Brahim Hafidi: “le Maroc deviendra un gros producteur de dattes en 2030 avec 300.000 T par an”

Le Directeur général de l’Agence nationale de développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA) ne cache pas son enthousiasme au moment d’évoquer l’évolution de la filière phoenicicole, illustrée par la zone de Boudnib, dont le contrat de gestion de nappe a été signé ce vendredi 28 octobre.

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Brahim Hafidi: “le Maroc deviendra un gros producteur de dattes en 2030 avec 300.000 T par an”

Le 29 octobre 2022 à 16h44

Modifié 29 octobre 2022 à 16h44

Le Directeur général de l’Agence nationale de développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA) ne cache pas son enthousiasme au moment d’évoquer l’évolution de la filière phoenicicole, illustrée par la zone de Boudnib, dont le contrat de gestion de nappe a été signé ce vendredi 28 octobre.

Médias24: Les oasis marocaines sont-elles en crise ?

Brahim Hafidi: Je ne suis pas d’accord avec ce constat. Comme dans le monde entier, il y a eu une sécheresse sévère ces trois dernières années. Il est normal qu’il y ait une baisse de la production (30% en 2022). Mais les oasis et les palmeraies se portent bien.

L'ANDZOA a réussi à réhabiliter les oasis et accompagner la population via un programme intégré impliquant l’ensemble des acteurs ministériels et régionaux, ainsi que la société civile en vue d'améliorer les indicateurs sociaux et économiques.

Brahim Hafidi, DG de l’Agence nationale de développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA)

Depuis les années 80, on a certes perdu la moitié des palmeraies à cause du Bayoud et de la sécheresse, soit 3 millions de plants. Mais grâce au plan Maroc Vert, trois millions de palmiers dattiers ont été plantés et Génération Green prévoit la plantation de 5 millions supplémentaires d’ici à 2030.

-Quels sont les leviers activés pour réhabiliter cet écosystème unique ? 

-D'abord l’aménagement des espaces comme à Figuig, en construisant des routes pour accéder aux palmeraies et en prendre soin. Ensuite, avec la collaboration des experts de l’Institut nationale de recherche agronomique (INRA), des souches de palmiers dattiers indemnes de la maladie du Bayoud sont produites dans les sept laboratoires de cultures in vitro existants.

Ces laboratoires servent également à la multiplication des plants. Le ministère distribue ces plants gratuitement aux petits agriculteurs. Ceux qui ont des superficies importantes, sont subventionnés à hauteur de 80%.

En 10 ans, le contrat phœnicicole a coûté 7 milliards de DH à l'Etat

-L’ensemble de ces actions coûte combien à l'Etat ? 

-Le contrat-programme qui a permis d’organiser et de coordonner les relations entre les professionnels et le ministère de l’Agriculture a nécessité un budget de 7 MMDH entre 2010 et 2020, dont les subventions des plants et à l’irrigation notamment accordés par l’Etat.

-Hormis les conditions climatiques, quel est le talon d'Achille de la filière phœnicicole ?

-Nous travaillons actuellement sur la recherche et notamment l’amélioration des conditions de stockage avec l’INRA, car il existe 12 variétés commercialisables mais sous certaines conditions de stockage. Il y a également des efforts à réaliser en termes de promotion. L’Andzoa et l’Agence pour le développement agricole (ADA) exposent les produits de la filière dans les grandes surfaces (Marjane et Aswak Assalam).

-Le PIB des zones oasiennes a quasiment doublé depuis 2012. Quel est le secret de cette réussite ?

-L'accompagnement des agriculteurs, la production qui a quasiment triplé et la valorisation. Auparavant, certaines variétés de dattes molles n'avaient pas de valeur marchande. Aujourd’hui, elles sont conservées et au lieu de les vendre à 2 DH/kg comme par le passé ou les jeter, on les vend désormais à 12 DH/kg pendant le Ramadan, créant ainsi de la valeur ajoutée.

La production a presque triplé depuis 2016

-Le Maroc est 7ème dans le monde en termes de superficie de palmiers dattiers mais il n’est que le 12e producteur. Quelles sont les actions entreprises pour réduire ce déséquilibre ? 

-Si on prend la moyenne annuelle avant le plan Maroc Vert, elle était de 50.000 T. Depuis 2016, la moyenne a grimpé à 140.000 T. L’année précédant l’entrée en vigueur du plan Maroc Vert, la production était de 90.000 T. Notre objectif est d’atteindre 300.000 T en 2030, ce qui fera du Maroc un important producteur.

Pour y arriver, il a fallu réhabiliter les palmeraies traditionnelles et planter notamment à Boudnib, 9.500 ha ainsi que quelques milliers d’hectares à Zagora et dans d’autres zones. L’objectif est d’atteindre 21.000 ha supplémentaires d’ici 2030.

