Bruno Messina : le festival des musiques sacrées est une mise en musique de l’esprit de Fès

Le nouveau directeur artistique du Festival des musiques sacrées du monde de Fès, Bruno Messina, revient sur les nouveautés de la programmation de cette 26e édition, qui célèbrera "l’architecture et le sacré".

Bruno Messina, directeur artistique de la 26e édition du Festival des musiques sacrées du monde de Fès.

Bruno Messina : le festival des musiques sacrées est une mise en musique de l’esprit de Fès

Le 6 juin 2022 à 10h22

Modifié 6 juin 2022 à 15h55

Le nouveau directeur artistique du Festival des musiques sacrées du monde de Fès, Bruno Messina, revient sur les nouveautés de la programmation de cette 26e édition, qui célèbrera "l’architecture et le sacré".

Après deux années d’absence en raison de la crise sanitaire, le Festival des musiques sacrées du monde de Fès revient du 9 au 12 juin prochain. Cette nouvelle édition, raccourcie à quatre jours, se tiendra sous le thème "l’architecture et le sacré". Pour la première fois, Bruno Messina en assurera la direction artistique.

Celui qui se définit comme un « enfant de la Méditerranée » est lié au Maroc par sa mère, une Andalouse née à Casablanca qui a grandi à Ifrane. Son père est un Sicilien de Tunis. Bruno Messina, quant à lui, est né en France, où il a étudié la musique classique et le jazz au conservatoire de Paris.

Quelques années plus tard, il y est devenu professeur d’ethnomusicologie - « la science des musiques du monde » - après s’être intéressé à cette discipline en travaillant sur le rapport de la musique à l’islam en Indonésie, entre autres.

Bruno Messina a démarré sa carrière dans les festivals en tant que musicien. Il en a ensuite assuré la direction artistique. Il a accompagné plusieurs festivals du monde, en Bretagne, à Nice, en Sardaigne, ainsi que d’autres festivals de musique classique ou contemporaine.

Le nouveau directeur artistique du Festival des musiques sacrées du monde de Fès, qui a obtenu la confiance de Abderrafie Zouitene, le président de la Fondation Esprit de Fès, organisatrice de l’évènement, a accordé à Médias24 un entretien dans lequel il nous parle des nouveautés et des caractéristiques de cette 26e édition.

C’est très impressionnant d’arriver à Fès avec l’histoire de cette ville, son patrimoine, matériel et immatériel, qui est séculaire et même millénaire.

Médias24 : Qu’est-ce qui caractérise cette édition du Festival des musiques sacrées du monde de Fès ? Quelle a été la touche Bruno Messina ?

Bruno Messina : La continuité, le respect de tout ce qui a été fait et peut-être aussi l’humilité. Il est en effet très impressionnant d’arriver à Fès avec l’histoire de cette ville, son patrimoine, matériel et immatériel, qui est séculaire et même millénaire. Il s’agit donc de s’inscrire dans le sillage de ce qui a été réalisé jusqu’à présent et, petit à petit, d’apporter une touche nouvelle, un développement.

Nous avons par exemple un compositeur comme Michaël Levinas à la synagogue, pour apporter d’autres formes, ou un groupe comme La Tempête. Pour le reste, on se situe dans les grandes formes musicales. On a un petit peu moins de jours que d’habitude mais on a conservé l’essence de ce festival, le dialogue interreligieux, le dialogue entre les cultures, avec une touche méditerranéenne. Il y aura aussi des musiciens d’Asie et du Sénégal.

Le public pourra explorer différentes vocalités de la Méditerranée et du monde, à l’image de ce grand spectacle d’ouverture qui va nous faire voyager, pour partir de Fès, faire le tour du monde, puis y revenir. Ce sera un grand moment de rencontre et de fraternité entre les peuples.

Nous allons également travailler avec les enfants de Fès. Cette année, nous allons inviter des écoles qui rencontreront quelques-uns de ces merveilleux musiciens. C’est une idée que nous aimerions développer afin de travailler avec des établissements scolaires pour leur apporter de la musique et ce grand message que porte la Fondation Esprit de Fès.

- La durée du festival a été réduite à quatre jours. Qu’est-ce que cela change ?

- C’est un impératif lié au contexte actuel. Nous sortons d’une pandémie, il faut être prudent. C’est une sorte d’édition de transition. Il y a peut-être moins de grandes soirées, parce qu’évidemment, il y a moins de jours. Néanmoins, nous avons essayé de transposer une sorte de miniature de ce qu’est le festival. C’est un modèle réduit, mais comme dans les jolis modèles réduits, on y retrouve toutes les pièces.

C’est un peu plus court, et il le fallait pour cette reprise, mais je pense tout de même que l’esprit et la force du message ont été respectés.

- Qu’est-ce qui a guidé le choix des artistes pour cette édition ?

