Crise de la filière laitière : les mesures pour pallier la baisse de l’offre

Pour faire face à la baisse considérable de l’offre de lait au niveau national, Copag et Centrale Danone cherchent à récupérer la part destinée au colportage en augmentant le prix du lait à la production. L'État va également prendre en charge le droit d'importation applicable au lait écrémé en poudre et au beurre.

Crise de la filière laitière : les mesures pour pallier la baisse de l’offre

Le 22 novembre 2022 à 20h03

Modifié 22 novembre 2022 à 20h18

Pour faire face à la baisse considérable de l’offre de lait au niveau national, Copag et Centrale Danone cherchent à récupérer la part destinée au colportage en augmentant le prix du lait à la production. L'État va également prendre en charge le droit d'importation applicable au lait écrémé en poudre et au beurre.

  • Copag a augmenté de 0,45 DH/ l le prix du lait à la production.
  • Centrale Danone aurait également augmenté le prix du lait à la production entre 0,30 et 0,50 DH/l.
  • La prise en charge par l'Etat du droit d'importation applicable au lait écrémé en poudre et au beurre.

Les réseaux sociaux se font l’écho, depuis plusieurs semaines, d’une baisse de l’offre de lait frais. Les quantités acheminées aux points de ventes ne suffisent pas à répondre à la demande. Aucune source ne s'aventure à chiffrer cette baisse à l'échelle régionale  ou nationale.

Plusieurs facteurs expliquent cette situation : à leur tête, la hausse des prix des aliments composés pour bétail, qui a contraint de nombreux éleveurs à sacrifier des vaches laitières pour survivre et combler leurs pertes, conduisant, par conséquent, à la baisse du cheptel, et par ricochet à la baisse de production de lait.

La baisse du cheptel est estimée par le ministère de l’Agriculture à environ 8%, avait annoncé à Médias24 une source du ministère, laquelle s’attend à finir l’année en cours avec 1,650 million de femelles reproductrices, contre 1,8 million vers fin 2020.

L’autre principale problématique dont souffre le secteur est l’informel. Les éleveurs de vaches laitières, dont le coût de production de lait a fortement augmenté, se rabattent sur le colportage, afin de gagner des centimes par rapport aux prix proposés par les transformateurs privés qui décident des prix en fonction de la qualité du lait.

D’après nos informations, le coût de production du litre de lait est passé de 3 DH à plus de 5 DH, alors qu’il est vendu aux usines laitières entre 4 et 4,50 DH/l. Cela signifie que le prix de vente ne couvre pas le coût de production.

Copag et Centrale Danone augmentent le prix du lait à la production

Pour faire face à cette problématique, inciter les éleveurs à produire davantage et récupérer la part de lait destinée au colportage, la coopérative agricole Copag a annoncé le 31 octobre dernier une hausse du prix du lait à la production.

"Vu les conditions climatiques défavorables que connaît le pays, ainsi que la hausse vertigineuse des prix des matières premières entrant dans la fabrication des aliments pour bétail, ayant impacté négativement le prix du lait, et pour venir en aide aux éleveurs, la coopérative Copag a décidé d’augmenter le prix du lait à la production de 0,45 DH par litre à partir du 1er novembre 2022", lit-on sur un document de la coopérative.

"Le prix du litre de lait augmente ainsi à 5 DH, au lieu de 4,55 DH auparavant", ajoute le document, qui précise que "cette mesure concerne aussi bien les coopératives membres de [la] Copag que les producteurs de lait indépendants".

"Cette mesure vise à encourager les éleveurs à produire davantage de lait et à en améliorer la qualité", souligne le document. Et de conclure : "Ce prix peut par ailleurs être revu à la baisse si la conjoncture internationale s’améliore et que les coûts de production se stabilisent."

Sondés au sujet de cette hausse, des éleveurs, dont la production de lait est livrée à la Copag, estiment que "cette petite hausse permettra à peine de nous soulager. Nous n’avons jamais assisté à une telle flambée des prix des aliments pour bétail. Actuellement, c’est notre principal problématique dans le secteur", regrettent-ils.

Selon nos informations, Centrale Danone a également revu à la hausse le prix du lait à la production. C’est ce que nous ont confirmé deux autres professionnels du secteur qui livrent leur production à Danone.

"L’augmentation s’est faite selon un barème, sur la base de la quantité de lait livrée", nous confie l’un d’eux. "L’augmentation varie entre 0,30 et 0,50 DH/ litre. Il s’agit d’une hausse facultative, qui ne couvre même pas les frais de production", regrette-t-il.

"Comme la Copag, Centrale Danone a également augmenté le prix du lait à la production, tout en prenant en considération plusieurs paramètres, notamment la teneur en beurre par exemple. Si l’usine juge que la qualité du lait ne répond pas à un ensemble de critères, alors le prix payé au producteur est en deçà de celui annoncé", nous indique une autre source.

