Akhannouch face aux syndicats : de quoi vont-ils parler ?

Le chef de gouvernement lance, ce jeudi 24 février, le premier round de dialogue social de sa mandature. Une rencontre qui intervient dans un contexte économique et social très tendu. Voici ce que les syndicats comptent plaider devant Aziz Akhannouch.

Akhannouch face aux syndicats : de quoi vont-ils parler ?

Le 23 février 2022 à 19h10

Modifié 25 février 2022 à 12h40

Le chef de gouvernement lance, ce jeudi 24 février, le premier round de dialogue social de sa mandature. Une rencontre qui intervient dans un contexte économique et social très tendu. Voici ce que les syndicats comptent plaider devant Aziz Akhannouch.

Le chef de gouvernement entamera, ce jeudi 24 février, ses rencontres avec les centrales syndicales les plus représentatives, ayant pu dépasser le seuil des 6% lors des dernières élections syndicales.

Ces rencontres, qui s’inscrivent dans le premier round de dialogue social sous Akhannouch, se dérouleront durant deux jours, selon nos sources. Le chef de gouvernement commencera par une rencontre avec l’UMT, jeudi à 15 heures, puis enchaînera avec l’UGTM et la CDT qui seront reçues le vendredi.

Quels sont les enjeux de ce dialogue social ? C’est la question que nous avons posée à plusieurs syndicalistes présents à la table du dialogue. Leurs réponses sont similaires.

Secrétaire général adjoint de la CDT, Khalid Houir Alami tient tout d’abord à rappeler que ce dialogue social n’en est pas vraiment un, car il est conjoncturel. Or, selon lui, le dialogue social devrait être quelque chose d’institutionnel, et il ne faudrait pas attendre les moments de crise pour convoquer ces rencontres.

La CDT veut une loi-cadre sur le dialogue social

Ce sera, d'après Khalid Houir Alami, le premier axe de discussion : comment institutionnaliser le dialogue social après un arrêt qui, selon lui, a duré cinq ans sous le mandat de Saad Dine El Otmani.

« Ce dialogue social est conjoncturel, provoqué par le climat social et la conjoncture économique. Ce que nous souhaitons, et ce que nous essaierons de négocier avec le gouvernement, c’est une institutionnalisation du dialogue social. Le gouvernement parle d’un pacte national sur le dialogue social, mais ce que nous voulons c’est une loi-cadre qui oblige le gouvernement à respecter ce rendez-vous institutionnel. Ce n’est pas juste une question de formalité, mais seul un dialogue social institutionnalisé, régulier, permettra de régler les problèmes sociaux. Car les gouvernements s’engagent souvent sur des choses, signent même des accords, mais aucun suivi n’est fait par la suite », nous indique Khalid Houir Alami.

« La non-institutionnalisation du dialogue social a des conséquences réelles sur le climat social. Sans suivi des accords et des engagements des uns et des autres, on ne peut pas avancer. Cette institutionnalisation permet aussi aux syndicats d’avoir accès à l’information. Car en dehors de sources externes comme le HCP, ou de rapports de certaines institutions, le gouvernement ne nous donne pas accès à l’information», ajoute notre source de la CDT.

Hormis ce volet d’ordre structurel, quelques points essentiels seront mis sur la table selon nos différentes sources syndicales. A leur tête, le pouvoir d’achat des ménages qui, selon nos sources syndicales, a subi un coup de massue avec la flambée des prix.

L'inflation et la revalorisation du pouvoir d'achat des ménages

« Nous savons que c’est dû à des facteurs externes. Mais le gouvernement qui est venu avec le projet d’institution d’un État social doit apporter des réponses à cette problématique », lance Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’UMT, qui estime que l’exécutif peut jouer sur plusieurs leviers. Parmi eux, il cite l’augmentation des salaires, mais aussi l’implémentation du principe de justice fiscale.

Sur les salaires, l’UMT, par exemple, va mettre sur la table le sujet de la revalorisation des revenus tant dans le public que dans le privé, ainsi que l’augmentation du Smig.

« Rien ne justifie de laisser les Marocains face à la liberté de marché et au capital. Nous allons interpeller le gouvernement sur ce qu’il compte faire pour protéger le pouvoir d’achat des masses populaires, en demandant une amélioration des salaires dans le public et le privé, et la revalorisation du SMIG, qui selon nos études, ne permet à un ménage de vivre que six jours dans les conditions actuelles », nous confie Miloudi Moukharik.

