L'éclairage de Hassan Boubrik sur le passage du Ramed à l'AMO Tadamon

Le passage du Ramed à l'AMO Tadamon, la préservation des acquis des ex-Ramedistes, les avantages du nouveau système, le défi technique de l'opération... Hassan Boubrik, directeur général de la CNSS, apporte dans cet entretien son éclairage sur ce qui représente la dernière brique du chantier de la généralisation de la couverture médicale.

L'éclairage de Hassan Boubrik sur le passage du Ramed à l'AMO Tadamon

Le 8 décembre 2022 à 19h09

Modifié 9 décembre 2022 à 15h36

Le passage du Ramed à l'AMO Tadamon, la préservation des acquis des ex-Ramedistes, les avantages du nouveau système, le défi technique de l'opération... Hassan Boubrik, directeur général de la CNSS, apporte dans cet entretien son éclairage sur ce qui représente la dernière brique du chantier de la généralisation de la couverture médicale.

Depuis le 1er décembre, plus de 10 millions de personnes ont basculé du Régime d'assistance médicale (Ramed) vers l'Assurance maladie obligatoire pour les personnes vulnérable (AMO Tadamon), dont les cotisations sont prises en charge par l'Etat.

Une opération qui permet de clore le chapitre de la généralisation de la couverture médicale avant de passer, en 2023, à la généralisation des allocations familiales.

Le basculement de cette population d'un régime à un autre est à la fois un saut qualitatif pour ces Marocains qui bénéficient d'une couverture plus large, et un défi technique et organisationnel pour les acteurs du système de santé, à leur tête la CNSS qui a la charge de la gestion de l'AMO.

Son directeur général Hassan Boubrik nous décrit, dans cet entretien, les enjeux, les nouveautés, et comment la CNSS en tant qu'institution se met en ordre de bataille pour relever avec succès le défi.

Les droits des 10 millions de personnes sont ouverts depuis le 1er décembre. Le régime devient aujourd'hui une réalité sur le terrain.

Médias24 : Le remplacement du Ramed par l'AMO est la dernière brique du chantier de la généralisation de la couverture médicale. Que pouvez-vous nous dire sur cet évènement majeur ? 

Hassan Boubrik :  C'est la dernière étape de la première phase du chantier royal de la généralisation de la protection sociale. Cette dernière phase consiste en l'intégration de la population qui bénéficiait du Ramed dans le régime AMO.

Il s'agit d'une population de 3,6 millions d'assurés principaux. En comptant les ayants droits, on arrive à peu près à un chiffre d'un peu plus de 10 millions de Marocains qui, depuis le jeudi 1er décembre, bénéficient effectivement de l'Assurance maladie obligatoire.

En réalité, nous avons reçu de l'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) une base de données qui comprend à peu près 3,9 millions d'assurés principaux.

Il y a une différence entre les 3,9 millions reçus dans la base de l'ANAM et les 3,6 millions qui ont intégré l'AMO. Après avoir fait tous les contrôles, on s'est rendu compte qu'à peu près 250.000 personnes bénéficient déjà d'une assurance maladie obligatoire, soit au titre du régime des travailleurs salariés ou du régime des travailleurs non salariés (TNS).

Par ailleurs, les droits des 10 millions de personnes sont ouverts depuis le 1er décembre. C'est l'État qui paye leurs cotisations tant qu'elles sont dans l'incapacité de les verser. Le régime devient aujourd'hui une réalité sur le terrain.

Nous avons déjà reçu les premières demandes de prise en charge, les premières demandes de reconnaissance du statut de l'affection de longue durée... Nous recevons aussi déjà les premiers dossiers de demande de remboursement.

- Les ex-Ramedistes devaient se voir attribuer un numéro d'inscription à la CNSS. Est-ce que l'ensemble de cette population a reçu un numéro d'immatriculation ? Comment s'est déroulée cette opération ? 

- D'abord l'immatriculation se fait de manière automatique. Nul besoin de quelque procédure que ce soit. Les assurés n'ont pas besoin de faire de démarche particulière pour être immatriculés. Nous envoyons un sms à nos assurés ex-Ramedistes, à travers lequel ils peuvent télécharger le certificat d'immatriculation.

Pour ceux qui n'ont pas reçu de SMS, cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas immatriculés. Parfois les numéros de téléphone dont nous disposons ne sont pas actualisés ou pas fiables. Donc, on les invite soit à appeler au centre d'appels, soit au serveur vocal, soit à s'adresser aux bureaux de proximité dans les agences de la CNSS.