- C’est cette idée du dialogue des cultures, cette idée de faire entendre des musiques qui, souvent, sont liées à une expression religieuse. Ce sont des musiques sacrées, mais ce sont aussi de sacrées musiques si j’ose dire, parce qu’elles permettent le partage et la rencontre. C’est également une fête, parce que la fête est aussi l’une des dimensions du sacré.

Il y a une grande diversité d’artistes et des personnalités célébrées dans le monde entier, comme Ibrahim Maalouf, ce merveilleux trompettiste qui vient de New York pour jouer à Fès, et qui en plus, porte un instrument qui est une sorte de symbole du dialogue des cultures. Son père Nassim Maalouf avait en effet inventé un quatrième piston pour la trompette afin de pouvoir jouer toutes les musiques, les modes orientaux aussi bien que les modes occidentaux.

Il y a aussi ces musiciennes d’Inde qui interprèteront la grande tradition de chant Qawwali, liée à la musique soufie, qui porte une force incroyable. Elles ont été classées par un grand magazine indien parmi les cinquante femmes les plus puissantes de leur pays. Nous allons les avoir en exclusivité pour la première fois en dehors d’Inde. Ce sera l’une des grandes surprises de ce festival ! Ce sont des femmes qui portent la tradition sacrée du soufisme.

Nous allons également retrouver un concert à la synagogue, puis des sardes qui feront des architectures avec la voix, puisqu’à un certain moment, il y a des résonances, ce ne sont pas les hommes qui chantent mais l’on entend quand même des voix, c’est absolument extraordinaire. Il y aura aussi des nuits soufies le soir, après les concerts.

- Le festival de Fès, ce n’est pas que du musical. C’est aussi du visuel, notamment pour les spectacles à Bab Makina. A quoi peut-on s’attendre cette année ?

- Ce sera un très beau spectacle. Nous y avons travaillé avec Alain Weber, l’ancien directeur artistique, et l’ensemble du comité artistique de la Fondation Esprit de Fès. L’idée est de faire un spectacle autour de l’architecture et du sacré.

Il y aura ce grand spectacle de lumière et de musique, totalement dans cet esprit de la rencontre, du dialogue des religions et des cultures, avec beaucoup de musiciens et des images merveilleuses qui seront projetées sur les murs de Bab Makina.

Nous partirons de Fès avec l’horloge hydraulique, avec les mapping sur les murs. Nous irons à Notre-Dame de Paris puis jusqu’au Taj Mahal en Inde. Nous ferons le tour des cinq grandes religions que sont l’islam, le christianisme, le judaïsme, l’hindouisme et le bouddhisme, et nous terminerons avec les vocations de la grande mosquée Hassan II afin d’exprimer ce patrimoine commun des hommes qui construisent.

- Justement, le choix du thème de cette édition autour de l’architecture et du sacré, qu’est-ce que cela évoque pour vous?

- Vous savez, la musique c’est aussi une sorte d’architecture. Le grand poète allemand Goethe disait lui-même « l’architecture est une musique pétrifiée » ; une musique devenue pierre.

La musique elle-même possède des architectures. C’est étrange d’ailleurs puisque l’Orient a une musique qui regarde vers l’horizon, c’est une musique qui avance de manière linéaire, alors celle de l’Occident est beaucoup plus verticale, et finalement, le croisement des deux peut donner toutes les formes.

Même si l’on joue avec l’idée de ce que sont les musiques, on retrouve là encore la possibilité d’un dialogue qui va créer des formes musicales, qui seront une sorte de parallèle, de métaphores des formes architecturales.

Encore une fois, la musique est une architecture. Lorsque l’on fait venir des polyphonies sardes ou corses dans notre programme, on les entend ces architectures ; on voit bien qu’elles se construisent comme dans les magnifiques palais de Fès. Il y a de l’ornementation en musique, comme il y en a dans les sculptures sur les belles maisons, ça existe avec la voix. Et puis il y a des superpositions, il y a véritablement des constructions.

La musique, c’est aussi un vecteur, une possibilité de défendre le sacré, comme les monuments, les temples et autres architectures en sont des expressions solides en quelque sorte.

Vous savez, il n’y a pas d’humanité sans musique, on n’a jamais trouvé un peuple sans musique. C’est extraordinaire, c’est comme le langage, tous les peuples ont une musique. Le concert est donc un endroit extraordinaire pour se rencontrer, du genre de ce que défend le Maroc par son ouverture.

- Quel message voulez-vous transmettre au public de ce festival ?

- Venir au festival, c’est déjà rencontrer la ville de Fès, qui est absolument extraordinaire. J’invite tout le monde à venir à la rencontre de cette ville au patrimoine absolument extraordinaire. L’autre chose, c’est que cette ville porte un message de paix, de tolérance et de fraternité, avec ses écoles, ses médersas, sa grande université et ses mosquées.

Finalement, c’est une mise en musique de l’esprit de Fès. C’est pour cela, je pense, que la Fondation Esprit de Fès, qui porte ce festival et pour lequel je viens apporter ma petite contribution avec humilité et bonheur, prend ce nom.

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