Terrorisme: Comment se réconcilier avec la société grâce au programme Moussalaha

A l'occasion de la commémoration de la présentation du manifeste de l’Indépendance, le Roi Mohammed VI a gracié 8 femmes, condamnées dans des affaires de terrorisme, après qu’elles ont révisé leurs orientations idéologiques dans le cadre du programme de réconciliation (Moussalaha), créé en 2017 et qui se poursuivra en 2020. L’occasion de détailler les enseignements dispensés aux anciens terroristes qui veulent se réconcilier avec la société. 

Terrorisme: Comment se réconcilier avec la société grâce au programme Moussalaha

Le 14 janvier 2020 à 15h35

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

A l'occasion de la commémoration de la présentation du manifeste de l’Indépendance, le Roi Mohammed VI a gracié 8 femmes, condamnées dans des affaires de terrorisme, après qu’elles ont révisé leurs orientations idéologiques dans le cadre du programme de réconciliation (Moussalaha), créé en 2017 et qui se poursuivra en 2020. L’occasion de détailler les enseignements dispensés aux anciens terroristes qui veulent se réconcilier avec la société. 

Depuis sa création en 2017, ce programme, réservé exclusivement aux extrémistes religieux condamnés dans des affaires de terrorisme, entend optimiser leurs conditions de réinsertion socio-économique en les réconciliant avec les textes religieux, avec eux-mêmes et enfin avec la société.

Pour lutter contre le fanatisme et éviter toute récidive, le Maroc a donc initié un processus multidimensionnel de réhabilitation pour accompagner une population carcérale longtemps négligée.

Une cinquantaine de demandes retenues par an

Selon une source de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), la participation à ce programme doit obligatoirement faire l’objet d’une demande écrite des détenus définitivement condamnés par les tribunaux et qui ont épuisé toutes les voies de recours judiciaire.

Sachant que la volonté d’y participer est le premier critère de sélection, les candidatures font l’objet d’un examen approfondi pour éviter celles qui pourraient être motivées et dictées par des considérations opportunistes dans la perspective de bénéficier d’une grâce royale.

Ainsi, lors de l’examen préalable des candidatures, la finalité des candidats doit être la rédemption et la réinsertion sociale et certainement pas la grâce sans quoi la demande est automatiquement rejetée.

En effet, plus d’un tiers des demandes sont rejetées car la priorité de la DGAPR n’est pas de faire du chiffre mais plutôt de cibler d’anciens terroristes sincèrement désireux de se repentir. En moyenne, chaque année, une cinquantaine de candidatures sont retenues dont la moitié pourra être libérable.

Les axes de la méthodologie de réconciliation 

Avant cela, les bénéficiaires du programme de réconciliation seront soumis à une cinquantaine de séances "thérapeutiques" de groupe de trois heures qui se répéteront pendant environ deux mois.

Le maître-mot du programme intitulé "Réconciliation" s’articule autour de trois thématiques à savoir se réconcilier avec soi-même, avec les textes sacrés du Coran et enfin avec toute la société.

En effet, les "cours" dispensés ont pour vocation d’encadrer les candidats pour les réhabiliter psychologiquement en leur permettant de se comporter de manière appropriée au sein de la société et en dernier lieu pour leur assurer une bonne intégration sociale à l’issue de leur peine de prison.

Pour cela, la méthodologie qualifiante qui n’a pas changé depuis 2017, s’articule autour des dimensions suivantes :

  1. Qualification et accompagnement psychologique : Doter les détenus des compétences cognitives et comportementales permettant de les immuniser contre les discours extrémistes et de favoriser leur insertion positive après leur remise en liberté.
  2.  Qualification intellectuelle et religieuse : Déconstruction du discours extrémiste, correction de certains concepts, identification des failles contenues dans les discours extrémistes, fourniture de clés permettant aux détenus de déchiffrer les codes du discours fanatique pour éviter le repli intellectuel et l’extrémisme religieux et comportemental qu’il engendre.
  3.  Qualification judiciaire : Aider les détenus à comprendre et assimiler le cadre juridique organisant la relation des individus avec la société et l'Etat selon la dialectique des droits et des devoirs et le principe de citoyenneté positive.
  4.  Qualification socio-économique pour la réinsertion : Doter les détenus en compétences et capacités nécessaires leur permettant d’exploiter, de manière optimale, leurs capacités et qualifications scientifiques et artisanales, pour construire un projet personnel ou sociétal qui ne vise pas uniquement à réaliser une indépendance socio-économique mais aussi à utiliser les capacités personnelles pour servir la société et se réconcilier avec elle.

