Les marges confortables des cimentiers défient la mauvaise conjoncture

LafargeHolcim et Ciments du Maroc dégagent des marges d'EBE de 47% contre près de 20% pour leurs maisons mères. Le prix du ciment a augmenté de 72% depuis 2000. En comptant la rémunération des distributeurs, 60% du prix de vente du ciment est constitué de marges.

Les marges confortables des cimentiers défient la mauvaise conjoncture

Le 5 septembre 2018 à 17h20

Modifié 5 septembre 2018 à 17h20

LafargeHolcim et Ciments du Maroc dégagent des marges d'EBE de 47% contre près de 20% pour leurs maisons mères. Le prix du ciment a augmenté de 72% depuis 2000. En comptant la rémunération des distributeurs, 60% du prix de vente du ciment est constitué de marges.

Le ciment coûte-il cher au Maroc ? Mercredi 5 septembre 2018 à Casablanca, le sac de 50 kg du CPJ 45 (utilisé pour les bétons armés courants et les bétons destinés aux travaux en grandes masses) se vendait à 74 DH chez un détaillant de matériaux de construction. Le CPJ 35 (utilisé pour les bétons faiblement sollicités, non armés et tous les types de mortiers) coûtait 72 DH.

Cela fait respectivement 1,48 DH et 1,44 DH le kilo, ou 1.480 DH et 1.440 DH la tonne. Ces prix peuvent varier selon les régions, la quantité achetée et la source d’approvisionnement (détaillant, semi grossiste, grossiste…).

Ces deux types de ciment gris représentent l’essentiel des ventes des cimenteries installées au Maroc (plus de 90%).

Dans une étude publiée par le Conseil de la concurrence en 2012 sur le secteur du ciment, l’écart entre les prix du Maroc et des pays comme l’Egypte et la Turquie était de plus de 40% (1.000 DH hors taxes la tonne contre 700 DH).

Pour le Conseil de la concurrence, les prix sont élevés

Le Conseil a clairement précisé que toute comparaison des prix du ciment entre les pays ne peut être qu’indicative compte tenu d’une multitude de différences: présence ou non de l’Etat dans le capital, marché libre ou régulé, niveau des impôts et taxes, coût de l’énergie…

Mais cela ne l’a pas empêché de tirer un enseignement évident: le prix du ciment au Maroc est plus cher qu’ailleurs.

Hormis le niveau de prix, ce qui est le plus frappant c'est l’évolution constante et généralisée de celui-ci. Les cimentiers augmentent leurs prix presque chaque année depuis le début de la décennie 2000.

En 2000, le prix du CPJ 45 était de 860 DH la tonne chez les détaillants. Aujourd’hui, il est de 1.480 DH, soit une augmentation de 72% ou un taux de croissance annuel moyen de plus de 3%.

Jusqu’en 2011, les augmentations de prix pouvaient se justifier par la forte progression de la demande. La consommation nationale de ciment était passée de 10,3 millions de tonnes en 2005 à plus de 16 millions en 2011, et la capacité de production des cimentiers arrivait à peine à couvrir les besoins.

Mais depuis cette date, la consommation de ciment a emprunté une trajectoire descendante pour atteindre 13,8 millions de tonnes en 2017.

En parallèle, les cimentiers ont investi massivement dans l’augmentation de leurs capacités, sans compter l’arrivée sur le marché de Ciments de l’Atlas (Groupe Sefrioui). De 11,7 millions de tonnes en 2005, la capacité de production a presque doublé pour passer à plus de 21 millions de tonnes aujourd’hui.

La surcapacité de production, qui n’était que d’un million de tonnes, est passée à plus de 7 millions! Malgré cette situation, les prix ont poursuivi leur tendance haussière.

Les prix augmentent malgré la surcapacité de production

Comment expliquer les prix élevés au Maroc et surtout leur évolution? S’agit-il de la taxe spéciale sur le ciment, instaurée en 2002 et augmentée en 2004 et en 2012 (150 DH la tonne) ?

Pour le Conseil de la concurrence, la taxe sur le ciment ne peut expliquer qu’en partie la cherté de ce produit.

S’agit-il de la hausse du prix de l’énergie qui constitue près de 65% du coût variable de production du ciment (plus de 25% du coût total)? Si les prix de l’électricité ont effectivement connu une augmentation au cours des dernières années, ceux du petcoke, du fioul et du charbon subissaient des fluctuations avec des périodes de prix bon marché.

De plus, les cimentiers ont sensiblement augmenté leur productivité en améliorant les performances de leurs fours, en recourant aux énergies renouvelables, à l’utilisation des déchets comme combustibles…

Est-ce alors le coût des investissements? Il est vrai que les opérateurs ont lancé d’importants projets d’implantation d’usines et d’extension de capacités et ils continuent à le faire. D’ailleurs, leurs charges d’amortissements s’élèvent à des milliards de DH par an. Mais la hausse continue des prix dépasse largement le surcoût lié aux investissements.

En fait, les augmentations de prix leur permettent surtout de maintenir des marges confortables, surtout en cette période de baisse de la consommation de ciment.

Les comptes consolidés des cimenteries cotées en bourse montrent effectivement que leurs niveaux de marges sont élevés (ces comptes incluent d’autres activités comme le préfabriqué, le plâtre mais les comptes sociaux affichent les mêmes niveaux de marge).

Pour LafargeHolcim Maroc, qui détient 55% de parts de marché, la marge d’EBE s’élève à 47,2% (excédent brut d’exploitation rapporté au chiffre d’affaires). C’est une marge nette des achats de matières, des autres charges externes, de différentes taxes et des charges de personnel.

En ajoutant les amortissements, la marge d’exploitation descend à 39%, un niveau toujours confortable.

La marge nette s’élève, elle, à 24%. Un niveau très élevé pour une activité industrielle.

Idem chez Ciments du Maroc (24% de parts de marché). La marge d’EBE atteint 47%, la marge d’exploitation 29% et la marge nette à 23%.

Ce qui confirme que ces marges sont élevées c’est que les maisons mères de ces mêmes sociétés n’atteignent pas ces niveaux de rentabilité. LafargeHolcim Monde affiche en effet une marge d’EBE de 23% (contre 47% pour sa filiale marocaine). HeidelbergCement, la maison mère de Ciments du Maroc, n’atteint même pas 20% de marge d’EBE.

L'entente sur les prix, difficile à prouver

Pour le Conseil de la concurrence, les marges dégagées par les cimentiers au Maroc sont très importantes au regard des autres secteurs industriels. «Ces marges confortables donnent une possibilité accrue de jouer sur les prix afin de gagner des parts de marché, mais on peut penser aussi que tant que l’entreprise dominante n’utilise pas cette marge de manœuvre pour faire du dumping, il n’y a aucune raison pour que les trois autres le fassent au détriment de l’ensemble du secteur», lit-on sur le rapport publié en 2012.

Le Conseil poursuit en disant que le niveau élevé des prix peut amener à soupçonner des ententes entre les opérateurs. Il écarte toutefois cette éventualité faute de preuves, mais affirme qu’il n’est pas déraisonnable de demander aux cimentiers de faire un effort sur les prix.

Il faut savoir enfin qu’outre les cimentiers, les distributeurs appliquent également des taux de marge élevés. Il faut compter 10 à 15% pour les grossistes et autant pour les détaillants. En ajoutant la marge des fabricants, on aboutit à un prix du ciment constitué à 60% de marges.

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