RSE : l’effort des émetteurs est souligné, mais ils peuvent mieux faire (Institut marocain des administrateurs)

M. Ett. | Le 27/10/2020 à 17:49

L’Institut Marocain des Administrateurs (IMA) a mené une enquête sur les pratiques de gouvernance de 78 émetteurs faisant appel public à l’épargne en se basant sur leurs rapports ESG. Les résultats de cette enquête démontrent que la majorité des sociétés se sont vite adaptées pour répondre aux exigences de l’AMMC en matière d’informations à diffuser. Détails. 

Les émetteurs faisant appel public à l’épargne ont fait preuve d’adaptation face aux exigences réglementaires de l’Autorité marocaine du marché des capitaux en ce qui concerne la publication des rapports ESG. Mais, ils peuvent mieux faire. C’est ce qui ressort des résultats de la 1ère édition du baromètre des rapports ESG des émetteurs publié par l’Institut Marocain des Administrateurs (IMA), en partenariat avec Utopies (agence de conseil en développement durable et think tank) et des commentaires de quelques experts.

L’objectif de ce premier baromètre est de dresser un état des lieux du processus de reporting des informations extra-financières : examiner si les critères minima exigés ont été communiqués (le cas échéant si l’entreprise a mentionné la raison de leur non-disponibilité), et s’ils ont été articulés à la performance financière de l’entreprise.

L’étude a été menée sur la base des critères ESG exigés par l’AMMC dans sa circulaire N° 3/19 relative aux opérations et informations financières, complétés par des recommandations du Code marocain des bonnes pratiques de gouvernance (2008) qui constituait la base des précédentes enquêtes de l’IMA. Pour la collecte des informations, cette enquête s’est basée sur les rapports annuels disponibles sur les sites internet (à la date du 30 juin 2020) de l’ensemble des émetteurs faisant appel public à l’épargne. Le rapport précise que pour les entreprises non cotées, seules celles marocaines ont été retenues afin de ne pas biaiser les résultats.

L’enquête a porté sur un panel de 78 émetteurs faisant appel public à l’épargne. Ce panel est constitué de 82% de sociétés cotées, 18% de sociétés non cotées et 60% des sociétés ont un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard de DH. Près d’un tiers du panel est constitué d’entreprises du secteur financier, 22% de sociétés ouvrent dans le secteur des matériaux et 13% dans l’industrie.

Ce panel se caractérise aussi par le fait que près de la moitié des sociétés a un actionnariat de référence institutionnel et 35% ont un effectif global compris entre 100 et 500 salariés. La totalité des sociétés du panel et 92% de l’ensemble des émetteurs faisant appel public à l’épargne ont un site web actualisé. 

Sur les 96 sociétés faisant appel public à l’épargne en 2019, seules 3 n’ont pas de site web et 2 ont un site web non actualisé. C’est un changement énorme si on compare ces chiffres avec ceux de l’enquête réalisée par l’IMA en 2015 ; année pendant laquelle près d’un quart des sociétés cotées ne disposait pas de sites internet et parmi celles disposant d’un site, seules 44% disposaient d’une rubrique dédiée à la communication financière et 3% disposaient d’une rubrique dédiée à la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE).

Ci-après la liste des entreprises constituant le panel

S’agissant du volet de la distribution des dividendes à la date du 30 juin 2020, près du tiers a décidé de ne pas distribuer de dividendes. 17% (5 sociétés sur 30) des sociétés sui ont décidé de ne pas distribuer de dividende ont invoqué la prudence imposée par la crise sanitaire du Covid-19. En face, près de 40% ont décidé de distribuer des dividendes et une seule société a décidé d’une réduction compte tenu de la crise sanitaire. Pendant la date retenue, 30% des sociétés n’avaient pas fourni des informations sur la distribution des dividendes. 