Après ces différentes phases qualifiantes, une évaluation "scientifique" est organisée avec chaque candidat pour déterminer ses progrès et surtout constater son intégration des normes relatives à la compréhension du Coran, de la coexistence en société et enfin de ses propres valeurs.

Qui sont les intervenants ?

Lancé au départ par la DGAPR en partenariat avec la Rabita Mohammadia des Oulémas, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) et la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, le programme est, depuis 2018, également soutenu par le ministère de la Justice, le ministère d’Etat chargé des Droits de l’homme, le ministère des Habous et des Affaires islamiques, la présidence du ministère public (parquet général) et enfin par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.

Dans la perspective de protéger les condamnés face aux dangers de l’idéologie extrémiste, des détenus de droit commun sont formés au sein des établissements pénitentiaires pour coacher leurs codétenus et faire revenir ces derniers à de meilleurs sentiments à l’égard de leurs coreligionnaires.

Ainsi, 40 personnes (cadres des établissements pénitentiaires et oulémas) ont formé 220 intellectuels, détenus dans 14 centres de détention, pour sensibiliser 22.000 codétenus aux dangers de l’extrémisme

Depuis 2017, 79 cadres du ministère des Habous et des Affaires islamiques ont effectué 3.592 visites pénitentiaires pour consolider les principes de tolérance de la religion islamique, pour initier des actions de formation, de prédication, d’apprentissage et de psalmodie du Coran, et enfin d’organiser des compétitions religieuses pour les détenus y compris ceux du programme Moussalaha.

Moussalaha en chiffres

Concernant le nombre de personnes graciées en 2019 dans le cadre du programme de réconciliation, le seul chiffre disponible connu est celui des 8 femmes graciées et relaxées à l’occasion de la célébration de la présentation du manifeste de l’indépendance.

Sachant que la DGAPR n’a pas encore publié son rapport d’activité de 2019, et qu’en général, la moitié de l’effectif de Moussalaha (50) est concernée par la grâce, les libérables devraient être entre 20 et 25.

A contrario, sur les 4.080 grâces accordées en 2018, on sait que pour les 50 détenus qui ont participé à la 2ème édition du programme Moussalaha, qui a duré 2 mois et 18 jours, 22 d’entre eux ont bénéficié d’une grâce royale, dont 17 ont concerné le reliquat de la peine et 5 une réduction de peine.

Lors de la 1ère édition tenue du 29 mai au 25 juillet 2017, sur un total de 3.611 grâces accordées, 36 détenus ont été graciés dont 30 grâces sur le reliquat de leur peine et 6 étaient une réduction de peine.

Au final, ce sont donc près de 80 détenus qui ont pu recouvrer la liberté après avoir suivi des cours de révision idéologique puis satisfait aux questions finales d’une commission spécialisée

Si certains doutent de l’efficacité de ce programme, une source fiable nous a certifié que d'une part "à ce jour, aucun ancien détenu grâcié, n’a été interpellé en état de récidive dans une affaire de terrorisme" et que de nombreux pays contactent la DGAPR pour dupliquer cette expérience. Parmi les détenus célèbres ayant effectué une importante révision idéologique, citons Mohamed Fizazi (libéré et devenu Imam de mosquée à Tanger) et Abdelwahab Rafiki, alias Abou Hafs, devenu défenseur de la laïcité. Mais on ne sait pas s'ils ont participé au programme Moussalaha, dans l'une de ses formes.

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