Même son de cloche à la CDT : « Certains essaient de minimiser l’impact de l’inflation en nous disant que celle-ci ne dépassera pas 1,8%. Mais 1,8% cette année, ajouté à 1,8% en 2021 et 1% en 2020… Cela fait quand même un grand bond dans les prix. Or, les salaires pendant cette période n’ont pas bougé », indique Khalid Alami Houir.

Au-delà de cette question d’augmentation des salaires, les syndicats veulent agir également sur l’IR, comme levier pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages.

« Les salariés et les fonctionnaires sont les seuls à payer de manière régulière leur impôt sur le revenu, et à des taux très élevés qui peuvent atteindre 38%. Ce que nous demanderons au gouvernement, c’est juste l’application des recommandations des Assises de la fiscalité, où tout le monde s’était mis d’accord sur une revue du barème de l’IR pour baisser la pression fiscale sur les classes moyennes », rappelle le secrétaire général de l’UMT.

Khalid Houir Alami de la CDT ne dit pas autre chose : « L’application du principe de justice fiscale sur l’IR peut dégager une marge supplémentaire de pouvoir d’achat pour les ménages, notamment les classes moyennes et celles à bas revenus. Nous appellerons donc le gouvernement à revoir le barème de l’IR pour baisser la pression fiscale sur les classes moyennes », indique-t-il.

Le gouvernement Akhannouch sera aussi interpellé, nous disent nos sources, sur les engagements pris par les derniers gouvernements, notamment celui de l’alignement du Smag (salaire minimum agricole) sur le Smig, un engagement, selon Khalid Houir Alami, du gouvernement El Fassi, mais qui n’a jamais été appliqué.

« Le gouvernement Akhannouch est responsable des engagements pris par les anciens gouvernements, principe de continuité de l’Etat oblige. On ne peut pas donc faire table rase des engagements passés », souligne le secrétaire général adjoint de la CDT.

La sauvegarde de l’emploi dans le contexte de la crise du Covid

Deuxième sujet crucial qui sera débattu : la situation de l’emploi dans ce contexte de reprise post-Covid. Et sur ce point, les syndicalistes en ont gros sur le cœur.

« L’Etat a aidé énormément d’entreprises et de secteurs dans cette crise. Mais l’impact sur l’emploi n’a pas été ressenti, bien au contraire. Certaines entreprises n’ont pas respecté leurs engagements, et les aides qui doivent bénéficier à l’entreprise pour lui permettre de reprendre, mais aussi sauvegarder l’emploi, ne sont pas allées là où il faut », martèle Khalid Houir Alami.

Pour Miloudi Moukharik, des négociations sectorielles doivent êtres ouvertes, car « si la pandémie a eu certes un impact global sur l’économie, certains secteurs en ont bénéficié, comme l'industrie pharmaceutique, la grande distribution, les télécoms… ». Et ces secteurs ne doivent pas s’inscrire, selon lui, dans le même cadre que ceux ayant été réellement frappés par la crise.

Libertés syndicales et implications dans les grandes réformes

Autre question qui fera l’objet du dialogue social qui s’ouvrira à partir de demain : les libertés syndicales.

« Depuis l’ère Benkirane, beaucoup de travailleurs ont été licenciés, poursuivis et condamnés pour leur appartenance syndicale. Le gouvernement actuel doit veiller au respect des libertés syndicales. Et nous allons poser cela sur la table », nous indique Miloudi Moukharik.

Quatrième point : l’implication des syndicats dans les grands chantiers de réforme comme celui de la généralisation de la protection sociale ou encore la réforme du secteur public.

Dernier sujet sur la liste : le vaste chantier de la revue du statut du fonctionnaire. Et sur ce point, aussi bien l’UMT que la CDT s'accordent sur le fait que ce dossier ne doit pas être traité au niveau du chef de gouvernement, mais faire l’objet de négociations sectorielles.

« La démarche que nous avons entreprise avec le ministre de l’Education a été bonne et fructueuse. Nous voulons la généraliser pour les autres secteurs. Car on ne peut pas traiter par le haut tous les départements, sachant que chaque secteur de la fonction publique a ses propres spécificités », conclut Miloudi Moukharik.

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