Ils peuvent aussi plus simplement se rendre sur notre site www.macnss.ma. Sur ce portail, en donnant leur numéro de CIN, ils peuvent vérifier leur statut et compléter leurs démarches pour obtenir le certificat d'immatriculation, mais aussi pour créer leur espace privé sur lequel, plus tard, ils pourront suivre l'état de traitement de leurs dossiers de remboursement et toutes les opérations qui les concernent.

La différence entre l'AMO et le Ramed

Il y a une différence importante entre l'AMO et le Ramed à noter. Ce dernier donnait accès aux hôpitaux publics seulement. Les bénéficiaires du Ramed ne pouvaient pas consulter dans le secteur privé, contrairement à l'AMO dont les assurés peuvent se faire soigner indifféremment dans l'hôpital public ou dans le secteur privé.

Les personnes intégrées à l'AMO Tadamon, qui est l'AMO réservé aux ex-Ramedistes, ont préservé leurs acquis. Lorsque quelqu'un se présente à l'hôpital public, il pourra être immédiatement identifié en tant qu'assuré AMO Tadamon et son droit reste ouvert. Il peut donc bénéficier de soins sans débourser quoi que ce soit et repartir. Cela est possible grâce à un échange de données avec les hôpitaux. Nous avons un système d'information qui communique avec tous les hôpitaux publics sur le territoire marocain.

Différence importante également : quand le médecin dans le secteur public prescrit une ordonnance, des analyses, des radios... les bénéficiaires du système Ramed les faisaient généralement dans le privé et ne pouvaient pas se faire rembourser.  Aujourd'hui, lorsqu'un médecin, dans le public ou le privé, prescrit des médicaments, des analyses... l'assuré peut remplir une feuille de soins et se faire rembourser dans les mêmes conditions et aux mêmes taux que l'AMO des salariés ou des TNS.

Autre chose, l'ex-Ramediste peut aujourd'hui aussi aller chez le médecin privé en consultation ou au niveau des hôpitaux privés ou des cliniques privées. Dans ce cas-là, il va payer et se faire rembourser.

Lorsqu'il a une maladie chronique ou affection de longue durée, ou s'il doit subir par exemple une opération chirurgicale, il peut demander une prise en charge préalable. Généralement, c'est l'hôpital privé ou la clinique qui va faire cette démarche auprès de la CNSS. Nous avons un portail dédié aux prestataires de soins à travers lequel se fait la demande. On répond très rapidement. La réponse n'excède généralement pas 24 h à 48 h maximum. Et, dans ce cas-là, l'assuré ne va payer que le reste à charge et non pas la totalité. Ce reste à charge dépend évidemment de la maladie ou de l'acte qui va être fait. Notons que la prise en charge peut aller parfois jusqu'à 100%.

Tous les acquis et les droits des ex-Ramedistes ont été sauvegardés, en y ajoutant l'accès au secteur privé et le remboursement des frais déboursés pour les médicaments, les analyses, les radios et différents examens.

- La continuité des soins pour les ex-Ramedistes, désormais assurés AMO Tadamon, a donc été assurée. Les parcours de soins engagés avant le 1er décembre se sont poursuivis normalement le 2 décembre, et rien n'a changé pour ces personnes dans le secteur public... 

- Il n'y a eu aucune rupture. Tous les acquis et les droits ont été sauvegardés, en y ajoutant l'accès au secteur privé et le remboursement des frais déboursés pour les médicaments, les analyses, les radios et différents examens.

C'est très important parce que les ex-Ramedistes sont généralement une population vulnérable ; donc même si on lui garantit la gratuité à l'hôpital en lui prescrivant des choses qui coûtent cher, cela constitue un obstacle majeur pour accéder aux soins et à la médecine.

Un important travail sur les systèmes d'information

- Vous avez mentionné un élément central de ce dispositif, c'est la connexion entre la CNSS et les hôpitaux. En quoi était-ce un défi technique d'assurer cette liaison des systèmes d'information ?

- Quand on parle de basculement des ex-Ramedistes vers l'AMO, l'opération paraît simple. En réalité, elle est extrêmement compliquée. Nous y travaillons d'arrache-pied depuis plusieurs mois avec toutes les parties prenantes : les services de la chefferie du gouvernement, le SGG, le ministère de l'Intérieur, le ministère de l'Economie et des finances, celui chargé du Budget, le ministère de la Santé, l'ANAM.

