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Les emprunteurs défaillants à cause de la crise commencent à activer le délai de grâce

Dans les juridictions marocaines, des emprunteurs défaillant vis-à-vis d'établissements de crédit à cause de la crise du Covid activent le délai de grâce. Une bouffée d'air pour les consommateurs en difficultés, une épée de Damoclès sur les banques. 

Les emprunteurs défaillants à cause de la crise commencent à activer le délai de grâce

Le 9 septembre 2020 à 18h40

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Dans les juridictions marocaines, des emprunteurs défaillant vis-à-vis d'établissements de crédit à cause de la crise du Covid activent le délai de grâce. Une bouffée d'air pour les consommateurs en difficultés, une épée de Damoclès sur les banques. 

On évalue une loi à l’aune de son utilité. En ces temps de pandémie, la loi édictant des mesures de protection du consommateur trouve tout son sens : Son article 149 permet aux emprunteurs de jouir d’un délai de grâce « en cas de licenciement ou de situation sociale imprévisible ».

La loi dispose, et la Justice semble suivre. En atteste cette toute récente décision rendue par le président du tribunal de première instance de Kenitra (Ordonnance du 8/9/2020 sur le dossier de référé n° 488/1101/2020). Elle concerne un citoyen ayant contracté un crédit à la consommation pour financer l’achat d’une voiture. Le demandeur, qui exerce une profession libérale, a vu ses revenus impactés par la crise liée à la pandémie Covid-19. Au tribunal, il affirme même, document à l’appui, que son activité frôle la cessation de paiement.

Verdict du tribunal : Un Délai de grâce d’une durée de 6 mois avec interruption du court des intérêts. A l’échéance de ce délai, le crédit reprendra selon les termes initiaux du contrat, lit-on dans l’ordonnance assortie de « l’exécution provisoire ». Ce qui signifie qu’elle neutralise l’effet suspensif d’un éventuel appel interjeté par la banque.

Un cas isolé ? Non.

Juillet dernier, le tribunal de commerce de Marrakech a rendu une décision similaire (dossier n°280/8101/2020). Elle a profité à un salarié placé en « arrêt temporaire de travail » et qui, en conséquence, a vu son salaire réduit de 50%. Son employeur, un opérateur touristique, a fermé toutes ses unités à partir du 20 mars 2020, en raison de l’état d’urgence sanitaire déclaré par les autorités. Autant d’éléments qui ont conduit le juge à lui accorder le droit de suspendre l’exécution de ses obligations vis-à-vis de sa banque, et ce pour 4 mois durant lesquelles les sommes dues ne produiront pas d’intérêts.  

Ces décisions ne sont que des exemples. Sondés par nos soins, des avocats spécialisés annoncent une « tendance » favorisée par la crise actuelle. « J’en reçois à foison. Je ne traite que ces dossiers en ce moment », nous dit une avocate d’affaires. Dans ces dossiers, elle représente plutôt des banques.

Pour les consommateurs, l’article 149 est une bouffée d’air. Pour le secteur bancaire, il sonne comme « l’épée de Damoclès », dans un contexte marqué par une inflation des crédits en souffrance.

« En tant que citoyenne, je suis pour le délai de grâce eu égard à son utilité sociale. En tant que créancier, on voudrait que ce mécanisme soit davantage encadré, notamment pour faire face aux cas de fraudes », explique cette juriste. Elle raconte des cas de « consommateurs ayant bénéficié de ce mécanisme sur présentation de faux documents de licenciement ». Elle demande une « vérification plus minutieuse » de ces dossiers traités en référé, donc en urgence et parfois sans présence de la banque.

Même avec un licenciement avéré, le délai de grâce n’est pas acquis d’avance. « Il arrive souvent qu’un consommateur soit débouté car son licenciement était dû à une faute grave », raconte un avocat inscrit au barreau de Casablanca. «  Par exemple, un demandeur avait été viré pour avoir commis un vol sur son lieu de travail. Il avait même été condamné pour ce motif. Le président du tribunal a retenu cet élément pour lui refuser le délai de grâce », précise-t-il. En l’occurrence, l’ordonnance a considéré le licenciement comme « un fait imputable au demandeur et non un fait imprévisible et étranger à sa volonté. »

L’article 149 se pose comme alternative, voire complément aux mesures prises par le Comité de veille économique dans le cadre de la lutte contre l’impact de la pandémie covid-19. Celles-ci portent, entre autres, sur le report des échéances bancaires pour une durée maximum de six mois à partir du mois d’avril. « Ces mesures concernent à la fois les consommateurs et les professionnels. Le délai de grâce, lui, ne vise que la première catégorie, c'est-à-dire les personnes qui ont emprunté aux banques pour des raisons personnelles ou familiales. C’est une disposition d’ordre public. Un consommateur peut demander son activation alors même qu’il a déjà bénéficié d’un report accordé par sa banque », ajoute notre interlocuteur.

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