La nouvelle naissance du PAM qui s'est débarrassé du legs d’Ilyas El Omari

En se maintenant comme deuxième force politique du pays, malgré le changement de dernière minute de direction, de ligne et de discours politique, le manque de moyens par rapport à 2016, le départ de plusieurs de ses candidats, et surtout la prise de distance affichée avec l’Administration, le tracteur a réussi enfin à se donner une légitimité populaire. Une grande victoire pour Abdellatif Ouahbi et une deuxième défaite pour l’ex-chef du parti, Ilyas El Omari.

Abdellatif Ouahbi

La nouvelle naissance du PAM qui s'est débarrassé du legs d’Ilyas El Omari

Le 12 septembre 2021 à 9h16

Modifié 16 septembre 2021 à 13h24

En se maintenant comme deuxième force politique du pays, malgré le changement de dernière minute de direction, de ligne et de discours politique, le manque de moyens par rapport à 2016, le départ de plusieurs de ses candidats, et surtout la prise de distance affichée avec l’Administration, le tracteur a réussi enfin à se donner une légitimité populaire. Une grande victoire pour Abdellatif Ouahbi et une deuxième défaite pour l’ex-chef du parti, Ilyas El Omari.

Dans ces élections, le PAM n’a pas gagné la première place aux législatives, malgré la certitude affichée durant la campagne par son secrétaire général, Abdellatif Ouahbi, qui déclarait que la victoire du PAM n’est pas seulement acquise, mais relève de l’évidence.

En récoltant 87 sièges, soit 15 sièges de moins qu’en 2016, il a été dépassé par son concurrent direct le RNI qui a fait carton plein avec 102 sièges.

Arithmétiquement parlant, le PAM n’a pas donc gagné ces élections, mais il en est sorti vainqueur politiquement. Et il ne s’agit pas d’une victoire symbolique, mais d’un grand exploit, une grande évolution pour le parti, et pour le paysage politique du pays.

Le tracteur débarrassé de son péché originel

Son maître d’œuvre, c'est Abdellatif Ouahbi, cet ex-militant de gauche, fils de Taroudant, qui a tout chamboulé dans le parti et réussi l’impensable : effacer le péché originel qui collait jusque-là au PAM, lui donnant désormais une vraie légitimité politique. Le tout en un temps record, Ouahbi n’ayant eu que 20 mois (il a été élu à la tête du parti le 9 février 2020) pour infléchir la ligne du parti, produire un nouveau discours, afficher sa prise de distance avec l’Administration, et son envie de reconstruire de nouvelles relations avec l’ensemble des partis et de devenir un parti normal, comme les autres.

Et c’est là où réside ce grand succès réalisé par le PAM, qui était vu, jusque là, comme un parti né par procréation médicale assistée (PMA pour les intimes), et dopé par le soutien de l’Administration pour réaliser un objectif précis : barrer la route aux islamistes et dérouler la ligne politique et sociétale voulue par certains milieux au pouvoir. Une image que Abdellatif Ouahbi a réussi à effacer, en démontrant ce mercredi 8 septembre, que le PAM est une réelle force politique, ancrée dans la société, et qu’il n'a surtout pas besoin d’user des méthodes d’antan pour s’imposer dans le paysage politique.

Un virage que beaucoup croyaient suicidaire, mais que le SG du parti a défendu bec et ongles, avec une éloquence presque Benkiranienne, d’abord pour son élection à la tête du parti, puis tout au long des 20 premiers mois de son mandat, allant jusqu’à pactiser avec les islamistes, les ennemis jurés du PAM dans sa première version.

Une ligne et un nouveau discours qu’il n’a pas non plus eu assez de temps pour bien installer, contrairement à un Aziz Akhannouch qui a eu plus de 4 années pour réorganiser ses troupes, construire une nouvelle ligne, un nouveau programme et aller à la rencontre des citoyens pour les mobiliser autour de son nouveau projet. Idem pour l’Istiqlal, troisième force politique du pays, dont le nouveau secrétaire général, Nizar Baraka, a bénéficié de ce même facteur temps (élu SG depuis octobre 2017) pour faire oublier l’ère Chabat et ramener l’Istiqlal vers ses fondamentaux, remédier à la pagaille organisationnelle héritée de son prédécesseur et construire une nouvelle ligne et de nouvelles méthodes de faire pour se replacer correctement sur l’échiquier politique.

Ce confort du temps, le PAM ne l’a pas eu. Et pourtant… Il s’est maintenu et s’est imposé comme deuxième force politique du pays, après le RNI. Malgré les 16 sièges perdus…

Le PAM, première victime du nouveau quotient électoral

Un point que partage le géographe et analyste politique David Goeury qui nous déclarait au lendemain des élections que « le PAM a fait preuve d’une très grande résistance (…) en misant sur la continuité avec des candidats qui connaissent le terrain », tout en évitant de qualifier son recul en nombre de sièges de défaite : « Je pense que le PAM a sans doute au moins le même nombre de voix qu’en 2016. Donc en fonction de cela on pourra qualifier sa situation : défaite ou dépassement par le RNI ».

Le politologue Mustapha Sehimi ne dit pas autre chose. Pour lui, le PAM « a fait la surprise en arrivant deuxième aux législatives ».

