Fête du Travail. Un 1er mai sous le signe de la crise et de la colère syndicale

Les travailleurs fêtent un deuxième 1er mai sous le signe du confinement. Pas de sit-in, de marches ou de rencontres physiques. Mais la colère des syndicats est à son maximum selon les avis recueillis par Médias24, face à un gouvernement, disent-ils, qui a enterré le dialogue social et reste spectateur devant "les dérives du secteur privé contre les salariés".

Réunion de dialogue social le 25 avril 2019

Fête du Travail. Un 1er mai sous le signe de la crise et de la colère syndicale

Le 29 avril 2021 à 17h58

Modifié 29 avril 2021 à 18h43

Les travailleurs fêtent un deuxième 1er mai sous le signe du confinement. Pas de sit-in, de marches ou de rencontres physiques. Mais la colère des syndicats est à son maximum selon les avis recueillis par Médias24, face à un gouvernement, disent-ils, qui a enterré le dialogue social et reste spectateur devant "les dérives du secteur privé contre les salariés".

A la veille du 1er mai, fête des travailleurs, l’ambiance est terne chez les principales centrales syndicales du pays. Selon leurs responsables, depuis l’installation du gouvernement El Othmani, les 1er mai se suivent et se ressemblent. Et aucune avancée n’a été enregistrée dans cette mandature en faveur de la classe des travailleurs. Une situation que la crise de la Covid-19 et son impact sur l’emploi et les conditions de travail est venue assombrir davantage. Cela étant dit, le gouvernement rappelle de temps en temps le coût du précédent dialogue social pour les finances publiques en 2019, 2020 et 2021. Mais les syndicats aujourd'hui axent leur discours sur autre chose et notamment les abus commis par des entreprises à l'ombre de la pandémie.

"El Othmani a enterré le dialogue social"

"Avec Benkirane, on arrivait plus ou moins à tenir le dialogue social. Mais El Othmani l’a complètement enterré", dénonce Khalid Houir Alami, secrétaire général adjoint de la CDT.

Même son de cloche au niveau de l’UMT, qui signale dans un appel lancé à l’occasion du 1er mai, « la mort du dialogue social », dont la séance habituelle qui devait se tenir en avril n’a pas eu lieu, pointant directement du doigt le Chef du gouvernement qui, selon la centrale, n’a pas respecté ses engagements.

La dernière séance officielle de dialogue social remonte selon nos sources syndicales à avril 2019. Un round qui a été assez spécial et qui n’a abouti à rien.

« Nous avons tenu des séances de dialogue social en 2019, mais ce n’était pas à l’initiative du Chef du gouvernement, en fait celle du ministre de l’Intérieur. Ce qui est une première. C’est avec le ministre de l’Intérieur que nous avons négocié, le Chef du gouvernement s’est contenté de nous recevoir à la fin du dialogue pour passer à la signature de l’accord. Un accord que nous n’avons de toute évidence pas signé, puisqu’aucune de nos revendications n’a été prise en compte », pointe M. Houir Alami.

A l’UMT, le ton est encore plus critique. Un responsable de la centrale nous indiquant "que l'on peut comprendre qu’un round de dialogue soit sauté, mais nous ne comprenons pas comment le gouvernement peut faire ça, deux années de suite, dans le contexte actuel. Un contexte de crise qui a frappé de plein de fouet les travailleurs, créé une crise sociale, avec notamment le licenciement abusif par les entreprises du secteur privé de centaines de milliers de personnes, sans le moindre respect des procédures du Code du Travail », tonne-t-il.

Des personnes qui se sont retrouvées, selon notre source, dans la précarité totale en l’absence de filets sociaux. Situation à laquelle le gouvernement est accusé de n’accorder aucune attention.

Dans son appel diffusé à grande échelle, l’UMT dénonce de manière vigoureuse cette attitude du gouvernement, qui selon la centrale « reste spectateur devant les agissements du secteur privé, et est complètement aligné sur les positions et les politiques du patronat qui profite du contexte de crise pour régler ses comptes avec un certain nombre de salariés, dont essentiellement le personnel syndiqué. Et ce, en usant soit de licenciements individuels abusifs soit de plans massifs de départs sans le moindre respect des procédures du Code du Travail».

Le responsable de la CDT nous signale également que même le dialogue avec la CGEM est à l’arrêt. «Le système de médiation que nous avions installé avec la CGEM ne fonctionne plus, sachant qu’on est dans une période où il y a beaucoup de conflits sociaux. Surtout dans des secteurs comme le textile et le tourisme », s’alarme-t-il.

Loi sur la grève et Code du Travail : le blocage persiste…

De manière concrète, et au-delà des slogans, nos sources syndicales nous signalent qu’il n’y a eu aucun avancement sur les principaux dossiers sur la table actuellement.

