Des enseignants alertent sur la baisse du niveau des élèves et réclament le présentiel

Beaucoup d’élèves ont perdu les compétences acquises avant la crise sanitaire et le confinement, voire celles de l’année antérieure. Des lacunes qui risquent de s’aggraver et que certains enseignants imputent à des plateformes d’enseignement à distance inadaptées.

Des enseignants alertent sur la baisse du niveau des élèves et réclament le présentiel

Le 17 septembre 2020 à 20h34

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Beaucoup d’élèves ont perdu les compétences acquises avant la crise sanitaire et le confinement, voire celles de l’année antérieure. Des lacunes qui risquent de s’aggraver et que certains enseignants imputent à des plateformes d’enseignement à distance inadaptées.

La rentrée scolaire expose au grand jour l’inquiétant retard pris par les élèves… et les carences de l’enseignement à distance. Après presque six mois passés loin des établissements scolaires, et alors que l’enseignement à distance reste la règle dans les zones où la circulation du virus est particulièrement active, les élèves, aussi bien ceux du cycle primaire que secondaire, accusent un sérieux retard dans l’acquisition des compétences. Et les cours de soutien d’ores et déjà planifiés en ce mois de septembre ne suffiront probablement pas à changer la donne, estiment plusieurs enseignants contactés par Médias24.

Ce constat s'applique aussi bien aux élèves du secteur public que privé.

''Nous serons obligés de retravailler les compétences non acquises tout au long de l’année'', prévoit Najib Choukri, président de l’Association marocaine des enseignants de français et directeur du groupe scolaire privé Adrar, à Agadir.

Lui distingue quatre types d’élèves : ''D’abord, ceux qui n’ont pas pu bénéficier de l’enseignement à distance faute de moyens techniques et d’outils technologiques. Ceux-là ont perdu non seulement ce qu’ils ont appris avant le confinement, mais aussi les acquis de l’année antérieure. Ensuite, il y a les élèves qui ont suivi les cours via Whatsapp mais qui n’ont quasiment rien retenu et sont désormais presque au même niveau que les élèves qui n’ont pas du tout suivi les cours. Il y a ceux qui ont bénéficié de l’enseignement à distance par visioconférence ou via des plateformes, qui ont perdu 10 à 15% de leurs acquis. Enfin, il y a ceux dont les compétences se sont maintenues grâce à un suivi régulier et rigoureux des parents.''

Najib Choukri s’inquiète de voir arriver des élèves du primaire ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter. ''Ils ne maîtrisent ni l’alphabet ni les chiffres. On se retrouve désormais avec des enfants presque analphabètes pour certains.''

La classe virtuelle, ce capharnaüm

Si d’autres ont conservé leurs acquis en lecture, ils ont en revanche beaucoup perdu à l’écrit. Malika Cheranti, professeure de français dans une école primaire privée à Casablanca, assure que beaucoup de ses élèves sont aujourd’hui incapables de rédiger correctement des phrases simples. ''Mes élèves ont quasiment perdu les compétences acquises entre septembre et mars, voire même ce qu’ils ont appris les années précédentes. La plupart ne sont pas au niveau'', déplore-t-elle.

Mais il y a plus inquiétant encore : le désintérêt criant des enfants et, forcément, le manque de concentration. Pour Malika Cheranti, l’impact de l’enseignement à distance se fait aujourd’hui durement sentir : ''Les élèves ont pris l’habitude de rester seuls ou de jouer à la maison. Ils ne sont plus intéressés par les cours, sauf ceux dont les parents les surveillent de très près. L’année dernière, à fin mai, sur les 34 élèves que j’avais en classe, deux seulement suivaient les cours de façon très assidue. Les 32 restants, c’était un jour oui, un jour non… Une dizaine d’élèves ont même été totalement absents à la fin de l’année.''

Malika Cheranti ne cache pas ses difficultés à capter l’attention de ses élèves. ''Je n’arrive pas à faire de leçons complètes. Tout le monde parle en même temps ; les enfants se cachent derrière la caméra, jouent avec les micros, décrochent le téléphone en plein cours'', s’agace-t-elle. Les parents ne sont guère plus disciplinés : ''Ils s’incrustent pendant les cours et soufflent les réponses ; parlent en arabe avec leurs enfants alors que c’est interdit pendant le cours de français. C’est très perturbant, aussi bien pour moi que pour les élèves.'' Un vrai capharnaüm auquel il faut ajouter les bruits de fond de la télévision, du téléphone, de la radiovoire de l’aspirateur !

