Covid. Le cri d'alarme de deux experts: le Maroc n'est pas à l'abri d'une vraie 3e vague

Le Dr Kamal Marhoum El Filali et le Pr Ahmed Rhassane El Adib se montrent rassurants sur l’efficacité du vaccin AstraZeneca, qui semble remise en cause en raison de la forte hausse des cas de contamination au Royaume-Uni. En revanche, ils s’inquiètent de l’arrivée du variant indien au Maroc, alors même que la population a considérablement délaissé l’application des gestes barrières.

Covid. Le cri d'alarme de deux experts: le Maroc n'est pas à l'abri d'une vraie 3e vague

Le 16 juin 2021 à 17h30

Modifié 17 juin 2021 à 12h02

Le Dr Kamal Marhoum El Filali et le Pr Ahmed Rhassane El Adib se montrent rassurants sur l’efficacité du vaccin AstraZeneca, qui semble remise en cause en raison de la forte hausse des cas de contamination au Royaume-Uni. En revanche, ils s’inquiètent de l’arrivée du variant indien au Maroc, alors même que la population a considérablement délaissé l’application des gestes barrières.

Le Royaume-Uni connaît depuis plusieurs jours une hausse du nombre de cas de contaminations au Covid-19 (elles ont été multipliées par trois en trois semaines), d’hospitalisations et de décès, alors même que plus de la moitié de sa population a reçu ses deux doses (77% selon la chaîne de télévision française LCI). Face à cette augmentation, le déconfinement total a été reporté d'un mois.

Une question s’impose : cette hausse des cas de contamination remet-elle en question l’efficacité du vaccin AstraZeneca, utilisé au Royaume-Uni… et au Maroc ?

Pas vraiment, estime le Dr Kamal Marhoum El Filali, chef de service des maladies infectieuses au CHU Ibn Rochd de Casablanca, joint par Médias24. « Ce n’est pas une véritable remise en cause. On sait très bien qu’un vaccin, quel qu’il soit, en particulier AstraZeneca, ne protège pas à 100% contre le risque d’infection, mais plutôt autour de 70%. Le risque existe donc toujours. Mais la vaccination a un avantage non négligeable : elle réduit le risque de développer une forme grave, sans besoin d’hospitalisation et, même dans le cas où l’hospitalisation deviendrait nécessaire, il n’y aurait pas besoin d’une réanimation », explique le Dr Marhoum El Filali.

Une déclaration qui rejoint celle formulée récemment auprès de Médias24 par le Pr Redouane Abouqal, investigateur principal et coordinateur national des essais cliniques du vaccin de Sinopharm au Maroc. Il nous expliquait en effet que « très peu de vaccins atteignent un tel taux d’efficacité (plus de 70%, en référence au vaccin Sinopharm, ndlr), à l’exception, par exemple, du vaccin contre la rougeole qui atteint 97% d’efficacité. En réalité, beaucoup de vaccins utilisés ne dépassent pas 60% d’efficacité. » « A titre d’exemple, le vaccin de la grippe ne dépasse pas 50% d’efficacité, et pourtant il est largement utilisé. Il n’est pas du tout contesté », précisait-il également.

Le variant indien, principal facteur du rebond épidémiologique au Royaume-Uni

En fait, le principal facteur à l’origine de cette forte poussée des cas de contamination au Royaume-Uni n’est autre que le variant « indien », désormais officiellement appelé « variant Delta ».

Selon une étude publiée lundi 14 juin dans The Lancet, revue scientifique médicale britannique, le variant Delta est désormais la forme dominante des cas de Covid-19 en Écosse, dépassant le variant Alpha (variant britannique). « A l’apparition de ce nouveau variant, il faut ajouter les combinaisons entre plusieurs types de variants. Le Royaume-Uni fait effectivement face à des virus qui sont des combinaisons de plusieurs variants différents. Le risque d’une augmentation des cas est donc bien réel, et ce malgré la vaccination », ajoute le Dr Marhoum El Filali.

« L’augmentation (des cas de contamination au Royaume-Uni) est due au variant indien », confirme de son côté Ahmed Rhassane El Adib, professeur en anesthésie-réanimation au CHU Mohammed VI de Marrakech, contacté par Médias24. « Le vaccin AstraZeneca est un peu moins efficace face à ce variant, mais il entre toujours dans les critères », dit-il. Comprendre : il n’empêche pas la contamination, mais diminue le risque de développer des formes sévères.

