Pourquoi Bank Al-Maghrib rachète-t-elle des bons du Trésor auprès des banques ?

En deux semaines, la Banque centrale a injecté 16,3 milliards de dirhams de manière structurelle dans le système financier en rachetant aux banques leurs bons du Trésor. Des opérations qui vont se poursuivre durant les prochaines semaines. Pourquoi ces rachats ? Injecter de la liquidité dans le circuit n’est-il pas contradictoire avec la politique anti-inflationniste menée par la même Banque centrale ? Éléments de réponse.

Le premier siège de Bank Al-Maghrib au centre de Rabat.

Pourquoi Bank Al-Maghrib rachète-t-elle des bons du Trésor auprès des banques ?

Le 18 janvier 2023 à 18h00

Modifié 18 janvier 2023 à 20h17

En deux semaines, la Banque centrale a injecté 16,3 milliards de dirhams de manière structurelle dans le système financier en rachetant aux banques leurs bons du Trésor. Des opérations qui vont se poursuivre durant les prochaines semaines. Pourquoi ces rachats ? Injecter de la liquidité dans le circuit n’est-il pas contradictoire avec la politique anti-inflationniste menée par la même Banque centrale ? Éléments de réponse.

La Banque centrale vient d’activer en ce début 2023 un nouvel instrument de politique monétaire assez inattendu : l’injection structurelle de liquidités dans le système bancaire à travers des opérations de rachats de bons du Trésor.

Depuis le début de l’année, deux opérations de ce genre ont été réalisées pour un encours global de 16,3 milliards de dirhams. Une somme injectée directement dans les bilans des banques. Une autre opération est prévue le lundi 23 janvier prochain.

En plus de son caractère inédit, cette politique dite d’"Open Market" crée à première vue de la confusion au sein du marché et envoie un signal contradictoire aux acteurs économiques.

Car elle intervient à un moment où la politique monétaire conduite par Bank Al-Maghrib depuis septembre 2022 vise à juguler l’inflation. L’instrument utilisé jusque-là était le taux directeur, relevé entre septembre et décembre 2022 de 100 points de base.

Du "Quantitative Easing" en pleine période inflationniste ?

La suite logique de cette politique anti-inflation est de ponctionner les liquidités du marché. Or, en injectant de l’argent dans le système bancaire, c’est l’effet contraire qui risque de se produire. C’est, nous dit une source du marché, comme faire du "Quantitative Easing" (qui visait à booster de la croissance dans un contexte d’inflation basse) à l’européenne ou à l’américaine, mais avec plusieurs années de retard. Et dans un contexte complètement différent.

Médias24 a adressé des questions autour de cette politique d’"Open Market" à Bank Al-Maghrib pour obtenir des explications sur les objectifs de ces injections massives de liquidités. Mais nous n’avons pas reçu de réponse de la part de ses services. Une conférence de presse sera toutefois organisée ce jeudi 19 janvier par la Banque centrale pour éclairer l’opinion publique sur le sujet.

Des experts et acteurs du marché sondés par nos soins ont tenté de nous donner des pistes de réponse, en attendant la version officielle de Bank Al-Maghrib.

Selon nos sources, ces opérations, qui visent avant tout à soulager les bilans bancaires d’un certain nombre de bons du Trésor, sont ainsi assimilées à "une injection structurelle de liquidités".

"Bank Al-Maghrib agit sur le marché monétaire avec plusieurs instruments : les avances à sept jours, les crédits collatéraux, les avances à 24 heures, le swap de change… Ces rachats de bons du Trésor font partie de ces instruments", explique une de nos sources.

Soulager les bilans bancaires, mais sans agir sur les conditions de financement de marché, nous disent nos experts, qui ne considèrent pas cette politique comme du Quantitative Easing (QE).

"Ce n’est pas du QE. Les QE sont des interventions où la Banque centrale se porte acquéreur de bons du Trésor d’une maturité longue, avec comme objectif de maintenir un certain niveau de taux. Or Bank Al-Maghrib achète aujourd’hui des bons à court terme, sans agir sur les taux. Elle accepte les taux du marché et n’a donc pas pour objectif de faciliter les conditions de financement de l’économie, loin de là."

Voilà qui lève la confusion entre la volonté de réduire l’inflation via la hausse du taux directeur et ces injections de liquidités qui peuvent, dans certains cas, produire une hausse générale des prix. Car plus il y a de liquidité sur le marché, plus la pression sur les prix est forte.

Une réponse à la destruction des dépôts et à la hausse de la circulation du cash

Pour un expert consulté par Médias24, la décision de Bank Al-Maghrib de recourir à ces rachats vient répondre à une donnée structurelle observée sur le marché monétaire depuis quelques mois : le déficit de liquidités des banques.

"Avant, Bank Al-Maghrib pouvait jouer sur le taux de la réserve obligatoire pour faire des injections structurelles de liquidités. Mais ce taux est passé de plus de 16% à 0% aujourd’hui, au moment où les banques présentent chaque semaine au titre des avances à 7 jours des besoins de plus en plus importants, qui ont varié en 2022 entre 40 et 50 milliards, avec un pic en fin d’année de plus de 60 milliards de dirhams. Bank Al-Maghrib sait que ce besoin ne va pas baisser et a donc décidé de faire des rachats de bons du Trésor pour 16,5 milliards en deux semaines – montant qui peut encore monter dans les prochains jours – pour couvrir ce besoin qui s’exprimait dans les séances des adjudications des avances à 7 jours", explique notre source.

Pour notre expert, ces rachats et ces injections de liquidités sont en quelque sorte une alternative à la baisse du taux de la réserve obligatoire.

Mais cela ne va pas résoudre, selon nos experts, le problème de fond lié au manque de liquidité sur le marché, qui souffre de plus en plus de la hausse de la masse de la monnaie fiduciaire qui circule. Phénomène qui s’est amplifié depuis le Covid-19.

"Il y a deux éléments qui agissent sur les liquidités bancaires : la masse de la monnaie fiduciaire en circulation et la position de change. Le Maroc a une balance des paiements à l’équilibre grâce aux transferts des MRE, des IDE... On n'a donc pas de destruction du dirham qui provienne de la conversion des devises. Cependant, on a une destruction des dépôts bancaires qui se traduit par la hausse de la masse de la monnaie fiduciaire, qui s’est accélérée durant le Covid et qui ne cesse depuis de gonfler. C’est cela le vrai problème qu’il faut résoudre", souligne l’une de nos sources.

Dans son dernier rapport sur la politique monétaire publié en décembre, Bank Al-Maghrib évoque ce problème qui explique, selon elle, l’accentuation du besoin en liquidité des banques.

Un déficit estimé à 89,1 milliards de dirhams à fin 2022, à 87,7 milliards à fin 2023 et qui grimpera à 100,5 milliards en 2024, selon les prévisions de la Banque centrale. Un gouffre considérable qui était jusque-là comblé essentiellement par les avances à 7 jours, mais aussi par les opérations de pensions livrées (38,3 milliards en moyenne sur le troisième trimestre 2022), les opérations de prêts garantis accordés dans le cadre des programmes de soutien au financement de la TPME  (24,9 milliards au troisième trimestre 2022) et les swaps de change (193 MDH sur la même période).

Une batterie d’instruments à laquelle viennent désormais s’ajouter les rachats de bons du Trésor ?

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