Commerce. Moulay Hafid Elalamy fait son mea culpa
Il reconnaît dans un discours franc et sincère que les services du ministère n’ont pas accordé, par le passé, au secteur toute l’importance qu’il mérite. Désormais, le commerce sera doté d’une stratégie globale, avec des moyens et des objectifs clairs et réalisables.
On reprochait à Moulay Hafid Elalamy d’être beaucoup plus ministre de l’Industrie que du Commerce. Depuis sa nomination à la tête du ministère sous Benkirane, il a concentré tous ses efforts sur la stratégie d’accélération industrielle. Idem pour ses sorties médiatiques, toutes axées ou presque sur l’industrie, l’automobile, l’aéronautique, les écosystèmes, les taux d’intégration…
Ceci est en train de changer. Et c’est le ministre lui-même qui l’avoue, à l’ouverture du Forum Marocain du Commerce qui se tient entre aujourd’hui et demain à Marrakech.
MHE a eu un discours franc, sincère et en darija. Il a reconnu que son ministère n’avait pas le temps pour traiter les problématiques du secteur. Et qu’il n’avait pas conscience de l’importance et du rôle économique et social des commerçants.
Depuis janvier, le ministre a sillonné le Maroc. « Il a fait plus de 100 000 kilomètres pour aller à la rencontre des acteurs du secteur dans les 12 régions du royaume », confie un membre de son staff.
Cette tournée régionale lui a permis de toucher de plus près les problématiques liés au commerce, un secteur qui emploi plus de 1,5 million de personnes.
« 1,5 million de famille qui vivent du commerce. Et le commerçant au Maroc n’est pas un simple marchand. Il a un rôle social. Je le dis parce que je l’ai vécu ici à Marrakech. Le commerçant du quartier ne vend pas simplement des produits, il rend de préciceux services aux habitants », explique-t-il.
Il donne l’exemple du fameux « carnet », cette ligne de crédit qu’accorde le commerçant du quartier à ses clients. « Le commerçant a un statut dans le quartier. Je me rappelle du commerçant du quartier où j’ai grandi, Ssi Brahim. On devait l’appeler Ssi Brahim, par respect. Mon père nous l’imposait. Les gens lui faisait confiance, lui remettait les clés de leur maison quand ils partaient en voyage… », nous raconte le ministre. « Ils ont inventé le système du crédit à la conso et du rating avant même les banques. C’est un rôle historique qu’ils doivent continuer de jouer. On doit les aider », ajoute MHE.
En gros, le commerce au Maroc, c’est plus de 800 000 points de vente, dont 80% constitué du réseau traditionnel, sans compter les 1000 souks qui se tiennent toutes les semaines dans le milieu rural.
Il y aussi les petites et grandes surfaces du type BIM, Marjane, Carrefour, Label Vie… mais aussi le commerce électronique, qui ne représente certes aujourd’hui que 0,2% des flux, mais qui croît à un rythme de 50% par année, selon les données communiquées par MHE et la présidente de l’APEBI, Salwa Karkri Belkeziz.
1325 recommandations pour une stratégie globale
La nouvelle stratégie sur laquelle le ministère planche doit adresser l’ensemble de ces intervenants de la chaîne.
Dans son intervention ce matin, MHE a axé son discours sur le petit commerçant ou le réseau traditionnel, qui souffre selon lui de plusieurs problématiques, liés aux impôts, à la protection sociale, à la concurrence des enseignes étrangères subventionnées par leurs Etats (il fait référence au turc BIM sans le nommer), à l’informel, à la transformation des réseaux de distribution avec la montée en puissance du e-commerce, et du manque d’une stratégie globale.
« Je l’avoue. Nous n’avons pas accordé le temps nécessaire pour adresser les problématiques du secteur. Je vous avoue également que j’avais une stratégie prête depuis un an déjà, mais j’ai considéré qu’elle était incomplète », lance le ministre à l’adresse des 1500 particants au Forum, des assises qui ne disent pas en réalité leur nom.
D’où l’idée, explique-t-il d’aller dans les régions pour écouter les commerçants et leurs représentants. « Nous avons découvert beaucoup de choses dans cette tournée. Des informations et des problématiques qui nous échappaient complètement. Les stratégies ne doivent plus être conçues à Rabat, dans les ministères. Sa Majesté insiste beaucoup sur ca. Au total, nous avons recueillis 1325 recommandations, qui vont être le socle de la nouvelle stratégie que nous présenterons aux opérateurs, au gouvernement et à Sa Majesté », explique le ministre.
Le président de la CGEM ne dit pas autre chose. Pour lui, le commerçant marocain est encerclé de toutes parts : par la concurrence déloyale des enseignes étrangères (il fait également référence à BIM sans le citer), à la concurrence de l’informel, et au réseau électronique qui est en train de monter en force.
Salaheddine Mezouar se dit toutefois optimiste quant à la démarche initiée par MHE, mais insiste sur une chose qu’il considère essentielle : la continuité et l’efficacité.
Il cite l’exemple du plan Rawaj, qu’il a lui-même initié sous le gouvernement Jettou et qui s’est brusquement arrêté sans la moindre évaluation. « On ne peut pas concevoir des stratégies, sans avoir les moyens de les mettre en place. L’action publique doit évoluer, être plus efficace, sinon on retombera dans les travers du passé », lance-t-il.
Moulay Hafid Elalamy abonde également dans le même sens, et profite de la tribune qui lui est offerte pour appeler le ministère des Finances à doter son ministère du budget et des moyens nécessaires pour réussir ce challenge. « Si on a réussi dans l’industrie, c’est parce qu’on mobilise 3 milliards de dirhams par année dans le cadre du Fonds pour le développement industriel. C’est 21 milliards sur 7 ans. Le commerce doit également avoir les moyens de ses ambitions ».
Les deux jours du Forum permettront aux acteurs du secteur et aux responsables publics d’échanger autour des recommandations émises lors de la tournée régionale. Une vision et une stratégie en découleront. « Les équipes du ministère seront toutes mobilisées autour de ce programme. Ca sera désormais notre priorité », promet le ministre.
Pour revoir le live de l'ouverture du Forum :
Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!