Malgré nos nombreuses tentatives pour confirmer ces informations, Centrale Danone est restée injoignable.

Subvention de la poudre de lait écrémé

Outre la hausse des prix du lait à la production, le ministère étudie d’autres pistes pour accroître l’approvisionnement du marché en lait.

Des professionnels du secteur nous ont indiqué que le ministère "est en train d’examiner une éventuelle subvention de la poudre de lait" ; le but étant de compenser la baisse de l’offre de lait sur le marché à travers la production du lait UHT, et de répondre ainsi au besoin national.

En effet, dans une circulaire publiée le 21 novembre, l'Administration des douanes et impôts indirects (ADII) annonce la prise en charge par l'Etat du droit d'importation applicable au lait écrémé en poudre et au beurre.

"Les montants dus au titre du droit d'importation et de la taxe sur la valeur ajoutée, applicables à l'importation du lait écrémé en poudre et du beurre, seront pris en charge par le Budget général de l'Etat (BGE)", lit-on sur le document.

"Ainsi, la liquidation des droits et taxes applicables à l'importation du lait écrémé en poudre et du beurre donnera lieu à deux fiches de liquidation correspondant :

  • au DI et à la TVA qui lui est applicable, qui sera pris en charge par le BGE; 
  • et au reste des droits et taxes exigibles (taxe parafiscale à l'importation et TVA à l'importation), que l'importateur devra acquitter."

"Une instruction administrative précisera ultérieurement les modalités comptables et informatiques du traitement des opérations de l'espèce", ajoute le document, notant que "cette mesure prend effet à compter du 17 novembre 2022 et couvrira la période allant jusqu'au 31 octobre 2023". 

Pour les professionnels, "cette solution [subvention de la poudre de lait] ne permet pas de régler le fond du problème, mais juste d’assurer l’approvisionnement du marché en briques de lait", ajoute notre interlocuteur.

"Le gouvernement est en train de subir les résultats de ses politiques", souligne notre source. "Il aurait fallu soutenir la filière bien avant. Maintenant c’est trop tard ; on va recourir à des solutions palliatives."

Et d’ajouter : "Depuis le début de la période de sécheresse, il y a environ trois ans, les éleveurs et agriculteurs n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. Nous attendons depuis trois mois les programmes de subventions annoncés au mois d’août ; rien n’a encore été débloqué."

"Quant aux subventions de génisses de 3.000 à 5.000 DH, qui peut en profiter ? Les agriculteurs n’ont plus les moyens ni l’ambition d’investir. Surtout que les cours des intrants, notamment le concentré pour l’alimentation du bétail, sont toujours très élevés."

Plusieurs interrogations par rapport à cette décision demeurent cependant sans réponse au moment de la publication de cet article :

Comment s'assurer de la bonne utilisation de cette poudre de lait subventionnée en sachant que son usage est fortement réglementé  ?

Comment peut-on s’assurer que cette poudre de lait subventionnée n’ira pas à la production d’autres produits laitiers dérivés ?

Contacté sur ces points en particulier, le ministère de l'Agriculture n'a pas donné suite à nos questions et s'est contenté d'une réponse générique : "les discussions sont en cours avec les professionnels. Nous reviendrons vers vous une fois les mesures actées".

"Le coup de grâce"

D’autres acteurs du secteur, contactés par Médias 24 alors qu'ils n'avaient pas encore eu écho de cette information, ont estimé que si elle se confirme, "ce serait le coup de grâce pour la profession".

"Au lieu de recourir à de telles mesures, il serait préférable d’encourager davantage les éleveurs. D’abord, les subventions d’aliments composés annoncées par le ministère ne sont pas régulières, alors qu’elles devraient l’être pour soulager un peu les éleveurs. Deuxièmement, des solutions auraient dû être entamées il y a quelque temps. La sécheresse dure depuis au moins une année. A cela s’est ajoutée la guerre en Ukraine et l’explosion des prix du carburant. Les éleveurs ont donc besoin d’un grand soutien. C’est par amour pour leur métier que ces derniers résistent encore. S’ils faisaient leurs calculs, ils auraient tous abandonné le navire depuis un bon moment déjà, à l’instar de nombreux autres agriculteurs."

Un autre interlocuteur estime également que si une telle mesure est actée, "elle serait catastrophique pour la profession. Le coût de production dépasse à présent 5 DH/l. Si le gouvernement subventionne le lait en poudre, les usines ne paieront le lait à la production qu’à hauteur de 3 DH/l. Les agriculteurs ne pourront par ailleurs même pas vendre leur cheptel, au vu de la dernière décision du ministère de l’Agriculture sur l’interdiction de l’abattage des vaches reproductrices de moins de 4 ans. Le ministère devrait plutôt encourager davantage les éleveurs", conclut-il.

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