En outre, nous avons aidé les producteurs à améliorer la valorisation des dattes via 38 unités de conditionnement et de froid, car les dattes sont récoltées fin octobre, mais elles sont principalement consommées à l’occasion du mois de ramadan.

Cela a été possible via le regroupement des agriculteurs en coopératives puis ces coopératives en Groupe d'intérêt économique qui gèrent ces unités. L'installation de l’énergie solaire dans ces dernières a également permis d’économiser 200.000 DH par an.

Enfin, on les accompagne en termes de commercialisation comme lors du salon où 3 GIE (groupements d'intérêt économique) ont signé avec une grande enseigne belge. Ces GIE exportent également le Majhoul à l’étranger.

-Justement pourquoi les exportations marocaines de dattes ont-elles du mal à décoller ?

-Il est vrai que chaque année nous importons (50.000 T), plus que nous exportons (3.000 T) de dattes. On attend que la production des grandes fermes des variétés nobles destinées à l’exportation atteignent leur plein potentiel. Ces fermes viennent d'être lancées et quand on plante les palmiers dattiers, il faut attendre huit ans pour avoir de hauts rendement.s

Dans la région de Drâa-Tafilalet, et notamment la zone de Boudnib, nous avons électrifié ces fermes. Les ouvriers et les ingénieurs profiteront d’un lotissement pour résoudre leurs besoins de logement. Une agripole sera construite.

-Est-ce que l’hégémonie de la région Drâa-Tafilalet sur la filière est un atout ou un inconvénient ? 

-Avoir une locomotive comme la région Drâa-Tafilalet est bien sûr un atout. Mais chaque région à ses spécificités. Si 80% des palmeraies sont localisées dans la région de Drâa-Tafilalet, la plus grande est à Zagora. A Figuig, il y a une variété noble mais qui ne pousse qu’à cet endroit (Laaziza) et qui est vendue plus cher que le Majhoul. Ceci dit, en matière de développement, l'ANDZOA accompagne toutes les palmeraies de la même façon.

-Vous faites partie des signataires du contrat de gestion participative de la nappe phréatique de l’axe Meski-Boudnib, quel sera le rôle de l’ANDZOA dans ce cadre ? 

-Nous allons intervenir à deux niveaux. D’abord au niveau de la coordination entre les différents acteurs impliqués dans ce contrat de nappe, en réalisant des études impliquant des actions en termes d’ingénierie et d'expertise.

Le second niveau est la surveillance des ressources de la nappe. Nous évaluons les ressources souterraines depuis 2016, en collaboration avec l’Agence du bassin hydraulique de Guir Ziz Rheris, via des piézomètres installés en grande majorité dans la zone de Meski-Boudnib.

Après avoir planté 9.500 ha de palmiers dattiers dans la zone, on a remarqué que le niveau piézométrique de la nappe n’a commencé à se réduire que lors des deux dernières années à cause de la sécheresse qui a empêché le rechargement de la nappe.

D’ailleurs, selon les modèles mathématiques, la surface agricole irriguée que peut supporter cette nappe est de 15.000 ha. C’est d’ailleurs l’objectif du contrat de gestion de la nappe.

-Est ce que ce contrat ne va pas augmenter les inégalités en termes d'accès à l'eau? 

-Ce contrat concerne essentiellement les investisseurs. Les ayants droits traditionnels recevront de l’eau via le barrage de Kadoussa.

Les eaux des crues seront dorénavant dirigées vers les palmeraies et donc exploitées

-Mais un quart de la capacité de stockage de ce barrage ira tout de même aux investisseurs de la région de Boudnib.

-Il y en aura assez pour tout le monde. Les grands agriculteurs comme les petits. Nous avons une stratégie spécifique car on ne peut plus compter sur les grands barrages dont la majorité sont actuellement vides. Il s’agit de privilégier des infrastructures simples et localisées comme à Tinejdad où l'on a construit un bassin de dérivation afin de rediriger les eaux des crues vers les palmeraies.

Les eaux de ces crues, d'une fréquence de 5 à 6 par an, étaient inexploitées. Désormais, elles permettent d’arroser la palmeraie et de retenir l’eau pour alimenter les nappes de quasiment 10 mètres. Des ressources exploitées pour l’irrigation par pompage et qui créent de l’activité agricole.

Dans les communes frontalières, nous avons édifié un petit barrage collinaire en terre, qui a permis de résoudre le problème de ces communes en matière d'irrigation.

-Est-ce qu’il y a des similitudes entre l’état des arganeraies et des zones oasiennes ? 

-Les similitudes existent notamment en termes de recul de l’arganeraie de moitié. Un programme a été mis en place via la réhabilitation de 200.000 ha tous les dix ans et la plantation de l'arganie-culture sur 10.000 ha grâce au fond du climat doté de 50 millions de dollars.

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