Charité à la veille des élections : le RNI sur la sellette

Accusé par plusieurs partis politiques de mener une campagne électorale prématurée, via la fondation Joud pour le développement, le RNI est au cœur d'une polémique sur le phénomène charité/élections, avec des accusations de la part de ses concurrents politiques. Round up.

Charité à la veille des élections : le RNI sur la sellette

Le 25 avril 2021 à 20h48

Modifié 26 avril 2021 à 9h18

Accusé par plusieurs partis politiques de mener une campagne électorale prématurée, via la fondation Joud pour le développement, le RNI est au cœur d'une polémique sur le phénomène charité/élections, avec des accusations de la part de ses concurrents politiques. Round up.

Au cœur d’une polémique depuis quelques jours, le RNI est accusé d’instrumentaliser la fondation Joud pour le développement pour faire adhérer au parti, à leur insu, les bénéficiaires de ces opérations de charité.

Les réactions des partis politiques se succèdent. Certains décrivent cette fondation comme étant “un problème politique” et un “scandale”, d’autres appellent à un arrêt de ses activités et à l'ouverture d'une enquête, suite aux témoignages de citoyens, relayés à travers une vidéo de AlJarida24.ma publiée en décembre 2020.

Samedi soir, un communiqué conjoint de trois partis de l'opposition a encore une fois dénoncé les opérations "de charité marquées" du RNI.

Selon les témoignages relayés par cette vidéo, des personnes, probablement membres du RNI ou se réclamant de ce parti, dans la circonscription de Aïn Chock à Casablanca, ont promis à de nombreuses personnes des paniers alimentaires et, pour cela, ont recueilli leurs données ou les copies de leurs CIN. Ces personnes ont certes, par la suite (à un moment qui n'est pas précisé), reçu des paniers alimentaires. Mais celles qui se sont exprimées dans la vidéo ont déploré avoir reçu également une carte d'adhésion au parti, accompagnée d'une lettre du coordonnateur du RNI à Ain Chok, Chafik Benkirane.

Ces personnes se sont donc trouvées adhérentes à un parti sans l'avoir jamais demandé. Des données personnelles ont été collectées. Enfin, Joud s'est présentée comme une fondation, sans obligatoirement déclarer agir au nom d'un parti politique, ou en tous les cas pas d'une manière suffisamment explicite, si l'on en croit les témoignages de la vidéo.

Cela étant, la vidéo ci-dessus n'était pas une opération spontanée mais organisée: on voit bien que les "victimes" étaient toutes réunies au même endroit et qu'au moins un autre média était invité à recueillir les témoignages.

Les virulentes réactions de leaders de partis politiques ont poussé Aziz Akhannouch et la fondation Joud pour le développement à s’exprimer, respectivement via une vidéo et un communiqué, pour réagir aux accusations qui les “surprennent” et pour mieux expliquer les activités de la fondation qui ne se limitent pas qu'aux actions caritatives.

Des membres du RNI ont également partagé sur leurs pages une vidéo dans laquelle les supposés victimes de la première vidéo se rétractaient et indiquaient avoir témoigné sous la pression de partis concurrents.

“La fondation Joud existe depuis 5 ou 6 ans”

Sur les réseaux sociaux, ses premières publications datent de 2019. Sur son site web, aucune information sur son historique de création n’est indiquée. Médias24 a tenté, en vain, de joindre la fondation pour lever le doute sur la structure qui porte l'initiative, ainsi que sur sa véritable date de création qui semble récente.

Néanmoins, Aziz Akhannouch a indiqué, dans sa vidéo de réponse, qu’ il s’agit d’une “fondation privée”, qu'il a eu "l'honneur de développer avec un certain nombre de contributeurs et de bienfaiteurs" et qui existe depuis “5 ou 6 ans”.

De son côté, Lahcen Es-Saady, président de la fédération nationale de la jeunesse du RNI, a affirmé que la fondation Joud est une “organisation indépendante qui n’a aucun rapport avec le parti”.

Selon Akhannouch, “Joud est une fondation de solidarité qui agit dans tous les domaines et au niveau de tout le territoire marocain. Elle agit avec une centaine d’associations et ces dernières travaillent avec des dizaines d’autres associations sur le terrain, sur une centaine de projets importants et qui portent sur des activités diverses, dont l’accès au monde rural, comme les pistes, l’eau potable, les routes, la construction de classes, l’enseignement primaire, les salles dans lesquelles se réunissent les femmes pour être formées, ainsi que la santé et les caravanes médicales etc. La fondation Joud participe au financement de tout ceci”.

En effet, les activités de la fondation ne se limitent pas à la distribution de paniers alimentaires, puisque, à titre d'exemple, l'opération "éducation à distance" a été mise en place par la fondation, en partenariat avec la chaîne de télévision Al Amazighia et la plateforme d'éducation à distance "Kezakoo".

Cette opération a pour objectif de permettre l'accès à l'éducation à distance pour les élèves des classes "dites charnières" (la 6e année de l'enseignement primaire, le brevet, les terminales scientifiques et économiques).

Dans ce sens, comme l'indique la fondation, "la SNRT inclut, depuis le lundi 6 avril, la diffusion des programmes pédagogiques conçus par Kezakoo, avec le soutien de la fondation Joud, sur la chaîne Al Amazighia et ce, tous les jours de 12h30 à 14h00".

Elle mène également des actions pour le développement territorial, pour la femme, la famille et l'enfance ainsi que des actions artistiques, culturelles et sportives, telles que celles qui vise à fournir des équipements sportifs pour les salles de sport locales, ou encore la mise à disposition de terrains multisports aménagés, sachant que, selon la fondation Joud, "3 terrains sont en cours d'aménagement dans différentes provinces".