Cette enseignante a donc décidé de couper les micros des élèves en dehors de leur temps de parole et prie les adultes de quitter la pièce où l’enfant se trouve pendant les cours, non sans provoquer le mécontentement de certains parents qui s’ingèrent ainsi dans son travail. ''Le retard va s’aggraver ; les lacunes vont s’accumuler'', s’inquiète Malika Cheranti. Depuis la rentrée du 7 septembre, 6 élèves sur les 33 dont elle a la charge sont totalement absents. ''Je ne connais pas leur visage ; ils ne se sont pas connectés une seule fois depuis la rentrée. Ce sont des élèves invisibles, absolument pas intégrés dans le groupe.''

Des plateformes inadaptées qui favorisent la perte des compétences

Les problèmes de connexion et le manque d’outils technologiques sont des motifs régulièrement évoqués par les enseignants, notamment Boughaleb Lemaadni, professeur en sciences de la vie et de la Terre (SVT) dans un lycée public de Tiflet. ''Toute la période de l’après 16 mars a été problématique. Les élèves n’ont pas vraiment suivi les cours à distance faute de connexion. Leurs acquis sont aujourd’hui très faibles, aussi bien en SVT que dans l’ensemble des matières en général'', nous dit-il.

Les faibles acquis de ses élèves, Boughaleb Lemaadni les impute notamment aux plateformes utilisées pour diffuser les cours, comme WhatsApp et Facebook, qu’il juge inadaptées pour l’enseignement. ''Elles ne facilitent pas l’assimilation des programmes et l’évaluation des acquis'', estime-t-il. La plateforme Microsoft Teams, mise à disposition des enseignants, n’a pas non plus été très efficace selon lui. ''Nous n’avons pas été formés à l’utilisation de cette plateforme ; nous avons donc fait de l’autoformation.''

Contactée par Médias24, Massira Elmouhader, inspectrice du cycle secondaire collégial et qualifiant, reconnaît que les messageries de discussions instantanées peuvent être parfois bancales, mais estime que ''certains groupes WhatsApp ont été très efficaces, très bien gérés''. Et d’ajouter : ''Ça a été plus difficile pour le public avec la télévision que pour le privé avec les groupes WhatsApp.''

Étonnamment, elle qualifie de ''légère'' la baisse du niveau global des élèves du collège et du lycée. ''Certains ont pu suivre l’enseignement à distance et interagir convenablement avec leurs enseignants. Pour d’autres, les choses ont en effet été plus compliquées, en particulier chez les élèves du rural : ils ont dû se contenter des cours diffusés à la télévision, qui étaient faits surtout pour qu’ils les recopient.'' Comprendre : pas pour qu’ils les apprennent. Difficile par conséquent de croire à la légèreté de la baisse du niveau des élèves…

Des élèves devenus des consommateurs

Pas du tout convaincu par l’enseignement à distance, Najib Choukri en appelle au rétablissement de l’enseignement présentiel : ''Le retour au présentiel devient urgent. Il faut absolument que les élèves retournent à l’école et que les établissements prennent toutes les dispositions nécessaires pour garantir la sécurité sanitaire des élèves et du personnel.''

Pour lui, l’enseignement à distance n’est pas un enseignement. ''C’est de l’apprentissage à distance, ou de l’auto-apprentissage.'' Ou de la ''consommation passive'', abonde Boughaleb Lemaadni. ''Étudier à distance suppose des moyens techniques qui permettent à l’élève de suivre les cours, d’interagir avec les supports. L’enseignement à distance n’a pas été optimisé ; la SVT à distance, c’est de la vulgarisation, pas de l’enseignement. On ne fait que publier des documents, diffuser des audios... Les élèves, eux, ne font que les consommer.''

>>Lire aussi : Education: des parents en colère lancent un recours en justice contre le gouvernement

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