La campagne agricole entre dans une phase très sensible

Alors que le gouvernement table sur une saison moyenne pour atteindre un niveau de croissance supérieur à 3%, la campagne agricole reste handicapée par l'indisponibilité et la cherté des engrais azotés ainsi que la sécheresse des dernières années. Son seul espoir : une pluviométrie régulière et bien répartie, entre février et avril. 

La campagne agricole entre dans une phase très sensible

Le 31 janvier 2023 à 17h22

Modifié 1 février 2023 à 13h00

Alors que le gouvernement table sur une saison moyenne pour atteindre un niveau de croissance supérieur à 3%, la campagne agricole reste handicapée par l'indisponibilité et la cherté des engrais azotés ainsi que la sécheresse des dernières années. Son seul espoir : une pluviométrie régulière et bien répartie, entre février et avril. 

Malgré les précipitations enregistrées depuis le début de la campagne, et surtout celles des dix derniers jours de janvier, l’espoir d’avoir une bonne saison agricole, ou du moins une saison moyenne, n’est pas encore garanti. L’agronome Abdelmoumen Guennouni nous parle d’une saison "très particulière" que l’on est en train de vivre. Et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, l’effet des dernières années de sécheresse qui complique davantage la situation des agriculteurs. "La succession des années sèches fait que le stock d’eau dans le sol est très faible. On a eu ces dernières années une sécheresse en profondeur. La pluie qui tombe humidifie la partie supérieure du sol, mais n’arrive pas à une certaine profondeur. Sans parler des nappes phréatiques qui se sont asséchées ou des barrages dont le niveau de remplissage est encore très bas", rappelle notre expert.

La question de l’eau continue donc de poser problème. D'autant que les précipitations que le Maroc a enregistrées depuis le début de la campagne sont très mal réparties.

"La répartition est très variable. Selon les régions, le Fès-Saïss, le Gharb ou la Chaouia, la situation n’est pas la même. Dans le Nord, les pluies étaient relativement satisfaisantes, mais dans les autres régions, c’était insuffisant. Et ça ne compense même pas la sécheresse en profondeur. Ces précipitations n’ont d’ailleurs pas gêné l’accès aux parcelles, alors que les travaux sont d’habitude suspendus quand il pleut", précise notre interlocuteur.

"Un arrêt très marqué de la croissance des plantes"

L'irrégularité des précipitations est également problématique. "L’arrêt des précipitations que l’on remarque, notamment au niveau central, dans la Chaouia et le Sud, a provoqué un arrêt de la croissance des plantes et un début de jaunissement des céréales. Cet arrêt de croissance est très marqué, ce qui retarde le cycle de croissance des plantes avec des effets difficiles à rattraper", ajoute-t-il.

Mais les pluies de janvier ont pu relativement contrebalancer cet effet, nuance M. Guennouni. "Les précipitations survenues durant la dernière dizaine de janvier ont un peu permis de relancer les cultures après cet arrêt de croissance, et malgré le froid. Il y a donc une certaine reprise de croissance, ce qui redonne vie aux plantes."

Ces difficultés ne concernent pas uniquement les céréales, mais aussi les légumineuses, cultures très importantes pour le pays, aussi bien pour l’alimentation que pour les sols. "Les légumineuses souffrent également beaucoup de ces conditions climatiques. Surtout que contrairement aux autres cultures, elles ont été négligées par les pouvoirs publics et sont restées au stade traditionnel. Les légumineuses ne risquent pas de décoller de sitôt, alors qu’elles sont d’une grande importance pour le pays", explique notre interlocuteur.

Engrais azotés : quand les spéculateurs prennent en otage les agriculteurs

Que conclure de tout cela ? L’année sera-t-elle bonne, moyenne ou mauvaise ? L’ingénieur agronome ne veut pas trancher pour le moment.

En plus des conditions climatiques, il constate toutefois un autre risque important qui pèse sur la campagne, notamment céréalière. Il s’agit de l’accès aux engrais azotés, grand sujet d’inquiétude pour les agriculteurs.

"Pour les céréales, le stade actuel a dépassé le tallage. On est actuellement au stade de la montaison, un stade où les besoins en eau sont élevés, surtout en engrais azotés. Cette année, c’est la catastrophe au niveau du marché de ces engrais azotés, qui ont atteint des prix stratosphériques, multipliés par plus de trois."

Le problème est, selon lui, d’autant plus compliqué que les agriculteurs n’ont pas fait usage des engrais de fond au début de la campagne.

"Cette année, les agriculteurs, pour des raisons de trésorerie, n’ont pas eu beaucoup recours aux engrais de fond. Après les années de sécheresse, ils ne savaient pas à quoi s’attendre et n’ont pas voulu prendre de risque, en se disant que s’il y a de la pluie, ils compenseraient plus tard par les engrais azotés. Mais maintenant que la période est arrivée, les spéculateurs ont énormément gonflé les prix, empêchant les agriculteurs de faire cette compensation", s’alarme notre agronome.

Cette cherté d’un intrant stratégique pour la culture des céréales risque de peser gros sur le rendement de l’année.

"Pendant les différentes phases de croissance de la plante, les céréales ne trouvent pas les engrais dont elles ont besoin pour améliorer l’épiaison, la floraison pour que la fleur puisse s’ouvrir, la formation des grains, leur remplissage… Et même si ces grains sont remplis, ça ne garantit pas que leur poids sera au rendez-vous. Il faut que les plantes soient bien alimentées en engrais azotés pour que les grains aient un poids assez intéressant. Vous pouvez avoir un sac rempli de grains, mais qui ne pèse que 70 à 80 kg. Alors que si vous avez une bonne teneur en azote, le poids peut dépasser les 100 kg par sac. Le poids spécifique risque donc de ne pas être au rendez-vous. Et le rendement final de l’année sera à mon avis, au mieux, moyen", nous explique-t-il.

Des pluies régulières entre février et avril : seul espoir pour sauver la saison

La campagne est-elle donc compromise ? "Pas encore", répond notre expert, qui pense que l’on peut arriver à une récolte moyenne (60 à 70 millions de quintaux, selon les prévisions du gouvernement) si, d’abord, l’Etat intervient rapidement pour régler ce problème d’accès aux engrais azotés, et surtout si les précipitations sont là.

"Il faut des pluies sur trois ou quatre semaines, régulières et bien réparties sur les mois qui restent entre février et avril. C’est la seule chose qui peut sauver la saison", indique Abdelmoumen Guennouni.

Rien n’est encore perdu. Une bonne pluviométrie sur les trois prochains mois, avec un accès plus aisé aux engrais, pourra non seulement sauver la saison agricole, mais aussi toute l’économie du pays.

Avec l’hypothèse retenue d’une saison moyenne, le gouvernement et le haut-commissariat au Plan (HCP) tablent sur une croissance du PIB supérieure à 3%. Si les pluies ne sont pas au rendez-vous, ce chiffre pourra facilement être divisé par deux…

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