Kamal Mokdad: “La taille de la BP à l'international vient d'augmenter de 35%”

ENTRETIEN. Le groupe Banque Populaire a finalisé en octobre l'acquisition de 3 filiales africaines du groupe français BPCE, après celle de Maurice en 2018. Ces acquisitions lui ont permis d'augmenter sa taille à l'international de 35%. Le groupe est désormais présent dans 32 pays dont 18 en Afrique. Kamal Mokdad, DG de la BCP et de l'international, revient pour Médias24 sur la stratégie d'internationalisation du groupe et sur les réalisations dans cet entretien qui sera publié en deux parties.

Kamal Mokdad: “La taille de la BP à l'international vient d'augmenter de 35%”

Le 6 décembre 2019 à 14h00

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

ENTRETIEN. Le groupe Banque Populaire a finalisé en octobre l'acquisition de 3 filiales africaines du groupe français BPCE, après celle de Maurice en 2018. Ces acquisitions lui ont permis d'augmenter sa taille à l'international de 35%. Le groupe est désormais présent dans 32 pays dont 18 en Afrique. Kamal Mokdad, DG de la BCP et de l'international, revient pour Médias24 sur la stratégie d'internationalisation du groupe et sur les réalisations dans cet entretien qui sera publié en deux parties.

En 2020, l'international générera environ 28% du PNB du groupe contre un objectif stratégique de 30%. La BP est désormais la 6e plus grande banque en Afrique et la 3e en Afrique de l'Ouest.

Mais pour Kamal Mokdad, ce n'est pas la taille qui compte. Selon lui, la banque au cheval investit dans le continent à sa manière, avec des objectifs spécifiques : prendre des risques mesurés pour accompagner les Etats africains dans leur développement et favoriser l'inclusion socio-économique des populations, tout en accompagnant l'internationalisation des entreprises marocaines et l'action du Royaume en faveur du continent.

Médias24, qui a interviewé le DG de la BCP et de l'international après le closing des dernières opérations d'acquisition en Afrique subsaharienne, publie la première partie d'un entretien qui revient sur les réalisations du groupe à l'international, sa vision et ses objectifs stratégiques. La deuxième partie sera publiée dans quelques jours.

- Médias24: Où en est le groupe BCP dans l’acquisition des filiales africaines du groupe français BPCE ?      

- Kamal Mokdad: Nous venons de finaliser, en octobre dernier, l’acquisition de 3 filiales du groupe BPCE en Afrique. Ces opérations avaient été annoncées en 2018 mais les premières démarches ont en réalité été effectivement initiées en 2017.

Cette opération stratégique a été structurée en plusieurs jalons. Il y a eu d’abord l’étape de Maurice, bouclée en octobre 2018, avec l’acquisition de la Banque des Mascareignes, devenue depuis BCP Bank (Mauritius). Ensuite, nous nous sommes portés candidats pour l’acquisition de trois autres filiales du groupe BPCE au Cameroun (BICEC), au Congo (BCI) et à Madagascar (BMOI).

Ce processus a nécessité un temps incompressible pour la réalisation des diligences habituelles d’audit et d’évaluation, puis pour l’obtention de l’accord des autorités compétentes au Maroc et dans les différents pays d’implantation de ces banques.

- Était-ce un deal de gré à gré ? Qu’est-ce qui a pesé en votre faveur ?

- Le groupe BPCE a lancé, avec l’aide d’une banque d’affaires, un processus de cession structuré. La BCP a naturellement marqué son intérêt pour l’acquisition des filiales africaines de BPCE, en cohérence avec les ambitions affichées pour l’Afrique subsaharienne.

Nous avons donc soumis un dossier technique et financier qui nous a permis d’être shortlistés puis retenus. D’abord, parce qu’au-delà de l’offre financière, nous avons proposé un véritable projet pour les différentes banques reprises ; un projet fortement créateur de valeur qui permet d’accélérer la dynamique de développement entamée et par la même, apporter davantage de visibilité aux salariés et aux partenaires de ces banques.

