Steve O’Hana : nos objectifs, la non double imposition entre le Maroc et Israël et le libre-échange

ENTRETIEN. Un an après la reprise des relations entre les deux pays, Médias24 a sollicité le président du conseil d’affaires Maroc-Israël pour en savoir plus sur les acquis et les opportunités d’avenir. Eclairages et détails avec Steve O’Hana.

Steve O’Hana : nos objectifs, la non double imposition entre le Maroc et Israël et le libre-échange

Le 23 décembre 2021 à 9h41

Modifié 5 mai 2022 à 16h57

ENTRETIEN. Un an après la reprise des relations entre les deux pays, Médias24 a sollicité le président du conseil d’affaires Maroc-Israël pour en savoir plus sur les acquis et les opportunités d’avenir. Eclairages et détails avec Steve O’Hana.

Médias24 : Créé en mars 2021 à l’initiative de la CGEM et de l’IEBO (Israeli Employers Business Organization), quel est le rôle exact du conseil d’affaires Maroc-Israël que vous présidez ? Qu’a-t-il apporté en neuf mois ?

Steve O'Hana : Le rôle du conseil d’affaires Maroc-Israël est de créer des synergies entre les communautés d’affaires marocaine et israélienne, et de faciliter le développement de partenariats commerciaux et d’investissements porteurs de croissance pour les entreprises des deux pays.

Concrètement, le conseil d’affaires permet aux acteurs économiques israéliens d’avoir accès, de manière coordonnée et ciblée, aux 90.000 entreprises membres de la CGEM, dont une bonne partie a manifesté son intérêt pour le marché israélien, et vice versa.

Pour atteindre les objectifs que je viens de mentionner, nous avons, dans un premier temps, défini avec le patronat israélien les secteurs d'intérêt commun. Il s’agit, notamment, de l'agriculture, l’énergie, l’eau, l’industrie, le tourisme, l’éducation, les nouvelles technologies, sans oublier le commerce.

Ensuite, nous avons organisé des rencontres en distanciel pour familiariser les patrons de part et d'autre avec les climats des affaires marocain et israélien et présenter les opportunités à saisir.

Nous sommes actuellement en train de développer une plateforme électronique de mise en relation. Elle sera accessible à toutes les entreprises et servira à fournir aux investisseurs les informations et les contacts nécessaires. Nous avions également prévu l’organisation de forums d’affaires et de B2B à Tel Aviv et à Casablanca, mais la pandémie en a décidé autrement. Ils seront reprogrammés dès que la situation le permettra.

Pour dire qu’en neuf mois, nous avons mis en place un socle qui permettra de générer un courant d’affaires important dès que les conditions seront réunies, sachant que cette dynamique date d’un an à peine.

- Depuis la signature de l'accord trilatéral, où en est le cadre juridique pour investir dans les deux pays ?

- Pour l’instant, le cadre juridique est encore à l’étude, sachant que l’objectif est de parvenir à une loi de non double imposition ainsi qu’à un accord de libre-échange.

-Vous avez récemment qualifié le Maroc de destination d’investissement parmi les plus attrayantes au monde. Pourquoi le Royaume intéresserait les hommes d’affaires israéliens ?

- Effectivement, le Maroc est aujourd’hui l’une des destinations d’investissement les plus intéressantes et les plus fiables. La gestion de la crise du Covid-19 a également révélé plusieurs atouts dont le Maroc dispose. Situé en Afrique et à 15 kilomètres de l'Europe, jouissant d’une stabilité politique et macroéconomique reconnues à l’international, le Maroc peut aussi offrir aux investisseurs un capital humain des plus compétitifs et des plus qualifiés, une infrastructure de classe internationale, l’accès à une soixantaine de marchés grâce à ses ALE, mais aussi un cadre de vie particulièrement agréable.

Sous un autre aspect, le Maroc est une terre de tolérance inter-religieuse, de paix et de vivre ensemble. Je souhaite, à ce titre, rendre un vibrant hommage à Sa Majesté le Roi, que Dieu le Glorifie, pour son action d’exception en faveur de la culture juive marocaine. Le Royaume du Maroc se distingue aussi par le fait que la composante hébraïque est citée dans le préambule de la constitution, et par la restauration des sites culturels et religieux juifs faite à l'initiative de notre Souverain.

Enfin, compte tenu du lancement prochain de la ligne directe Casablanca-Tel Aviv, nous ne serons plus qu’à 4h30 de vol.

- Selon vous, comment peut-on booster le business de manière équitable entre les deux pays, sachant qu’Israël, dont les investisseurs sont présents dans le monde entier, dispose d’une grande longueur d’avance sur le Maroc ?

- Les investisseurs marocains sont aussi présents dans le monde entier dans plusieurs secteurs stratégiques. Pour booster le business entre entrepreneurs marocains et israéliens, il est essentiel de capitaliser sur nos complémentarités. Nous avons beaucoup de choses à apprendre des Israéliens et réciproquement.

- Le Royaume n’a-t-il pas à craindre une hégémonie commerciale israélienne et une balance des échanges largement déficitaire en sa défaveur ?

