La tendance haussière des taux obligataires s’accélère au T3 (AGR)

| Le 17/12/2022 à 9:45
Les pressions inflationnistes persistantes et la baisse de la demande envers les BDT du fait de l’anticipation de la normalisation des taux à l’horizon 2023 ont accéléré le renchérissement des taux obligataires au T3-2022. La maturité court terme explose, passant de 33% de la demande au T3-2021 à 62% au T3-2022.

Dans une note diffusée le 14 décembre, la société de recherche Attijari Global Research (AGR) évoque l’accélération de la tendance haussière des taux sur le marché obligataire à fin septembre, sous la montée des pressions inflationnistes et les exigences plus poussées des investisseurs.

Elle souligne également que le Trésor fait actuellement face à une problématique de demande plutôt qu’à des inquiétudes liées à la situation budgétaire. Cette situation est d’ailleurs confortable par rapport au ralentissement que connaît l’économie nationale, notamment impactée par un contexte international défavorable et une faible campagne agricole. "Bank Al-Maghrib a revu à la baisse ses prévisions de croissance à deux reprises depuis mars 2022, en ramenant son estimation à 0,8% contre 2,9% initialement", rappelle AGR.

Parallèlement, à fin septembre, la situation du Trésor est plutôt confortable. "Le déficit budgétaire s’est établi à 11,2 MMDH contre 42,4 MMDH une année auparavant. À l’origine, une hausse des recettes ordinaires (+45,5 MMDH) plus importante que celle des dépenses (+14,3 MMDH)", détaille AGR. La hausse des dépenses est notamment liée au fort alourdissement des charges de compensation suite à la hausse des cours du gaz butane. D’autre part, "l’évolution des recettes de l’État s’explique principalement par la progression notable de l’IS de +14,8 MMDH, conjuguée à une amélioration de la TVA à l’importation en lien avec la hausse des prix d’import à l’international", note la société de recherche.

Du fait de l’allègement du déficit budgétaire à fin septembre, le besoin de financement du Trésor s’est lui-même allégé.

Le taux de réalisation du besoin de financement à fin septembre est de 22%

Sur la période, le besoin de financement du Trésor reste maîtrisé. II se fixe à 17,1 MMDH contre 57 MMDH à la même période l’an dernier. L’État ne réalise donc que 22% de son besoin de financement prévu dans le cadre de la loi de finances 2022 et qui est de 78,5 MMDH .

Ce besoin de financement est satisfait quasi exclusivement sur le marché domestique. "Avec un emprunt net intérieur de 10,3 MMDH, le financement local représente près de 60% du besoin global", précise AGR. Les financements extérieurs, quant à eux, atteignent, sur la période, 13,6 MMDH, soit un taux de réalisation de seulement 34% par rapport à ce qui est prévu dans la loi de finances 2022.

La société de recherche note que les conditions s’étant durcies à l’international, le Trésor n’a pas opéré de sortie courant du T3-2022. De plus, ce dernier emprunte de moins en moins sur le marché des adjudications, et ce pour diverses raisons.

Le recours au marché domestique a de moins en moins lieu

Les levées brutes du Trésor au T3-2022 ont reculé de 28,7% par rapport au T3-2021 à 20 MMDH. Cela a été causé premièrement par l’amélioration du déficit budgétaire et un besoin de financement maîtrisé, d’une part, mais aussi du recul de l’appétit des investisseurs. Cette dernière est, selon AGR, "une situation justifiée par les anticipations de hausse des taux à CT".

Tout cela s’ajoute à une absence de levées sur le compartiment long terme. La grande majorité des levées effectuées par le Trésor a été réalisée sur des maturités court terme, du fait de la faible demande sur les maturités moyen et long terme. AGR souligne que "le poids des souscriptions du Trésor sur cette tranche de maturités ressort à 70% au T3-22. À l’opposé, la part des maturités moyennes a baissé de 32 pts, passant de 62% au T3-21 à 30% au T3-22".

Une absence totale a même été constatée sur les maturités long terme. Pour la société de recherche, cela s’explique de diverses manières. Premièrement, "une suspension des opérations d’échanges de BDT au cours du T3-22 qui s’est traduite par un ralentissement du processus de réajustement du profil de la dette du Trésor et le lissage de ses tombées à CT", note AGR.

Des acteurs locaux moins attirés par les BDT mais plus par la maturité CT

Dans un second temps, cela provient du fait que dans un contexte inflationniste, les investisseurs ont rehaussé leurs exigences de rentabilité et ont principalement dirigé leurs investissements dans le court terme.

"La demande des investisseurs en BDT accentue sa baisse durant le T3-22 en accusant un repli de -35,6% en une année, passant de 64,1 MMDH au terme du T3-21 à 41,3 MMDH au T3-22. Ainsi, l’appétit des investisseurs envers les BDT poursuit son affaiblissement initié depuis 2019 et ce, en marge des anticipations de normalisation des taux à MT", précise la société de recherche.

La demande de maturité des investisseurs a été fortement redirigée vers les maturités CT. A T3-2021, 33% des demandes des investisseurs étaient dirigées vers des maturités CT contre 62% au T3-2022. Cela s’explique par plusieurs facteurs, notamment "la hausse de la circulation fiduciaire, se reflétant à travers le creusement du déficit de liquidité bancaire de 7,3% passant de 83 MMDH au T3-21 à 89 MMDH au T3-22", note AGR. Mais cela est aussi causé par une perception de plus en plus durable des effets de l’inflation par les investisseurs, ainsi que par la forte hausse des opérations de financement innovants à 17 MMDH au T3-2022 contre 12 MMDH prévus. Ceci favorise l’effet d’éviction des BDT vers ces types de financements plus rémunérateurs.

Une tendance haussière, des taux bel et bien observables

AGR souligne que la hausse des taux obligataires s’est poursuivie dans la lignée de la baisse de la demande des investisseurs. "Cette configuration s’est traduite par une hausse du taux moyen de satisfaction de 4,7 pts, passant de 43,8% au T3-21 à 48,5% au T3-22. Dans ces conditions, nous avons assisté à un relèvement des exigences de rémunération des opérateurs locaux envers les BDT", note la société de recherche.

D’autre part, une rationalisation de l’offre a été observée au T3-2022 et a conduit à une baisse des souscriptions. Le taux de réalisation des besoins annoncés du Trésor ressort à 75% contre 104% une année auparavant.

La hausse des taux s’est donc poursuivie dans un contexte inflationniste durable et d’anticipation d’une normalisation des taux courant 2023. Sur le marché primaire, "la tranche de maturité CMT a connu des hausses moyennes de 62 PBS. Les hausses pour les maturités du segment LT n’ont pas dépassé les 9 PBS en lien avec l’absence de marquage des levées du Trésor", note la société de recherche. Sur le secondaire, les maturités CT et MT ont connu respectivement des hausses de 39 et 65 PBS respectivement.

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