Nabil Mouline: “L’histoire officielle est linéaire, simpliste et exclusiviste”

Historien et chercheur au CNRS, Nabil Mouline lance la deuxième saison de sa série "On raconte que", "premier manuel de l’histoire du Maroc" sous forme de vidéos racontant d’une manière scientifique et accessible des épisodes peu connus de l’histoire du Royaume. Dans cet entretien, le politiste revient sur son projet et l’engouement suscité par la première saison.

Nabil Mouline: “L’histoire officielle est linéaire, simpliste et exclusiviste”

Le 30 janvier 2020 à 10h25

Modifié 10 avril 2021 à 22h14

Historien et chercheur au CNRS, Nabil Mouline lance la deuxième saison de sa série "On raconte que", "premier manuel de l’histoire du Maroc" sous forme de vidéos racontant d’une manière scientifique et accessible des épisodes peu connus de l’histoire du Royaume. Dans cet entretien, le politiste revient sur son projet et l’engouement suscité par la première saison.

- Médias24 : Alors que les historiens privilégient d'ordinaire l'écrit pour ce genre d'exercice, vous avez choisi de diffuser des capsules sur l'histoire du Maroc sur Youtube et Facebook. Est-ce parce que les Marocains ne lisent pas ?

- Nabil Mouline: Durant les dernières années, j’ai constaté que l’écriture, l’enseignement et les conférences sont des moyens indispensables pour transmettre l’histoire, mais insuffisants pour toucher le plus grand nombre, surtout dans un pays comme le Maroc.

En effet, seuls 0.3% de nos concitoyens consacrent du temps à la lecture. Par contre, 70% d’entre eux puisent l’essentiel de leur culture dans les médias audiovisuels, notamment par le biais d’internet.

C’est pour cette raison principalement que j’ai décidé de payer une partie de ma taxe citoyenne en créant "On raconte que", premier manuel virtuel de l’histoire du Maroc. Les différents épisodes se proposent de revenir sur les événements, les personnages et les institutions qui ont façonné le passé pluriel du pays, et qui continuent à influer sur son présent.

- Vos vidéos ont été vues par quelque trois millions de personnes, ce qui montre un certain engouement pour l'histoire. En concluriez-vous que les Marocains s'intéressent à leur histoire ? 

- Les six premiers épisodes de "On raconte que" ont enregistré plus de 3.5 millions de vues. Cela montre bien que les Marocains, particulièrement les jeunes générations, désirent ardemment connaitre les différentes facettes de leur histoire.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette passion pour le passé du Royaume. Le plus important d’entre eux est sans doute ce que le philosophe Paul Ricoeur appelle l’"ipséité", c’est-à-dire la conscience de soi. Pour renforcer celle-ci, les citoyens ont besoin impérativement d’un bagage culturel, notamment historique, pour mieux se situer dans le temps et l’espace.

- L'engouement ne s'explique-t-il pas par une certaine méfiance envers l'enseignement de l'histoire "officielle"?

- Effectivement. L’histoire officielle ne cherche pas à informer et instruire, mais plutôt à dérouler un grand récit qui justifie un ordre… une domination. Elle est par conséquent linéaire, simpliste et exclusiviste.

Rejetant cette manière de voir et de faire, une grande partie des Marocains, particulièrement les plus jeunes, veulent avoir accès à une histoire aussi complexe que décomplexée et surtout plurielle et sans tabous, permettant une meilleure compréhension du présent pour une appréhension plus sereine de l’avenir. C’est ce que "On raconte que" s’efforce modestement de leur offrir.

- Condenser et simplifier l'histoire en quelques minutes, l'exercice n'est-il pas un peu difficile ?

- Toute opération de communication de la science en direction du grand public est difficile, voire périlleuse. Elle se révèle cependant indispensable pour contribuer à l’édification de l’esprit citoyen.

J’ai décidé d’adopter une démarche à la fois factuelle, explicative et inclusive qui stimule l’esprit critique et favorise la création d’une communauté imaginaire.

En clair, l’élaboration d’un contenu à la fois scientifique et accessible, a nécessité le recours à plusieurs éléments complémentaires: les illustrations, les cartes, les mots-clés, les pièces d’archives et une voix-off en langue arabe (des sous-titres sont disponibles notamment en français). Une liste bibliographique est fournie systématiquement à la fin de chaque vidéo permettant aux téléspectateurs qui le souhaitent d’aller plus loin !

- L'épisode sur l'histoire du "makhzen" a fait, paraît-il, un véritable carton. Pourquoi, selon vous ?

- Comme vous le savez très bien, le "makhzen" est la principale institution politico-religieuse du pays depuis le XVIe siècle. Oscillant entre rejet et fascination, critique et attirance nostalgique, il a suscité de nombreuses controverses et des attitudes ambivalentes à son égard.

Une chose est sûre cependant: les Marocains, quelles que soient leurs positions, veulent connaitre "objectivement" leur histoire et ses mécanismes de fonctionnement. Je me suis efforcé dans l’épisode que je lui ai consacré de fournir à nos concitoyens les principales clés de compréhension en m’appuyant à la fois sur des sources de première main et les études les plus solides dans le domaine.

- Après la deuxième série de vidéos que vous lancez, comptez-vous continuer?

- Même si la tâche est très difficile, j’ai l’intention de mener cette entreprise jusqu’à son terme en produisant au moins trente épisodes. Je compte également lancer de courtes capsules en darija qui traiteront de problématiques similaires, notamment concernant l’époque contemporaine.

Voici quelques épisodes de la première série:

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