La fondation Joud pour le développement a, quant à elle, exprimé sa “surprise” par rapport aux “accusations irresponsables émanant de certaines parties politiques” et par son “assimilation dans un combat politique qui ne la concerne pas”.

Elle invite, par ailleurs, à la découverte de ses activités sur ses réseaux sociaux et son site web, sur lequel elle se présente comme une fondation qui “s’est donnée pour mission la lutte contre la précarité par le biais de l’émancipation citoyenne. Son but ne se limite pas aux aides ponctuelles des personnes en difficulté, nous aspirons par-dessus tout à aider ces personnes à changer de vie en les soutenant durablement”.

Toutes les actions citées au crédit de la Fondation sont certainement vraies. Mais cela ne répond pas aux questions principales, ni aux accusations: la collecte de données personnelles; l'inscription non-volontaire au parti de certains bénéficiaires des paniers alimentaires; les liens entre la fondation et le parti.

PAM, PPS, PI, FGD, USFP: Les partis “condamnent”, “dénoncent” et demandent l’intervention des autorités

Les adversaires du RNI profitent de ces erreurs (ou fautes) pour attaquer le parti. En particulier, ses deux concurrents directs Itiqlal et PAM.

Invité de la fondation Lafquih Titouani, samedi 17 avril, pour réagir aux sujets de société, Abdellatif Ouahbi, SG du PAM s’est exprimé au sujet de la fondation Joud pour le développement qu’il accuse d'être “un problème politique au Maroc” et “le plus grand scandale du pays actuellement”.

Une position que partage le PPS qui a publié un communiqué suite à la réunion hebdomadaire de son bureau politique, tenue le mardi 20 avril. Le parti y “condamne vigoureusement le recours de certaines associations dont “la fondation Joud”, proche d’un parti politique, à l’instrumentalisation politicienne du principe noble de la solidarité” et y voit une intention “d’influencer de manière scandaleuse les citoyennes et citoyens au niveau électoral et partisan”.

Le PPS demande l’intervention des autorités publiques pour “arrêter cette déviation inquiétante” et ainsi “assurer la bonne marche du processus électoral en cours”. Idem pour la FGD qui demande “aux parties concernées, y compris le ministère de l’Intérieur et le wali de la région Casablanca-Settat, d’ouvrir une enquête, pour “mettre fin à ces pratiques contraires aux lois, dont les lois électorales”.

L’Istiqlal appelle quant à lui à l’intervention de la CNDP (commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel) afin de “jouer son rôle de protection des données personnelles des citoyens”.

Pour sa part, Driss Lachgar, premier secrétaire de l’USFP et invité de la Fondation Lafquih Titouani ce mercredi 21 avril, a déclaré que “toute personne qui veut faire de la charité, doit le faire de manière neutre, sous la supervision des autorités. Si cela se transforme en une sorte de corruption électorale et en une sorte de fraude, dans ce cas je vais dénoncer. Mais de ce que j’ai vu, plusieurs partis, dans des provinces différentes, mènent des actions caritatives”.

Le phénomène charité/élections est-il répandu au sein des partis politiques marocains ? S’agit-il d’une stratégie indissociable des campagnes électorales ?

“Ce qui est réprimandé, c’est l’achat de voix”

Selon le chercheur David Goeury, “le secteur caritatif au Maroc est historiquement très important. La société civile s'est fortement mobilisée et continue à se mobiliser davantage dans ce contexte de pandémie. Les fondations et les associations sont très actives et tout particulièrement pendant le mois de Ramadan. Enfin, de nombreux particuliers désirent aider les plus fragiles en dehors de toute visée électorale. Il ne faut pas écarter cette dimension”.

Il distingue entre les actions nationales des fondations royales et les actions locales qui sont “des actions de solidarité qui dépassent le cadre électoral”, car comme le rappelle M. Goeury “les paniers de Ramadan sont distribués par millions tous les ans, par de multiples acteurs de la société civile”.

Là encore, M. Goeury fait le distinguo entre l’achat de voix et les opérations de solidarité de longues durées.

“L’achat de voix est une action à court terme où un intermédiaire ou un candidat offrent de l'argent contre un bulletin de vote. C’est ce qui est réprimandé durant la campagne électorale. C'est différent des actions caritatives ou de développement local de longue durée”, explique-t-il.

Les opérations de solidarité de longue durée sont, quant à elles, menées, soit par “certains candidats qui sont des figures de notabilité; c’est-à-dire qui ont construit leur réputation sur les actions de développement local et sur les aides fournies aux populations précaires de leur localité, parfois sur des générations. Ce profil de candidats se retrouve dans de très nombreux partis comme le RNI, l’Istiqlal, le PAM ou encore le Mouvement populaire, l'Union constitutionnelle mais aussi l'USFP. Grâce à ces réseaux de clientèle, construits dans la durée, ils peuvent mener campagne et gagner les élections”. Soit par des partis militants.

“Ces derniers, tel que le PJD, fonctionnent de façon collective. Il ne faut pas oublier que leur force réside aussi dans le nombre élevé de militants qui sont bénévoles dans des associations de prédication ou caritatives. Beaucoup d'entre eux sont impliqués au quotidien auprès de populations précaires comme les veuves sans ressources”, indique-t-il.

Pour M. Goeury, “on ne peut pas demander aux associations caritatives d’être apolitiques. Cela voudrait dire que certains individus n’ont plus le droit d’avoir un engagement politique. Sachant que la campagne électorale ne dure que quelques semaines tous les 5 ans. On ne peut pas interdire à des candidats de se présenter parce qu’ils mènent des actions caritatives, de développement local, etc.”.

Certes, les opérations de solidarité sont indissociables des actions politiques ou militantes. Mais dans le cas du RNI, à Ain Chok, le problème se situe ailleurs.

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