Au Parlement, Mostafa Terrab a raconté l'incroyable transformation d'OCP

Terrab, reçu le 17 décembre par la Commission de contrôle des finances publiques. Il a raconté comment OCP a changé de visage depuis 2007 et contribué à l’économie nationale. Retour sur une transformation qui peut être enseignée dans les écoles de commerce.

Au Parlement, Mostafa Terrab a raconté l'incroyable transformation d'OCP

Le 18 décembre 2019 à 17h52

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

Terrab, reçu le 17 décembre par la Commission de contrôle des finances publiques. Il a raconté comment OCP a changé de visage depuis 2007 et contribué à l’économie nationale. Retour sur une transformation qui peut être enseignée dans les écoles de commerce.

Mercredi, OCP était auditionné par la Commission de contrôle des finances publiques de la première Chambre du Parlement à l’instar d’autres entreprises et établissements publics. Cette commission se base généralement sur les rapports de la Cour des comptes, conformément à l’article 148 de la Constitution.

Justement, un rapport de la Cour des comptes sur OCP a été publié en mars dernier. Il a pointé des dysfonctionnements dans la gestion de l’activité minière. Le management du groupe phosphatier avait réagi aussitôt en apportant des précisions.

Mais l’audition du mardi 17 décembre devant les députés a été l’occasion pour Mostafa Terrab, PDG, d’exposer d’où est parti le groupe depuis sa nomination en février 2006, les réalisations à fin 2018 et les orientations pour les années à venir.

Après avoir consulté l’exposé de Terrab, le moins que l’on puisse dire est que la transformation opérée est un cas d’école.

70% des réserves mondiales et un office mal en point en 2006

Selon l’institut américain U.S. Geological Survey, le Maroc concentre 70% des réserves mondiales de phosphates, soit 50 milliards de tonnes d’une ressource non renouvelable nécessaire à la production d’engrais, sans lesquels la production agricole mondiale sera réduite de moitié, alors que la démographie explose.

Le Maroc a donc une grande responsabilité pour assurer la sécurité alimentaire au niveau mondial.

Outre la responsabilité, cette position induit pour OCP des accusations récurrentes aussi bien au niveau local qu’à l’international : ce groupe est-il capable de gérer une ressource stratégique pour le monde entier ? Manipule-t-il les cours internationaux ? Où va l’argent issu de la vente de cette ressource ? Pourquoi OCP verse-t-il peu de dividendes à l’Etat ?

Dans son exposé, Mostafa Terrab raconte l'histoire récente des phosphates marocains. Et cette (r)évolution répond d'ailleurs aux interrogations, point par point.

Jusqu’en 2005, le groupe était mal positionné sur le marché mondial. 43% de ses exportations étaient constituées de la roche de phosphate (matière première) et seulement 9% d’engrais (produit fini), ceci alors que le marché mondial de la roche était en baisse et celui des engrais en forte croissance.

Non seulement il perdait des parts de marché en volume sur les engrais, mais il perdait aussi des marges confortables. Contrairement au cours de la roche qui stagne depuis les années 1970, celui des engrais s’envole.

Hormis ce problème de positionnement, la situation financière du groupe OCP était fragile. Il cumulait les déficits depuis 1999 et affichait une situation nette négative de 16 milliards de DH en 2005. Rien que le passif lié à la caisse interne des retraites (32 milliards de DH) dépassait les actifs de l’office. Ce qui faisait dire à certains qu’OCP appartenait à ses salariés.

Une nouvelle stratégie, trois piliers

Après l’arrivée de Mostafa Terrab en février 2006, plusieurs diagnostics ont été menés et une stratégie a été adoptée pour la période 2007-2018.

Celle-ci reposait sur 3 piliers, dont le principal était de quadrupler la capacité de production d’engrais pour la faire passer de 3 à 12 millions de tonnes par an, dans le but de capter la moitié de la demande mondiale additionnelle.

Le deuxième pilier était de réduire les coûts : les prix au niveau mondial étant le plus souvent alignés sur le coût de revient de l’opérateur le moins compétitif, améliorer sa marge revenait à réduire ses coûts opérationnels.