- Cette question peut se poser par rapport à n’importe quel pays avec qui le Maroc entretient des relations commerciales. Pour éviter une situation de déficit commercial, il faut que les pouvoirs publics continuent à encourager l'intégration sectorielle des filières productives nationales, afin de construire une offre exportable marocaine compétitive, et à accompagner les opérateurs nationaux dans leur implantation à l’étranger.

Il est également important que le Maroc dispose d’une politique d’ouverture qui veille à l’équilibre de la balance commerciale et de l'intérêt de la production nationale. D’autant qu’un déficit commercial n’est pas forcément mauvais signe s’il se traduit par des investissements générateurs d’emplois et de valeur ajoutée.

- À ce propos, que peuvent vendre concrètement les entreprises marocaines aux Israéliens ?

- Pour répondre à votre question, je dirai que le compteur vient de démarrer.

- Y a-t-il des secteurs qui peuvent justifier de grands investissements israéliens au Maroc, à l’image des constructeurs automobiles ou aéronautiques déjà présents dans le Royaume ?

- Oui, les secteurs où Israël possède un vrai savoir-faire, comme l’eau, l’agriculture, la technologie, l’industrie pharmaceutique ou encore le domaine médical.

À titre d’exemple, la société pharmaceutique TEVA, numéro un mondial du médicament générique, pourrait envisager une implantation au Maroc pour desservir le continent africain en partenariat avec les acteurs marocains. Je pourrai aussi citer Amwell, leader dans la télémédecine, qui a déjà entamé des discussions avec certains organismes de santé marocains pour établir un partenariat. Il existe également des opportunités à saisir dans le secteur de l’agroalimentaire, notamment au vu des particularités communes entre le halal et le casher.

- Comment attirer des businessmen israéliens sur des technologies dont le Maroc a véritablement besoin, comme par exemple l’eau et l’agriculture ?

- Le Maroc dispose de plusieurs atouts lui permettant de devenir un leader régional en matière de technologies, comme la qualité des jeunes talents et celle des Marocains du monde qui veulent contribuer au développement de leur pays, mais aussi des universités tournées vers la recherche appliquée comme l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), ainsi qu'un écosystème de start-up bien installé.

Le Maroc doit capitaliser sur ces avantages pour se positionner en tant que pays d’innovation, et non comme une destination d’outsourcing. La CGEM organise d’ailleurs, en mars prochain, un sommet Maroc-Israël sur l’innovation qui réunira près de 300 chefs d’entreprise des deux pays. Cet événement se tiendra tout naturellement à l’UM6P à Benguérir, dont je remercie chaleureusement le président, M. Hicham Habti.

Si nous prenons par exemple le secteur agricole, son développement en Israël s'est fait en grande partie par une coopération importante entre les sociétés de haute technologie et les exploitants agricoles. Ce travail a permis une très forte amélioration des rendements, mais aussi une montée en puissance de la qualité des produits agricoles cultivés.

Tout comme en Israël, l'agriculture au Maroc constitue l'un des piliers de notre économie. Ce secteur est aussi entré, au Maroc, dans une ère de progrès technologique important, notamment dans l'irrigation. Nous observons un très fort intérêt d'entreprises de technologie israéliennes pour la mise en place de partenariats avec des exploitants et groupes agricoles au Maroc, comme nous constatons un fort intérêt de la part d’entreprises technologiques marocaines pour le marché israélien. Nous pensons que ce mouvement va s'amplifier dans les mois et années à venir.

À l'instar du secteur agricole, le secteur de l'eau constitue également selon nous un vivier important de développement de partenariats technologiques entre le Maroc et Israël, en particulier dans les techniques de dessalement et de traitement des eaux usées, Israël étant l'un des leaders mondiaux dans ce domaine.

- Selon vous, le potentiel d’investissement israélien peut-il être estimé en millions ou en milliards de dollars ?

- Les hommes d’affaires israéliens sont avertis et pragmatiques. Ils seront séduits en fonction du cadre juridique, des incitations fiscales, notamment en matière d’encouragement à l’innovation, et des mécanismes de financement que le Maroc pourrait leur offrir.

 - A terme, les deux pays vont-ils se diriger vers la signature d’un accord de libre-échange ?

- Un accord de libre-échange faciliterait grandement les échanges et les investissements, et constituerait un socle de développement pérenne. En tant que chefs d’entreprise, nous souhaitons vivement voir cet accord se concrétiser si l’ensemble des conditions sont réunies.

- Peut-on déjà avoir des noms d’entreprises marocaines et israéliennes sur les rangs pour investir de part et d’autre ?

- Des investissements ont été initiés et concrétisés. Les entreprises concernées communiqueront elles-mêmes sur leurs projets si elles le souhaitent.

- Sachant que la communauté d’origine marocaine est estimée à 800.000 personnes, faut-il s’attendre, à l'issue de la crise sanitaire, à une explosion des arrivées de ces touristes, ou même de tous les Israéliens ?

- Le Maroc a toujours été reconnu comme une destination privilégiée par les touristes du monde entier. De ce fait, il est important que le Maroc mette tout en œuvre pour relancer ce secteur actuellement en grande difficulté en raison de la crise du Covid-19, et pour continuer à attirer des voyageurs de tous pays confondus.

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