Ensuite, il y a le « track-record » et l’historique du groupe BCP en matière d’intégration et de transformation de banques africaines. Quand nous avons repris en 2012 les filiales d’ABI (Atlantic Business International, holding de tête des Banques Atlantique), nous sommes passés par le même cycle et, aujourd’hui, l’expérience prouve que le groupe BCP a plutôt réussi à accélérer significativement la trajectoire de croissance de ces filiales, ainsi que leur capacité à créer de la valeur. Les différents indicateurs d’ABI ont été multipliés par 3, voire plus, depuis la reprise par la BCP. Cela a été un élément déterminant dans la décision du groupe BPCE.

Et enfin, il y a la solidité financière de notre groupe, étant donné que les banques reprises ont besoin d’être accompagnées en termes de fonds propres, de financements et d’expansion régionale, voire internationale. Celles-ci comptent en effet des clients globaux qui aspirent légitimement à être servis par un groupe disposant d’une large couverture géographique au niveau continental, et à même d’accompagner la physionomie de leurs activités (acteurs régionaux, filiales de multinationales…).

A ces facteurs, s’ajoute notre choix assumé de favoriser les compétences locales dans la gestion de nos filiales internationales, et d’imprimer un fort ancrage local à la stratégie de développement de chacune de nos banques.

- Ce dernier facteur est déterminant pour qui ? Le groupe BPCE qui est sortant ? Ou plutôt les autorités monétaires des pays d’implantation ?

- Le groupe BPCE a tenu à se désengager de l’Afrique de manière responsable. Mais il est vrai aussi que l’implication des compétences locales est l’une des attentes des autorités. Il ne faut pas oublier qu’en tant que repreneurs, nous avions un modèle économique et un dossier d’agrément à défendre. Ce facteur constitue un atout par rapport à d’autres offres concurrentes.

Aujourd’hui, dans la plupart des groupes internationaux, il est courant que les premiers postes de responsabilité soient occupés par des compétences du pays d’origine du repreneur. Au sein du groupe BCP, si l’on prend l’exemple des filiales ABI, 90% des directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints sont locaux ou originaires de la région d’implantation.

C’est un choix que nous revendiquons, au même titre que notre choix de promouvoir les marques locales lorsqu’elles sont bien installées. C’est le cas des Banques Atlantique, de la BICEC, de la BMOI et d’autres. En parallèle, nous travaillons sur un arrimage progressif pour déployer une identité visuelle cohérente avec celle que nous avons au Maroc, à travers notamment l’emblème du cheval. Ceci pour montrer que nous agissons dans un environnement plus global, et que nos clients peuvent être servis par d’autres relais du groupe, abstraction faite du pays de présence.

- Qu’en est-il du recours en justice introduit en France par des investisseurs camerounais pour annuler la cession de la BICEC ?

C’est un processus judiciaire qui suit son cours et nous n’avons pas de commentaire particulier à faire sur ce sujet. Je rappelle simplement que la transaction portant sur la BICEC a obtenu l’assentiment de l’ensemble des autorités réglementaires, à savoir le Conseil de la concurrence du Cameroun, la Commission de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale et la Banque Centrale du Maroc.

- Quel est le coût de l’acquisition des 4 filiales de la BPCE ?

- Nous préférons ne pas communiquer sur le coût de cette opération, non pas pour des raisons de confidentialité souhaitée, mais plus pour garder le montant discret, notamment à l’égard du cédant.

De toutes les manières, le prix d’entrée dans le capital de ces banques récemment acquises sera visible dans nos comptes. Ce que je peux vous dire, c’est que cette opération a été réalisée dans des conditions de marché ; des conditions qui ont été mutuellement bénéfiques pour les groupes BCP et BPCE. Nous avons appliqué les méthodes classiques d’évaluation qui ont permis de conclure cette acquisition à un prix intéressant, tout en tenant compte des conclusions des "due diligences" menées.