Voici les principaux résultats de l’enquête

En se référant à la partie des Eléments Généraux du rapport ESG, il s’avère que la quasi-totalité des sociétés du panel a fourni une description du profil de la société et de son groupe dans son rapport annuel. En ce qui concerne la description de la stratégie en matière de RSE, 88% des sociétés du panel l’ont inclus au niveau de leur rapport annuel.

Plus de la moitié des sociétés du panel font référence, à égalité, à l’ISO 26000 ou au Global Reporting Initiative (GRI) pour l’élaboration du rapport ESG. Aussi, les objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD) sont cités par 16% des sociétés. 

Près de 70% de sociétés ont déclaré que les informations ESG portent sur un périmètre consolidé. De plus, 49% des entreprises ont expliqué ce qui sous-tend la sélection des critères ESG.

La matrice de matérialité -outil qui permet d'identifier et de hiérarchiser les enjeux RSE d'une entreprise- n’est publiée que par le tiers des sociétés du panel.

53% du panel, soit 41 sociétés analysées, ont donné une note méthodologique décryptant leurs informations ESG. Dans le détail, 46% ont précisé le processus d’identification des informations ESG ; 45% ont détaillé le processus de collecte d’informations ; 33% ont détaillé le processus de traitement et de compilation des informations extra-financières et 10% ont énoncé les limites attachées à la méthodologie retenue.

Aussi, 13% du panel, soit 10 sociétés, ont expliqué pourquoi certains critères relatifs au référentiel ne sont pas adoptés (selon le principe du « comply or explain » énoncé par l’AMMC qui permet d’expliquer les raisons d’omission de publication des informations).

Par ailleurs, seules 2 sociétés (3% du panel) ont inséré l’attestation d’un vérificateur externe qui a revu les informations ESG contenues dans le rapport. 

> Parties Prenantes : L’analyse de la partie qui concerne les informations relatives aux Parties Prenantes a démontré que 78% des sociétés du panel communiquent sur leurs parties prenantes et 71% communiquent sur leurs conditions de dialogue. Aussi, 65% font part des critères de sélection des parties prenantes, qui sont essentiellement des fournisseurs.

2 sur 3 sociétés communiquent sur les impacts économiques et sociaux de leurs activités sur les populations riveraines ou locales et le développement régional. Le rapport souligne que ces impacts ne sont toutefois pas précisés dans la plupart des cas. 

40% des sociétés étudiées communiquent sur l’impact de leurs investissements en matière d'infrastructures et de services publics. Mais seules 4 sociétés ont décrit les actions correctives mises en place au sein des activités comprenant des impacts négatifs significatifs potentiels ou avérés sur les communautés locales.

La moyenne du montant global annuel des jetons de présence dépasse 1,21 millions de DH

> Gouvernance : L’enquête a porté également sur l’analyse de la gouvernance de la RSE, bien que ce ne soit pas un critère requis par le régulateur, et ce, afin d’identifier qui au sein de l’entreprise est chargé de son pilotage pour appréhender, entre autres, le degré d’intégration de la RSE à la stratégie de l’entreprise. 

Cette information est en effet disponible pour 30 sociétés sur les 78 composants le panel. Plus en détails, 4 sociétés ont mis en place un comité RSE émanant du conseil et les deux tiers des entreprises ont une direction RSE dédiée ou un comité exécutif transversal en charge des questions RSE. Les autres points de contact cités comme étant en charge de la RSE sont : les directions financières, l’audit interne, les ressources humaines et la communication.

En analysant les informations publiées par les émetteurs concernant la structure de gouvernance, il s’avère que 86% des sociétés du panel ont un conseil (le conseil d’administration ou le conseil de surveillance) moniste dont 46% séparent la fonction de directeur général et de président du conseil. Seules 14% des sociétés ont un Conseil dual (président du directoire et président du conseil de surveillance).
Parmi les résultats retenus par rapport à la taille et la composition des conseils, il y a lieu de mentionner que 86% ont publié la date de nomination des membres du conseil et l’expiration de leur mandat ; 85% ont publié les fonctions au sein de l’instance de gouvernance ; 51% ont publié le nombre de mandats par administrateur ; 44% ont publié le montant global annuel des jetons de présence et près des 2/3 des sociétés du panel ont au moins une femme membre du conseil, dont 49% plus d’une.