« Le PAM a limité les dégâts puisqu’il traverse une situation difficile liée à la démission de son ancien secrétaire général, Ilyas El Omari ; à la crise qui s’en est suivie ainsi qu’à la démission de son successeur Hakim Benchemach ; aux divisions internes au sein du parti ; mais aussi au fait qu’une vingtaine de ses députés, au moins, ont été des transhumants qui sont allés vers le RNI », explique M. Sehimi, signalant toutefois que le parti a perdu des sièges par rapport à 2016.

Un recul en nombre de sièges (15 de moins par rapport aux 102 sièges de 2016) qui n’est pas dû selon l’élu PAM Mehdi Bensaid au changement de la ligne politique du parti, mais aux nouvelles règles électorales.

« Dans ces 15 sièges perdus, il y avait entre autres des sièges de la liste nationale qui a été supprimée. En plus, dans les circonscriptions où on avait obtenu en 2016 plus d’un siège, il était devenu aujourd’hui quasi impossible de rééditer le même résultat du fait du nouveau quotient électoral. Nous avons été en vérité les premières victimes du changement du quotient électoral », affirme le jeune élu de Rabat-Océan, qualifiée de « circonscription de la mort ».

Ces élections sont pour toutes ces raisons une sorte de nouvelle naissance du tracteur. Un parti qui n’est plus sous perfusion et qui gagne désormais une légitimité populaire et politique.

« C’est effectivement une deuxième naissance. On a une légitimité populaire aujourd’hui, avec des gens qui sont attachés au parti. Je l’ai senti moi-même dans ma campagne. C’est quelque chose qui nous a marqués et qui nous inspire pour continuer dans cette voie et travailler encore plus dans l’intérêt du citoyen », signale Mehdi Bensaid.

La deuxième mort de Ssi Ilyas

Et c’est selon lui le fruit du travail et de la nouvelle doctrine de Abdellatif Ouahbi, mais aussi de Fatima- Zahra Mansouri, présidente du Conseil national du parti, ainsi que d’autres figures de la formation politique.

« C’est le fruit d’un travail d’équipe, d’un collectif qui était convaincu que l’on peut se passer des méthodes d’avant. C’est très simple. Il faut juste travailler de bon cœur avec les Marocains. Les Marocains le ressentent. Je fais partie de ceux qui ont toujours défendu cette ligne de conduite, et elle a fonctionné aujourd’hui. Et on va davantage l’exploiter dans les prochaines échéances, et accompagner les citoyens dans toutes leurs problématiques. A partir du mois d’octobre, quand cette phase de négociations, de composition des alliances locales, régionales et nationales s’achèvera, on passera au travail. Et on va institutionnaliser cette ligne. Le parti a fonctionné jusque-là avec un bureau politique provisoire, car nous n’avons pas eu le temps de réorganiser nos structures. La pandémie ne nous a pas aidés non plus. Un travail de réorganisation sera aussi entamé au niveau interne… », indique Mehdi Bensaid.

Si cet acte du 8 septembre peut être considéré comme une nouvelle naissance du PAM, il est aussi en quelque sorte une deuxième mort pour Ilyas El Omari, l’ancien SG du parti, mort une première fois après les élections de 2016 et son échec à déloger Abdelilah Benkirane, et une seconde fois, ce mercredi 8 septembre 2021, par la démonstration faite par la nouvelle équipe dirigeante du parti que « la méthode Ilyas » n’est pas forcément nécessaire pour décrocher le vote des électeurs.

Une mort que les résultats globaux obtenus par le parti au niveau des législatives, des communales (6.210 sièges, derrière le RNI qui en a obtenu 9.995) et des régionales (143 sièges derrière l'Istiqlal et ses 144 sièges et le RNI et ses 196 sièges) confirment (en attendant d'avoir le total du nombre de voix obtenus, donnée non encore disponible). Mais aussi le profil des nouveaux élus du parti qui sont différents de ceux qui étaient jusque-là en place.

Certains, la majorité, sont toujours les mêmes, malgré le départ de plus de 20 élus PAM chez d’autres partis avant le début de la campagne, notamment au RNI. Mais beaucoup sont des visages nouveaux, qui sont élus pour la première fois.

« Le départ de nos élus avant les élections est quelque chose de normal. Mais on les a remplacés par des jeunes et des moins jeunes, membres et militants du parti. Et qui ont réussi dans les communes et les régions des pays. C’est tant mieux pour nous parce qu’on va pouvoir construire avec pour 2026 et les prochaines échéances », commente Mehdi Bensaid, qui nous parle d’un taux de renouvellement des élus compris entre 30 à 40%.

Exemples les plus emblématiques : Adil Benbrahim à Youssoufia, Fatimzahra Bentaleb à Marrakech, Khadija Hajoubi à Fès et d’autres  à Casablanca, Rabat et dans plusieurs autres circonscriptions du pays. Tous des jeunes, de nouvelles figures, des militants du parti, qui accèdent à l’hémicycle pour la première fois.

Une démonstration grandeur nature que le pouvoir d’attraction d’Ilyas El Omari sur les grands notables ruraux, la pression exercée sur les milieux d'affaires, les réseaux de clientèle qu’il a réussi à installer, les gros moyens misés dans les campagnes électorales, et tout le travail de sape contre les autres partis qu’il a réalisé durant son mandat ne servent presque à rien. Sauf à salir l’image du parti et renforcer l’audience de son concurrent direct, le PJD.

L'ère "Ould Zeroual"- la méthode, pas la personne qui elle, a été réélu à la première chambre- cette ère est finie, et c'est tant mieux pour le PAM et pour le pays.

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