La surexposition des enfants aux écrans exacerbée par l’enseignement à distance

Apprendre derrière un écran génère une charge cognitive importante pour de jeunes élèves pas du tout préparés à l’enseignement à distance. Les risques d’addiction et les troubles de l’apprentissage ou de l’attention sont susceptibles d’être renforcés à cause des écrans.

La surexposition des enfants aux écrans exacerbée par l’enseignement à distance

Le 19 septembre 2020 à 10h13

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Apprendre derrière un écran génère une charge cognitive importante pour de jeunes élèves pas du tout préparés à l’enseignement à distance. Les risques d’addiction et les troubles de l’apprentissage ou de l’attention sont susceptibles d’être renforcés à cause des écrans.

Il n’y a pas que les retards dans l’acquisition des compétences que l’enseignement à distance a exacerbés. Avec ce mode d’enseignement, une autre problématique a émergé : le temps passé devant les écrans par les enfants.

Contacté par Médias24, le Dr Mohamed Fayçal Benjelloun, ophtalmologiste, observe une ''recrudescence d’un certain nombre de problèmes que je n’avais pas l’habitude de voir à des stades aussi avancés''. Et d’ajouter : ''Les yeux des enfants ne sont pas faits pour travailler aussi longtemps face aux écrans sur une distance intermédiaire : on n'est ni dans une vision de près (à 35-40 cm de l’écran) ni dans une vision de loin (5 m). L’ordinateur se situe en moyenne entre 60 cm et 1 m des yeux des enfants. Cette position stimule de façon très forte les muscles intraoculaires.''

Sur un œil emmétrope, c’est-à-dire dont la vision est normale, cette stimulation n’a aucune conséquence et ne nécessite pas une quelconque correction optique, explique le Dr Mohamed Fayçal Benjelloun. ''Mais elle aura tendance à décompenser le moindre trouble visuel : un enfant qui supportait très bien ses yeux en temps normal, va avoir les yeux qui vont se fatiguer très vite parce qu’il avait besoin de lunettes, et ce besoin a été révélé par le temps passé sur l’écran. Mais attention : l’écran n’a pas créé la pathologie ; il a simplement fait apparaître une pathologie préexistante. Ce sont des pathologies décompensées.''

Pour une bonne utilisation des écrans

Autre phénomène : la sécheresse oculaire, rarement observée chez les enfants jusqu’alors. ''L’œil a un réflexe de clignement naturel : normalement, nos yeux clignent entre 10 à 15 fois par minute, contre 7 à 10 fois face aux écrans. Le rôle d’essuie-glace des paupières, qui permet de répartir de façon uniforme et régulière le film lacrymal sur l’œil, est moins bien rempli et les yeux ont tendance à s’assécher. Le fait que l’œil cligne moins devant les écrans peut donc entraîner des sécheresses oculaires. C’est quelque chose que l’on observait rarement chez les enfants, parce qu’ils ne sont pas censés passer autant de temps sur les écrans.''

La lumière bleue émise par les écrans peut-elle être un facteur aggravant ? Pas du tout, répond l’ophtalmologiste. ''Aucune étude bien conduite, sérieuse, n’a été menée jusqu’à présent pour prouver que les verres de protection contre les rayons bleus apportaient quoi que ce soit à la vision de l’enfant'', assure le Dr Mohamed Fayçal Benjelloun.

Le plus important, estime-t-il, c’est de ''faire porter des lunettes à des enfants qui en ont besoin'', c’est-à-dire des enfants qui clignent trop de l’œil, ne parviennent pas à se maintenir trop longtemps face à l’écran ou doivent s’en rapprocher pour voir clair.

La meilleure protection, c’est une bonne utilisation des écrans, estime encore ce médecin. Il recommande de s’asseoir à une distance deux fois supérieure à la diagonale de l’écran : si elle est de 60 cm, l’idéal est que l’enfant soit assis à 1m20 de l’écran. Difficile sur un ordinateur portable ; plus simple avec un clavier externe, suggère l’ophtalmologiste. ''Ce sont des conseils que l’on donne habituellement aux salariés qui travaillent dans les bureaux, et désormais à des enfants qui ne sont pas censés se retrouver dans cette situation.'' Le Dr Mohamed Fayçal Benjelloun préconise également de se laver le visage en milieu de journée pour éviter la sécheresse et faire une pause de vingt secondes toutes les vingt minutes.