- Pouvons-nous au moins avoir un ordre de grandeur du prix, en centaines de millions d’euros… ?

Je vous donnerai le chiffre plus tard (Rire).

- Le deal représentait-il une simple opportunité pour la BCP, ou s’inscrivait-il dans vos orientations stratégiques ?

- La BCP a conçu une stratégie d’internationalisation qui répond à plusieurs objectifs, dont le premier est de mettre en place une plateforme d’accompagnement pour les entreprises marocaines et internationales qui se déploient en Afrique, à même de leur offrir une organisation agile et une connaissance fine à la fois des acteurs locaux et des marchés ciblés. Nous disposons également aujourd’hui dans notre portefeuille de plusieurs opérateurs qui aspirent à accompagner la stratégie d’ouverture du Maroc sur l’Afrique subsaharienne. Il était donc normal qu’un groupe comme la BCP puisse accompagner efficacement cette dynamique.

Le deuxième axe de notre stratégie consiste à nous déployer prioritairement dans des pays qui ont des similitudes avec le Maroc, aussi bien en termes de complémentarité des chaînes de valeurs qu’en termes de business-model bancaire, afin de capitaliser au maximum sur notre savoir-faire et imprimer une cadence de développement soutenue.

Nous visons enfin à bâtir des plateformes optimales permettant de rentabiliser rapidement les investissements significatifs que nous réalisons dans les nouvelles technologies et les systèmes d’information.

Nous avons ainsi défini une liste de pays prioritaires où nous souhaitons nous implanter. Les filiales que détenait BPCE, objet de notre dernière transaction, représentaient pour notre part une véritable opportunité stratégique.

- Que pèsent maintenant les filiales africaines et internationales dans votre groupe ?

- Dans le cadre du plan « Elan 2020 » du groupe BCP, nous avions inscrit comme priorité le renforcement du poids de nos activités internationales, dans le but de construire de nouveaux relais de croissance permettant d’accompagner l’évolution de la taille du groupe et de mutualiser les plateformes établies au Maroc.

L’objectif était de porter le poids de l’international à environ 30% du PNB consolidé (produit net bancaire). Ce seuil ne constitue pas une limite, bien entendu, mais plutôt un cap à partir duquel nous devrons revisiter notre stratégie.

Lors de l’acquisition en 2012 des Banques Atlantique par le groupe BCP, nous étions à une contribution de l’international dans le PNB consolidé de l’ordre de 12%. Fin 2018, nous avons clôturé l’année avec 19% de contribution. Avec ces nouvelles acquisitions, la part de l’international devrait être portée à environ 28% à fin 2020, qui constituera la première année pleine post-acquisition. Les nouvelles filiales récemment acquises représentent donc un additionnel de PNB consolidé de 8% à 9% pour la BCP, impliquant une croissance de la taille de notre groupe à l’international d’environ 35%.

- Vous êtes désormais présents dans combien de pays ?

- La réponse surprend souvent mais le groupe BCP est actuellement opérationnel dans 32 pays à travers le monde, dont 18 pays en Afrique.

Sur le continent africain, notre groupe est présent de différentes manières. D’abord, à travers les banques (Banques Atlantique, BIA, BPMG, BPMC, BICEC, BCI, BMOI, BCP Bank Mauritius…), mais aussi à travers quatre compagnies d’assurance en Côte d’Ivoire et au Togo. Nous sommes également actifs via 8 filiales de microfinance en dehors du Maroc, pilotées par notre holding AMIFA (Atlantic Microfinance for Africa), au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée-Conakry, au Burkina Faso, au Gabon, au Rwanda et à Madagascar.

