Pétrole. Les prix s’effondrent, une petite bénédiction pour le Maroc
Le Brent a perdu plus du quart de sa valeur depuis l’éclatement de la crise du coronavirus. Importateur net, le Maroc devra profiter de ce plongeon des cours pour alléger sa facture énergétique et contrebalancer les effets de cette crise sanitaire sur ses échanges extérieurs et sa balance des paiements.
Pour un pays importateur de pétrole comme le Maroc, la crise du coronavirus n’a pas que du mauvais. Depuis sa déclaration en Chine, l’épidémie a fait plonger les prix du baril. Ce vendredi 6 mars, le Brent de la mer du nord s'échangeait à 47,90 dollars, soit 27% de moins qu’en début d’année. Idem pour le WTI (pétrole léger américain) qui s’échange à 43,78 dollars, en baisse de 28% depuis le 1er janvier.
Le pétrole est désormais à son plus bas depuis trois ans. Et le plongeon risque de se poursuivre, après l'échec des négociations des membres de l’OPEP avec la Russie pour stopper l’hémorragie en baissant la production mondiale d’au moins 1,5 million de barils par jour.
Réunis jeudi et vendredi à Vienne, les membres du cartel ne sont pas parvenus à trouver un accord. Poussée par l’Arabie Saoudite, la proposition de réduction drastique de l’offre a été rejettée par la Russie, dont le Président estime que « le niveau actuel des prix du pétrole est acceptable » pour le budget de l’Etat (le budget fédéral pour 2020 a été calculé sur la base d’un baril à 42 dollars).
Ce blocage devrait peser davantage sur les cours, l'Arabie Saoudite ayant l'intention, selon l'Agence Bloomberg, d'augmenter sa production pour faire baisser les prix et ainsi contraindre la Russie à accepter l'accord.
Au Maroc, les effets de cette chute des cours du baril seront bénéfiques sur plusieurs plans : baisse des prix à la pompe, allègement de la facture énergétique du pays, détente du déficit commercial, baisse de la pression sur les réserves en devises, allègement des charges de compensation du gaz butane, baisse des charges des transporteurs et des industriels… Des effets, en somme, qui devraient contrebalancer relativement les désagréments économiques de cette crise sanitaire sur l’économie du pays.
A la pompe, le gasoil est déjà à moins de 9 DH le litre
A la pompe, cette détente des prix à l’international se fait déjà sentir. Ce vendredi, les prix du gasoil à Casablanca varient entre 8,90 et 8,99 dirhams le litre, selon les opérateurs et les stations-services. C’est 1 dirham de moins que les prix affichés le 1 er janvier (entre 9,80 et 9,90 dirhams le litre).
La chute des cours de pétrole n’est pas totalement répercutée pour l’instant. Si le baril a baissé de plus de 27% à l’international depuis le 1er janvier, les prix à la pompe n’ont baissé que de 9% sur la même période. Un gap dû à l’effet de stock, au décalage entre l’approvisionnement en diesel sur les marchés internationaux et son arrivée dans les stations de service, mais qui devra être rattrapé dans les prochains jours, si la logique du marché est respectée.
Cette tendance baissière à la pompe devrait en tout cas se poursuivre dans les prochaines semaines. Car rien n’indique pour l’instant un retournement de la situation sur les marchés internationaux.
La propagation de l’épidémie du coronavirus a plongé le monde dans une véritable crise économique. Lundi, l’OCDE a ramené sa prévision de croissance planétaire pour 2020 de 2,9% à 2,4%. Et chaque ralentissement de la croissance mondiale pénalise la demande en brut et pousse donc les prix à la baisse.
L'Agence internationale de l'énergie a d’ailleurs révisé à la baisse ses attentes concernant la croissance de la demande de brut pour 2020, attendue désormais à 825.000 barils par jour, soit le niveau le plus bas depuis 2011.
Au Maroc, on devrait donc s’attendre à de nouvelles baisses de prix du diesel à la pompe. Une tendance qui profitera aux consommateurs (automobilistes), ainsi qu’aux transporteurs, et aura des conséquences sur toute la chaîne des prix. Les industriels, tous secteurs confondus, devraient également en profiter, l’énergie étant une des principales composantes de leurs charges d’exploitation.
Moins de pression sur le déficit commercial et les réserves de change
Sur un plan macroéconomique, les effets de ce plongeon du pétrole devront également se faire sentir dès le mois de mars. D’abord sur la balance commerciale du pays, qui souffre d’un déficit structurel.
En 2019, les importations de pétrole et de produits énergétiques (dont les prix sont corrélés à ceux du brut) ont coûté au Maroc plus de 76 milliards de dirhams. Une charge incompressible qui participe grandement au déficit chronique de nos comptes extérieurs.
Avec la baisse actuelle du baril (plus de 27%), cette facture devrait s’alléger considérablement. Et réduire la pression sur le déficit commercial.
Difficile d’affirmer à ce stade que le déficit commercial baissera, car la crise du coronavirus n’agit pas que sur la partie importations, mais risque également d’impacter à la baisse les exportations du Maroc.
Le ralentissement de la croissance mondiale, notamment en Europe, risque en effet d’affecter la demande extérieure adressée au Maroc. Et ce sur toutes les gammes de produits : agriculture, pêche, mines, textile…
Même incertitudes sur la balance des paiements qui, elle, prend en compte toutes les entrées de devises : recettes du tourisme, transferts des MRE et IDE. Ces trois compartiments seront inévitablement affectés par cette crise sanitaire et son corollaire économique. La baisse du prix du baril et de la facture énergétique agira donc simplement comme amortisseur d’une éventuelle hémorragie. De même pour les réserves de devises du pays.
Compensation : moins de subventions pour le gaz butane
Troisième effet attendu, cette fois de nature budgétaire : la baisse des charges de compensation allouées au gaz butane.
Dans la loi de finances 2020, le gouvernement a budgétisé 13,6 milliards de dirhams pour la compensation. La moitié de cette enveloppe (plus de 7 milliards) est dédié à la subvention du gaz butane. Une prévision calculée sur la base d’un cours moyen du baril à 67 dollars et d’un cours moyen du butane à 350 dollars la tonne.
Les données actuelles du marché montrent que cette charge sera moins importante que prévu. Le gaz naturel, qui sert de matière première au gaz butane, a lâché plus de 18% depuis le début de l’année, en ligne droite avec la chute du baril.
Ce qui va alléger le fardeau budgétaire de l’Etat et lui donner de la marge pour faire face à la baisse attendue des recettes fiscales (TVA et droits de douane notamment), conséquence logique du ralentissement économique en ces temps de sécheresse et de coronavirus.
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