Le troisième pilier était d’avoir une politique commerciale flexible : conclure des contrats de vente sur des durées plus courtes pour saisir les remontées de prix, ne pas concurrencer sur les engrais les clients de la roche et de l’acide phosphorique (demi-produit), arbitrer entre les produits en fonction des prix pour maximiser la marge, élargir la gamme des engrais…

Les réalisations

Sur la partie réduction des coûts, deux réalisations majeures sont à noter : le programme "Iqlaa" (décollage) qui a permis au groupe d’augmenter sa production sans augmenter sa capacité entre 2010 et 2014 grâce à l’optimisation de l’outil industriel (4 millions de tonnes produites avec une capacité de 3 millions de tonnes).

Mais surtout, le pipeline pour transporter la roche de Khouribga à Jorf Lasfar (juin 2014) qui a permis de réaliser 90% d’économies sur les frais de transport (hormis l’économie d’eau et de CO2), tout en maintenant le niveau d’activité avec l’ONCF pour le transport ferroviaire (1,7 milliard de DH en moyenne entre 2015 et 2018).

En fait, le pipeline n’a servi qu’à transporter la production additionnelle de la mine de Khouribga que l’ONCF ne pouvait transporter à moins d’investir dans une nouvelle voie ferrée.

Aujourd’hui, OCP a les coûts de production les plus bas du marché mondial. Ce qui lui permet de "driver" les prix pour empêcher les variations excessives et non de manipuler le marché. Et la seule fois où le groupe a empêché un effondrement des prix par un arrêt de production était en 2009 après l’éclatement de la crise mondiale. Un peu comme le fait l’Opep pour empêcher une chute des cours du pétrole. Pour la première fois de son histoire, OCP grâce à sa nouvelle vision, a fermé ses usines pendant deux mois pour réduire l'offre et faire remonter les cours.

Sur la partie commerciale, en plus des arbitrages et contrats mieux négociés, OCP dispose aujourd’hui d’un catalogue de 40 formules d’engrais customisés adaptés aux sols et aux cultures contre 3 formules en 2005. Les engrais spécialisés représentent en effet une grande partie de l'avenir du secteur.

Mais c’est sur la partie augmentation de la production d’engrais que le gros défi se posait. Le programme d’investissement 2007-2018 nécessitait une enveloppe de 8 milliards de dollars, soit plus de 70 milliards de DH, dont plus de la moitié devait servir à l’installation de nouvelles unités d’engrais.

Des changements et un coup de chance

Avec sa situation financière de l’époque, le groupe ne pouvait générer assez de cash ni prétendre à un financement étatique ou bancaire. Il fallait un grand changement… et un coup de chance.

OCP a donc changé de statut pour passer d’un office à une société anonyme, ce qui l'a autorisé à lever de l'argent sur les marchés et à externaliser sa caisse de retraite pour assainir son bilan.

Mais surtout, il a profité de l’envolée des cours des phosphates en 2008, qui lui a permis de générer 60 milliards de DH de revenus en une seule année, pour renforcer sa capacité d’autofinancement et contribuer suffisamment au financement de son programme d’investissement.

Au final, sur les 8 milliards de dollars, 4 milliards ont été puisés dans les capacités propres d’OCP, 1,2 milliard levé sur le marché obligataire national et 2,8 milliards sur le marché international. Des emprunts colossaux qui ont été plébiscités et certains investisseurs ont même demandé d’augmenter la durée de remboursement à 30 ans au lieu de 10 ans.

Avec ces changements, la valorisation du groupe OCP est passée de 32 milliards de DH à 100 milliards de DH en quelques mois. D’ailleurs, l’entrée de la BCP dans le capital du groupe s’est faite par l’acquisition de 5% du capital à 5 milliards de DH.

Les résultats

Les résultats de ces levées de fonds et de ces investissements ne se sont pas fait attendre. La capacité de production de la roche est passée de 27 millions de tonnes en 2005 à 44 millions de tonnes en 2018, celle des engrais de 3 à 12 millions de tonnes.

Le groupe est devenu premier producteur mondial d’engrais alors qu’il était 4ème en 2005. Il détient une part de marché de 22% contre 9% auparavant.

Il est passé d’un palier de chiffre d’affaires de 17 milliards de DH avant 2005 à près de 50 milliards de DH depuis 2007. Et alors qu’il était déficitaire jusqu’en 2006, le groupe réalise chaque année des bénéfices proches, voire supérieurs à 5 milliards de DH.