Pour sa part, la moyenne du montant global annuel des jetons de présence s’élève à 1.216.229 DH. La médiane du montant global annuel des jetons de présence s’élève à 700.332 DH. Rapportée à la taille moyenne des conseils, cela situe la rémunération par dans une fourchette comprise entre 78.000 DH et 135.000 DH.

92% des sociétés du panel ont communiqué sur l’existence de comités spécialisés émanant du conseil, parmi lesquels : 99% ont un comité d’audit ; 57% ont un comité des nominations et rémunérations ; un tiers ont un comité Stratégie et près d’un tiers ont un autre comité (il s’agit le plus souvent du comité Risques pour les institutions financières et du comité crédit pour les banques, seules quatre entreprises ont un comité RSE).

La stratégie les risques significatifs sont parmi les informations les moins détaillées

97% des sociétés du panel communiquent via leur site internet les informations destinées aux actionnaires. Toutefois, la stratégie et les objectifs, les risques significatifs, les engagements hors bilan et les dispositifs de contrôle interne comptent parmi les informations les moins détaillées dans les rapports annuels.

Aucune entreprise ne fait état d'incident de corruption. Moins de 10% des entreprises du panel ont reporté l'absence d'incident de corruption, dont les deux tiers décrivent les procédures de prévention.

> Informations environnementales : 56% des sociétés du panel identifient et décrivent leurs activités ayant un impact environnemental. Certaines entreprises ont expressément indiqué ne pas avoir d'impact sur l’environnement.

Plus de 80% des entreprises décrivent leur politique en matière environnementale, à savoir les mesures prises et les normes et objectifs fixés en la matière et 72% communiquent sur les actions et mesures mises en place pour évaluer et minimiser les impacts environnementaux de l'activité. 2 sur 3 entreprises indiquent leurs mesures de gestion et d’élimination des déchets ainsi que leurs consommations d'eau, d'énergie et de matières premières et les mesures mises en place pour l'optimisation de ces consommations.

> Informations sociales : Le rapport indique que les femmes représentent en moyenne 29% des effectifs des entreprises ayant communiqué cet indicateur, avec une dispersion importante de cet indicateur qui s’étend de 4% à 68%. 21 entreprises ont communiqué la part des femmes parmi les directeurs et membres du Comité exécutif (Comex). 

Par ailleurs, les informations les moins disponibles en termes de politique de gestion des ressources humaines sont celles relatives à la diversité, en particulier le handicap avec seulement 1/3 des entreprises décrivant leur politique en la matière.

Les émetteurs peuvent mieux faire 

En commentant les résultats de l’enquête au niveau du rapport publié, Dounia Taarji, Ancienne Vice-présidente de la Commission RSE & Label de la CGEM, a déclaré : « On est encore loin de la maturité, les problématiques sont complexes et il faudra du temps et de la pédagogie pour que les entreprises s'approprient réellement ces sujets, au-delà de la pression réglementaire ou de l'effet mode. Mais c'est très bien d'avoir cette pression du régulateur, cela oblige les entreprises à se poser des questions et cela éduquera progressivement le marché, qui apprendra à comparer également ces indicateurs ». 

Pour sa part, Amine Benhalima, Administrateur indépendant et Senior Advisor, estime que « la majorité des entreprises ont fourni un réel effort dans le cadre de la publication de leur rapport ESG. Il faut distinguer entre les 'très grandes entreprises' qui ont initié cette publication volontairement depuis quelques années maintenant, et celles pour lesquelles ce fût une première, en réponse aux exigences réglementaires de l’AMMC. Les rapports sont évidemment perfectibles, mais il me semble que c’est un bon début ».
 

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