Ainsi, la dernière augmentation du SMIG qui devait être faite en juillet dernier n’a pas été respectée. Certaines entreprises, notent nos sources, l’ont appliquée. Mais la grande majorité a ignoré cet engagement. Des entreprises qui sont « hors la loi », selon Khalid Houir Alami, « sans la moindre réaction du gouvernement ». « Et qui continuent pourtant de bénéficier des aides de l’Etat », ajoute-t-il.

L’alignement des SMIG et SMAG, convenu en 2011, n’a pas été exécuté non plus. Idem, nous dit-on, pour les indemnités accordées aux fonctionnaires qui travaillent dans les zones reculées.

Même constat pour des dossiers structurants comme le projet de loi sur la grève ou encore la réforme du Code du Travail, deux chantiers majeurs qui restent bloqués à ce jour.

Un blocage dont le gouvernement et le patronat disent qu’il est la faute des syndicats. Accusation que ces derniers réfutent.

« La loi sur la grève est bloquée au Parlement. Et les points de blocage, qui sont connus, doivent être justement réglés dans le cadre du dialogue social. Or, ce dialogue est à l’arrêt. Et ce n’est pas nous qui l’avons arrêté, mais bien le gouvernement. On ne peut pas accepter qu’un tel dossier soit discuté avec le seul ministre du Travail, qui a une approche assez particulière du dialogue, puisqu’il reçoit les syndicats de manière individuelle et évite de nous réunir tous autour de la même table », rétorque Khalid Houir Alami.

Même réponse de notre source à l’UMT, qui pense que si ce dossier traîne, c’est à cause « de l’entêtement du gouvernement qui refuse de prendre en compte les remarques des centrales syndicales ». « Et croit qu’il peut faire passer le projet grâce à sa majorité ». « Le projet de loi est au Parlement. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement qui a la majorité de le faire passer ? », s’interroge-t-il.

Khalid Houir Alami estime à ce sujet que cette "attitude hautaine" du gouvernement El Othmani ne le conduira nulle part, « car le Chef du gouvernement a perdu tout simplement sa majorité, comme on l’a vu avec le dossier du quotient électoral. Il ne peut donc nous tenir responsable de son propre échec politique », explique-t-il.

Même griefs sur le dossier du Code du Travail dont la réforme est bloquée pour la même cause. Depuis les avancées réalisées sur ce dossier en 2005 avec l’adoption du projet à la première chambre, du temps où Abbas El Fassi et Mustapha Mansouri se sont relayés sur le ministère de l’Emploi, aucune avancée n’est à signaler sur ce dossier.

« Le gouvernement actuel veut réformer ce Code, mais refuse que ça se fasse dans le cadre du dialogue social. Le Chef du gouvernement nous parle de simples consultations avant l’adoption du projet au Parlement. Or, c’est un sujet qui doit être discuté de manière formelle et réunir autour de la même table le gouvernement, le patronat et les syndicats. Une approche que le gouvernement refuse d’adopter, car il pense avoir la majorité au Parlement et peut donc faire passer ce qu’il veut. Ce qui n’est évidemment pas le cas », explique Houir Alami.

Élargissement de la protection sociale : les syndicats dénoncent leur exclusion

Autre sujet de discorde soulevé par les syndicalistes : leur non-implication dans le CVE, mais surtout dans le chantier de l’élargissement de la protection sociale initié par le Roi. « Une faille » que pointent notamment l’UMT, mais aussi la CDT, considérant que ce dossier ne peut être géré de manière unilatérale, car il implique de manière directe les travailleurs.

Pour eux, ce projet royal a été une excellente initiative pour répondre à cette crise qui a mis à nu les fragilités sociales de la majorité des Marocains. Mais expriment des inquiétudes quant à son exécution, qui incombe au gouvernement.

Des inquiétudes qui concernent deux points : les changements que vont subir certains textes de loi, dont notamment celui de la CNSS, et le financement de ce nouveau système de protection sociale.

A l’UMT comme à la CDT, on exprime la crainte de voir le gouvernement choisir la solution de facilité : financer l’élargissement de la protection sociale en puisant dans les revenus des classes moyennes.

« Nous voulons veiller à ce que ce système ne soit pas construit sur le dos de la classe moyenne et que la solidarité soit élargie aux classes aisées via de nouveaux mécanismes de financement, comme l’impôt sur la fortune ou sur le patrimoine. Nous adhérons au projet dans sa globalité, mais nous avons peur que son exécution soit mal faite », explique le représentant de la CDT, qui affirme que ce projet national ne peut se faire sans l’implication directe des représentants des employés et des travailleurs.

Des points et des revendications, en somme, qu’il faudra discuter avec le prochain gouvernement…

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