On a préparé cette transition pour qu'elle se passe dans des conditions optimales. Il y avait beaucoup d'axes sur lesquels il fallait travailler, notamment le volet réglementaire, le volet technique, celui de la communication et de la sensibilisation...

Dans le volet concernant la liaison avec le ministère de la Santé, deux éléments étaient importants. En premier, il fallait que lorsqu'un assuré se présente à l'hôpital, ce dernier puisse le reconnaître en tant que Ramediste. Il ne s'agit pas seulement de dire que cette personne est Ramediste, mais que les actes et tous les soins qui lui sont prodigués à l'hôpital puissent lui être reliés, donc à son numéro d'immatriculation de la CNSS de telle façon à ce que l'hôpital puisse nous facturer par la suite.

Nous avons fait un travail important avec le ministère de la Santé que je tiens à remercier pour sa mobilisation. Nous avons donc développé des web-services que nous avons mis à leur disposition. Avec le ministère de la Santé et l'ADD, nous avons travaillé pour que chantier aboutisse dans les délais.

- Il est donc totalement opérationnel... 

- Il est opérationnel. Nous avons des consultations qui se font à partir de l'hôpital sur les statuts des ex-Ramedistes pour vérifier si leurs droits sont ouverts... Donc c'est opérationnel, et on surveille au jour le jour le fonctionnement de ce système.

Puisque l'hôpital va facturer au régime de l'AMO l'ensemble des actes qu'il va prodiguer à cette population, nous saurons avec exactitude quel est le coût de chaque assuré et comment ce coût  évolue dans le temps.

Une meilleure visibilité sur le coût et donc sur le financement

- L'interconnexion CNSS-hôpitaux résout une problématique principale de l'ancien système, à savoir le suivi et la transparence de la dépense par Ramediste. Désormais, on pourra avoir des remontées d'informations sur la consommation médicale de cette population vulnérable.

- Ce que l'on pouvait reprocher au système Ramed, qui était utile malgré tout, ce sont trois points essentiellement. Le premier reproche, c'est l'obstacle à l'accès aux soins, notamment dans le secteur privé. On lui reprochait également le fait qu'un certain nombre de choses n'étaient pas remboursées, notamment les médicaments. Le troisième élément, c'est effectivement cette absence de transparence dans la facturation et dans le coût. 

Aujourd'hui, puisque l'hôpital va facturer au régime de l'AMO l'ensemble des actes qu'il va prodiguer à cette population, nous saurons avec exactitude quel est le coût de chaque assuré et comment ce coût évolue dans le temps. On saura également la nature des soins et les types de pathologie.

L'une des vertus de ce système, c'est qu'il introduit une sorte d'émulation entre les différents structures hospitalières et prestataires de soins. Pourquoi ? Parce qu'à partir du moment où l'hôpital facture à l'acte, si vous êtes performant, les gens vont venir chez vous, sinon les gens vont se diriger ailleurs, et donc vous aurez moins de ressources. Demain, l'AMO va être un contributeur important dans le financement des hôpitaux. L'État ne se désengage pas bien sûr, mais l'AMO va être un financeur important de l'hôpital, y compris l'hôpital public.

- On passe un cap, avec plus de 22 millions de personnes couvertes par le système AMO. Quel est le taux de couverture médicale ? 

- La porte est ouverte à tous les Marocains. Puisque si vous êtes salarié ou travailleur non salarié, vous bénéficiez d'un régime dédié. Si vous êtes vulnérable et que votre situation financière ne vous permet pas de payer des cotisations, vous pouvez accéder à l'assurance maladie obligatoire, et c'est l'État qui prend en charge les cotisations tant que que vous n'avez pas la capacité de le faire.

Il y a une dernière catégorie pour laquelle un texte de loi sera soumis au circuit législatif prochainement (ce texte a été adopté en Conseil de gouvernement ce jeudi 8 décembre, ndlr). Elle concerne une population qui n'est pas nécessairement vulnérable, mais qui ne figure ni parmi les travailleurs non salariés ni parmi les salariés. Donc le dispositif est ouvert à tous. 

Je m'adresse particulièrement aux travailleurs non salariés pour dire que les droits ne sont ouverts que si les cotisations sont payées.