Toujours selon l’étude publiée dans The Lancet, le variant Delta est associé à un risque d’hospitalisation multiplié par deux par rapport au variant Alpha. « C’était attendu ; cela ne nous étonne pas. Ce sont les variants et leur évolution », commente le Pr El Adib. L’étude indique également que « le vaccin Oxford-AstraZeneca offre une protection de 60% contre l’infection par le variant Delta, contre 73% pour le variant Alpha. Cet effet vaccinal plus faible peut refléter le fait qu’il faut plus de temps pour développer une réponse immunitaire avec Oxford-AstraZeneca ». Plus loin, l’étude affirme que « deux doses de vaccin permettent toujours une forte protection contre le variant Delta, mais peut-être à un niveau inférieur par rapport au variant Alpha, selon les premiers résultats ».

La réouverture des frontières, une porte d’entrée au variant indien

En cette période de relance économique et de réouverture des frontières, tout l’enjeu est de préserver l’équilibre de la situation sanitaire. Encore faut-il que la population prenne sa part de responsabilité dans le maintien de cet équilibre, en appliquant les gestes barrières. Or depuis plusieurs mois déjà, elle a considérablement tourné le dos à ces mesures.

Ce relâchement quasi-général pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l’évolution de la crise sanitaire au Maroc, prévient le Dr Marhoum El Filali. « Le Maroc est face à deux impératifs : limiter la propagation du virus et redémarrer une économie en grande souffrance. Les autorités profitent justement de cette accalmie épidémiologique pour relancer l’économie. La situation est maîtrisée, mais jusqu’à quel point ? Si la population continue de ne pas appliquer les gestes barrières, on court à la catastrophe. Elle a donc tout intérêt à prendre les mesures de protection nécessaires pour ne pas revenir à la case départ et contraindre les autorités à réimposer des mesures plus drastiques. »

La population ne prend pas en compte la gravité de la situation et le risque que fait encourir la réouverture des frontières

Dans le protocole sanitaire relatif aux voyages internationaux, le ministère de la Santé note d’ailleurs que « la reprise des voyages internationaux et la relance du tourisme constituent une prise de risque non négligeable de recrudescence épidémique, qui vient s’ajouter à celui engendré par la levée des restrictions sur les rassemblements et les déplacements, qui étaient imposés au mois de ramadan ».

Le Pr Adib, lui, se montre sceptique, et surtout extrêmement prudent, sur l’évolution de la crise sanitaire au Maroc : « La population marocaine ne prend pas en compte la gravité de la situation et le risque que fait encourir la réouverture des frontières. Elle pense que tout est gagné, alors que rien n’est gagné ; rien n’est pleinement acquis. Cette réouverture va faire entrer les variants, c’est évident. Si les gestes barrières ne sont pas à nouveau intégrés par la population, une prochaine vague apparaîtra. Elle n’aura peut-être pas de répercussions sur le système de santé, mais elle obligera les autorités à revenir à des mesures restrictives. » Une référence aux Seychelles, "dont le système de santé n’a pas souffert au moment de la recrudescence importante des cas, mais dont les autorités ont été obligées de prendre des mesures contraignantes. Même chose pour le Royaume-Uni, qui a reporté de quatre semaines la date du déconfinement total. Avec le peu d’immunité collective que nous avons atteint et la réouverture des frontières, on n’est pas à l’abri d’une vraie troisième vague. Il faut vraiment être extrêmement vigilant, et cette responsabilité n’est pas seulement du ressort de l’État".

Prudence, enfin, sur l’immunité collective. « Les vaccins n’arrivent pas comme prévu. En toute honnêteté, si l’on veut faire une extrapolation optimiste de notre immunité collective, on peut dire qu’on ne dépassera pas la barre des 50%. » Un constat partagé par le Dr Marhoum El Filali : « On est très loin de l’immunité collective. Tout dépend de l’approvisionnement en vaccins, qui fait défaut. S’il y a suffisamment de vaccins, on ira plus vite. S’ils viennent au contraire à manquer, la vaccination connaîtra inévitablement un coup de frein. »

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