Le total bilan a été quadruplé (150 milliards de DH) et sa structure a été assainie avec 61 milliards de DH de capitaux propres.

Son programme d’investissement de 8 milliards de dollars a profité à hauteur de 63% à 400 entreprises industrielles marocaines et a permis de créer 8.400 emplois stables et 18 millions de jours-hommes en phase de construction. Par ailleurs, ce projet a permis de faire émerger 1.350 ingénieurs, dont 90% de Marocains, qui font désormais partie de JESA, la joint-venture créée avec Jacobs Engineering et qui est la plus grande entreprise d’ingénierie en Afrique.

Pour l’Etat, la contribution d’OCP en termes de dividendes, d’impôt sur les sociétés, de taxe de monopole et d’autres taxes, est passée de 700 MDH en moyenne par an avant 2007 à 5 milliards de DH par an après 2007.

Le développement durable n'est pas négligé

Et les réalisations ne s’arrêtent pas à l’économique et au financier. Les résultats en termes de développement durable sont au rendez-vous.

La part de l’eau usée épurée et de l’eau dessalée dans la consommation d’eau totale est passée de 2% en 2005 à 30% en 2018. La station de dessalement de Jorf Lasfar produit par exemple plus que la consommation de la ville d’El Jadida.

Pour l’énergie, l’électricité produite par la vapeur suite à la production de l’acide sulfurique (2.115 GwH) et par les éoliennes (dans le Sud), est passée de 59% en 2005 à 70% en 2018.

La réhabilitation des mines fermées a permis le développement de plusieurs cultures comme l’olivier, l’arganier, le caroubier et le quinoa.

Et le phosphogypse est réutilisé pour la construction des routes (à Safi notamment) et pour le traitement et la fertilisation des sols salins (à Oualidia).

Des ambitions encore plus grandes

Les ambitions du groupe sont encore plus importantes. Dans 1 an et demi, sa capacité de production d’engrais passera à 15 millions de tonnes ce qui lui permettra de capter 25% de la demande mondiale.

A plus long terme, une capacité de production d’un million de tonnes sera installée à Boucraa en 2023. Un investissement de 1,7 milliard de dollars pour réaliser, en plus de l’unité pour les engrais, une unité d’acide sulfurique, une autre d’acide phosphorique et une station de dessalement de l’eau de mer.

1.270 emplois stables seront créés dont 500 déjà engagés.

Et d’ici 2026, 4 milliards de dollars auront été investis dans l’axe Ben Guerir-Safi pour installer une capacité de production de 3 millions de tonnes d’engrais.

De Ben Guerir, un pipeline de phosphate acheminera la roche vers des unités d’acide sulfurique et d’acide phosphorique. Ce dernier produit sera à son tour acheminé par un pipeline jusqu’au complexe industriel de Safi. 2.500 emplois sont attendus.

En matière de développement durable, OCP vise à atteindre 100% d’énergie propre et de ressources en eaux non conventionnelles en 2028. Hormis la vapeur et l'éolien, le groupe va également miser sur le solaire dans les terrains des mines réhabilités.

Les enjeux actuels du marché

Vu que la demande sur les engrais traditionnels se tasse, OCP compte se renforcer sur les engrais customisés qui connaissent une forte croissance.

Il a déjà réalisé des cartes de fertilité des sols au Maroc, en Ethiopie et en Côte d’Ivoire, et livre déjà des engrais spécialisés pour le cacao, le maïs et le coton à plusieurs pays.

L’Ethiopie, par exemple, ne s’approvisionne plus en engrais classiques. Elle se fournit en engrais customisés, exclusivement auprès d’OCP qui remporte les appels d’offres étatiques.

Pour se renforcer sur ce segment, il mise sur la recherche et développement, notamment à travers l’Université Mohammed VI Polytechnique qui travaille, avec des partenaires marocains et étrangers, sur les produits de spécialité, le traitement du cadmium et des métaux lourds, la réutilisation de certains produits (phosphogypse, fluor…) et sur les sujets de développement durable (énergie, eau, environnement).

En 2018, il a consacré 150 millions de dollars à la R&D contre 3,5 millions en 2005. Cet argent reste au Maroc. Mais il est loin d’être suffisant, le challenger américain d’OCP, Nutrien, consacre, lui, 1 milliard de dollars à la R&D par an, soit 5% de son chiffre d’affaires (contre 2,7% pour OCP).

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