient ne prouve pas, à elle seule, la faute du médecin. Il faut prouver ses manquements, sa négligence etc.".
"Il en a été ainsi pour la chirurgie esthétique. Cependant, celle-ci doit être distinguée de la chirurgie plastique à visée réparatrice. La chirurgie esthétique a pour but d’embellir un sujet sain, elle porte donc sur un acte non curatif par lequel le chirurgien promet un résultat déterminé, le tenant ainsi à une obligation de résultat", poursuit l’avocat.
De la sanction disciplinaire à la sanction pénale
Toujours selon Me Elajouti, "une personne s’estimant victime d’une erreur médicale peut saisir l’Ordre national des médecins conformément au dahir relatif à l’Ordre national des médecins". Dahir selon lequel les conseils régionaux et le conseil national exercent à l’égard des médecins inscrits à l’Ordre et exerçant, à titre privé, le pouvoir disciplinaire ordinal, notamment dans les cas suivants : "violation des règles professionnelles" ; "manquement aux règles de l’honneur, de la probité et de la dignité de la profession" ; "irrespect des lois et règlements applicables au médecin dans l’exercice de sa profession" ; "atteinte aux règles ou règlements édictés par l’Ordre, à la considération ou au respect dus aux institutions ordinales".
Les médecins du secteur public, quant à eux, relèvent du pouvoir disciplinaire ordinal "lorsque la faute imputable au médecin est une faute personnelle détachable du service public et constituant des manquements à ses obligations déontologiques". Dans ce cas, "les poursuites disciplinaires ne peuvent être engagées qu’après que la plainte portée à l’encontre de l’intéressé a été communiquée à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire dont il relève".
Par ailleurs, Me Elajouti indique que "la victime peut également recourir à la justice pour réclamer des dommages-intérêts. S’il s’agit d’une affaire pénale et que la faute médicale est avérée, le ou les coupables risquent des sanctions pécuniaires et/ou d’emprisonnement prévues par les articles 432 et 433 du Code pénal".
Le premier dispose que "quiconque par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commet involontairement un homicide ou en est involontairement la cause est puni de l’emprisonnement de trois mois à cinq ans et une amende de 250 à 1.000 DHS".
Le second, quant à lui, prévoit que "quiconque par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, cause involontairement des blessures, coups ou maladies entraînant une incapacité de travail personnel de plus de six jours, est puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 120 à 500 DHS, ou de l’une de ces deux peines seulement".
Par ailleurs, Me Elajouti rappelle que l’article 42 du dahir relatif à l’Ordre national des médecins dispose que "l’action disciplinaire des conseils de l’ordre ne fait pas obstacle à l’action du ministère public ni à celle des particuliers devant les tribunaux. Toutefois, seul le conseil national a qualité pour décider la transmission au parquet, sur sa demande, en vue de l’exercice de l’action publique, du dossier constitué pour l’exercice de l’action disciplinaire".