Si l’enseignement à distance venait à se maintenir plus longtemps encore, les yeux des enfants pourraient-ils développer des problèmes plus importants ? Impossible de le savoir pour l’instant, répond l’ophtalmologiste. L’enseignement à distance n’ayant jamais été déployé à une échelle aussi grande, et encore moins sur une période aussi longue que celle-ci, aucune expérience ni étude n’a été menée pour évaluer l’impact des écrans sur les yeux des plus jeunes. ''On aura probablement des retours d’ici cinq ou dix ans.''

Un effort cognitif énorme

Des retours, Rajae Ghzali et Hind Lounes Seffar, toutes deux orthophonistes, n’ont pas attendu longtemps avant d’en avoir. Troubles du sommeil, de la concentration, de l’attention, surexcitation, risque d’addiction… L’impact des écrans se fait très nettement sentir sur les capacités cognitives des enfants et adolescents.

''Pour les enfants qui ont déjà des troubles de l’apprentissage en temps normal, l’enseignement à distance s’avère difficile. Ce sont des enfants qui ont du mal à saisir des informations, à tenir le coup face à un écran... De manière générale, ce mode d’enseignement demande un effort cognitif énorme de la part de l’enfant, du fait notamment des écrans'', nous dit Rajae Ghzali. Des troubles de la concentration peuvent en effet apparaître en raison de la difficulté des enfants à rester concentrés face à un écran, de surcroît sans grande interaction avec l’enseignant et les autres élèves, a contrario du présentiel.

''Un enfant ne peut pas se concentrer au-delà de vingt minutes'', précise de son côté Hind Lounes Seffar. ''Devant un écran, c’est encore pire ; il décroche très facilement. La quantité d’informations qu’il va recevoir est bien inférieure à celle qu’il va comprendre et enregistrer'', ajoute-t-elle. On lui oppose le fait qu’en présentiel aussi, l’enfant n’enregistre pas toutes les connaissances transmises par l’enseignant : ''Oui, mais derrière un écran, l’enseignant ne peut pas capter l’attention et maintenir la concentration de ses élèves aussi facilement qu’en présentiel ; il va avoir plus de mal à repérer les élèves qui décrochent et à les ramener au sein du groupe. Par conséquent, les enfants ont beaucoup plus de difficultés à se concentrer derrière un écran, à rester attentifs.'' Et donc à acquérir des connaissances.

Des risques d’addiction

Hind Lounes Seffar s’inquiète aussi de la quantité excessive de devoirs ou d’activités que les élèves doivent effectuer en dehors des cours, et qui se déroulent toujours derrière un écran. ''Les professeurs envoient par exemple des chansons à écouter sur YouTube pour compléter leur enseignement. En fait, l’enfant va naviguer sur internet, cliquer sur d’autres vidéos, écouter d’autres chansons… In fine, il reste scotché sur l’écran pendant des heures, au risque de développer un rapport addictif aux écrans. Il faut bien comprendre que l’ordinateur ne parle pas avec eux : les enfants ne font que recevoir des informations mais ne produisent rien.''

Les plus grands sont-ils mieux lotis ? Pas du tout, répond Hind Lounes Seffar. Pour eux, l’impact des écrans est du même ordre que pour les plus petits. Leur attention est mieux captée par les professeurs, estime l’orthophoniste, mais ils passent plus d’heures sur les écrans. ''Chez les petits, les parents peuvent limiter le nombre d’heures passées sur les tablettes, smartphones et ordinateurs. Avec les adolescents, c’est plus compliqué : ils ont leurs propres tablettes ou smartphones'', fait-elle remarquer.

''Limiter les dégâts, c’est compliqué'', s’inquiète l’ophtalmologiste. Hind Lounes Seffar recommande toutefois de respecter les temps de pause et, idéalement, de réduire le temps passé sur les écrans après la journée de cours, surtout avant l’heure du coucher. Dans ce cadre, elle conseille aux enseignants de privilégier les exercices à faire sur papier.

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