Un système qui repose sur la solidarité

Je tiens à rappeler deux choses. L'AMO est un régime obligatoire, et non facultatif. Et c'est un régime qui repose sur la solidarité. En d'autres termes, vous êtes jeune et en bonne santé, vous payez votre contribution, et c'est probablement quelqu'un qui n'est pas en bonne santé et avancé dans l'âge qui va en profiter aujourd'hui. Votre tour viendra.

Il est important que tout le monde cotise pour garder l'équilibre du régime. Maintenant, je m'adresse particulièrement aux travailleurs non salariés pour dire que les droits ne sont ouverts que si les cotisations sont payées. Aujourd'hui, le taux de recouvrement des cotisations de cette catégorie reste encore très faible. A peu près 22% à 25% des cotisations dues sont recouvrées. Nous avons immatriculé 2,3 millions de personnes. Nous avons des droits ouverts pour environ 240.000 assurés principaux. Nous invitons les gens à adhérer davantage.

La CNSS va procéder à un moment donné au recouvrement forcé des cotisations, qui donnera lieu au paiement de pénalités et d'astreintes. Nous invitons donc les TNS à cotiser et à ne pas attendre de tomber malade pour cotiser. C'est dans l'intérêt de tous d'atteindre l'adhésion la plus large à ce régime.

C'est un régime qui fonctionne. Nous traitons à peu près 30.000 dossiers de remboursement par jour. Sur ces 30.000, les TNS représentent déjà 3.400 dossiers quotidiens. Et avec l'AMO Tadamon, nous allons passer à un niveau beaucoup plus élevé, estimé entre 60.000 et 70.000 dossiers par jour.

L'AMO est un grand acquis pour les Marocains, et c'est un grand acquis grâce à la sollicitude de Sa Majesté le Roi pour ce chantier qui s'est mis en place. Il faut que l'ensemble des Marocains y adhèrent.

Les services de la pension, l’IPE, les indemnités journalières de maladie, les indemnités de maternité… seront totalement digitalisés d'ici quelques semaines.

- Quelle est la suite ?

- Il y a encore deux autres phases du chantier global de la généralisation de la protection sociale, à savoir les allocations familiales et, par la suite, l’IPE et la retraite.

Concernant la CNSS, les chantiers ne manquent pas. Si je veux parler uniquement de l’axe AMO, notre défi c'est de conserver, voire d'augmenter notre qualité de service, et de diminuer encore plus les délais de remboursement de telle sorte à servir de la meilleure façon nos assurés. Nous atteindrons cet objectif grâce à la digitalisation.

Nous avons déjà digitalisé beaucoup de choses sur le régime général. Au niveau des allocations familiales par exemple, l’assuré n’a plus besoin de se déplacer pour en faire la demande. C’est possible de le faire à travers le portail, en téléchargeant l'ensemble des documents qui arrivent chez nous grâce au système d'information. L’ensemble des services du régime général (la pension, l’IPE, les indemnités journalières de maladie, les indemnités de maternité… ) seront totalement digitalisés d'ici quelques semaines.

Vers la dématérialisation de la feuille de soins

Il reste la partie AMO, qui est importante, où nous travaillons encore de manière ‘archaïque’, il faut le dire, avec la fameuse feuille de soins en papier. Cette feuille engendre des difficultés à la fois pour l’assuré qui doit remplir beaucoup de papiers, et pour le régime qui supporte des coûts énormes. Donc l'un des défis majeurs pour nous, c’est la dématérialisation totale de la feuille de soins et de l'assurance maladie obligatoire.

Donc, pour résumer, notre objectif est d’augmenter la qualité de service, de réduire les coûts et de s’orienter résolument vers la digitalisation.

Par ailleurs, nous travaillons sur la maîtrise de la dépense. Elle fait appel à un travail collectif ; ce n'est pas uniquement du ressort de la CNSS. Cependant, comme la CNSS prend en charge le financement, nous sommes interpellés en premier lieu sur la viabilité du régime. L’intérêt pour la CNSS est de voir comment exploiter toute la data disponible pour avoir une influence réelle et importante sur la dépense de santé à travers la prévention, la chasse aux dépenses inutiles, un meilleur dialogue et le monitoring des prestataires de soins.

Donc, la CNSS doit absolument œuvrer pour se transformer d'une caisse, qui va simplement fournir des prestations sur la base de la conformité des dossiers, à un véritable assureur acteur qui apporte une valeur ajoutée dans la protection sociale, et notamment sur la partie de l'assurance maladie obligatoire.

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