Nous sommes en outre présents en Afrique subsaharienne à travers une société de gestion d’actifs (Atlantique Asset-Management) et une banque d’affaires (Atlantique Finance). Cette dernière va d’ailleurs intervenir, conjointement avec Upline Corporate Finance, son équivalent au Maroc, sur la levée de fonds internationale de 300 millions d’euros en faveur de l’Etat ivoirien, suite à la signature récente d’un protocole d’accord à ce sujet avec le ministère des Finances en Côte d’Ivoire.

Nous avons par ailleurs acquis en fin d'année dernière Wizall, une start-up innovante dans le Mobile Money. Wizall propose aux entreprises, aux ONG et aux coopératives une solution simple, sécurisée et disponible quel que soit l'opérateur télécom, pour digitaliser les flux cash (billetage). C’est une solution entièrement gratuite pour l'utilisateur final, que ce soit pour les retraits, les transferts ou les paiements. Wizall propose aux entreprises une interface web dédiée pour effectuer des envois de masse comme cela est le cas au Sénégal pour le paiement de plus de 30.000 bourses aux étudiants, ou encore en Côte d'Ivoire pour le paiement de 20.000 filets sociaux. Wizall Money est disponible aujourd'hui dans plusieurs pays d’Afrique.

Autre filiale : ATPS, filiale de notre établissement de paiement au Maroc, M2T. Spécialisée dans le développement de solutions de paiement et la gestion de réseaux de distribution, ATPS est pionnière et leader dans l’agrégation de services de paiement (encaissement de factures, transfert d’argent, distribution de monnaie électronique…). Elle est aujourd’hui un des acteurs majeurs de l’écosystème de l’inclusion financière à travers son réseau Proximo, fort de près de 7.000 points services servant mensuellement 300.000 clients au Sénégal. ATPS a également démarré ses activités en Côte d’Ivoire, au Mali et au Niger.

Le groupe BCP a positionné ATPS au cœur de son nouveau schéma directeur de la distribution en Afrique, avec le déploiement d’un nouveau modèle d’agence baptisé « Atlantique Cash ». Ce concept novateur, assez hybride entre le point multi-services et l’agence bancaire, permettra à la population de bénéficier d’un réseau de proximité et de qualité proposant une large gamme de services transactionnels financiers et parabancaires, à travers nos différentes filiales (Banque Atlantique, Amifa, Wizall) mais également des services innovants et disruptifs à venir qui permettront de développer de nouveaux usages.

- Comment fonctionne le réseau des banques ABI ?

- Nous sommes le seul groupe bancaire africain à avoir déployé une plateforme régionale de proximité. ABI est en effet une holding de portage, de développement et de contrôle de nos différentes filiales en Afrique de l’Ouest. Forte de 150 collaborateurs, c’est elle qui détient notamment les Banques Atlantique et BPMG (Banque Populaire Maroco-Guinéenne) en Guinée-Conakry, les compagnies d’assurance, la banque d’affaires et la société de gestion d’actifs.

Nous sommes partis en effet du constat qu’il n’y a pas une seule Afrique mais plusieurs Afriques. Par conséquent, pour pouvoir mieux adapter notre business-model aux réalités et spécificités de chaque pays, il fallait avoir des relais de proximité. C’est dans cette perspective que nous avons structuré ABI de façon à nous permettre de mutualiser un certain nombre de fonctions, d'apporter de l’expertise additionnelle à nos filiales et de renforcer le dispositif de gestion des risques.

- Quels sont désormais vos parts de marché et votre poids dans le continent ?

Même si la taille n’est pas une fin en soi, aujourd’hui la BCP est le sixième grand groupe bancaire en Afrique par la taille des fonds propres, le 3e acteur bancaire en Afrique de l’Ouest, le 2e en Côte d’Ivoire qui est la principale économie de la région et le 1er au Niger avec deux banques (Banque Atlantique Niger et BIA Niger). Dans le reste des pays, notre part de marché varie globalement entre 10% et 15%.

*La deuxième et dernière partie de cet entretien sera publiée prochainement.

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