Immatriculation des motos: La fraude persiste

Les moteurs des motos dont la cylindrée dépasse 50 cm3 sont changés avant le passage au centre de visite technique puis réinstallés par des revendeurs. Ceux des motos de petite cylindrée sont remplacés après l'enregistrement. Pour l'Association des importateurs de motos, il faut renforcer le contrôle des importateurs en rapprochant les données de la Douane de leurs ventes et appliquer la vérification de la cylindrée par la police sur le terrain.

Immatriculation des motos: La fraude persiste

Le 5 août 2018 à 10h27

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Les moteurs des motos dont la cylindrée dépasse 50 cm3 sont changés avant le passage au centre de visite technique puis réinstallés par des revendeurs. Ceux des motos de petite cylindrée sont remplacés après l'enregistrement. Pour l'Association des importateurs de motos, il faut renforcer le contrôle des importateurs en rapprochant les données de la Douane de leurs ventes et appliquer la vérification de la cylindrée par la police sur le terrain.

La vente et l’utilisation des deux roues au Maroc profitaient d’un vide juridique jusqu’en 2015. Les distributeurs importaient des motos dont la cylindrée est supérieure à 50 cm3 qu'ils déclaraient comme inférieure à 50 cm3.

Cela leur permettait de minorer les droits de douane. De leur côté, les conducteurs échappaient à l’obligation d’avoir un permis de conduire et d’immatriculer leurs véhicules, et payaient une prime d’assurance inférieure à ce qui est normalement dû. Sur le plan de la sécurité routière, cette situation induisait un nombre important d’accidents de la circulation impliquant des deux roues.

Le phénomène était tellement important que sur les 200.000 motos importées par an au Maroc durant les années fastes (jusqu’en 2014), à peine quelques milliers étaient immatriculées alors que la cylindrée de la grande majorité était supérieure à 50 cc.

Pour mettre fin à cette anarchie, le ministère du Transport a décidé d’appliquer, à partir du 20 mai 2015, les dispositions du Code de la route de 2010 relatives au contrôle et à l’immatriculation ou l’enregistrement de cyclomoteurs, les motocycles, les tricycles à moteur (la prolifération des triporteurs avait aggravé la situation) et les quadricycles à moteur.

En effet, il a publié deux arrêtés ministériels, entrés en vigueur à cette date, pour immatriculer ou identifier toutes les motos, y compris celles inférieures à 50 cc, en leur attribuant un titre de propriété et une plaque minéralogique.

>>Lire aussi: Cyclomoteurs: les conséquences de l’immatriculation obligatoire

Cette nouvelle obligation concernait immédiatement les nouvelles acquisitions de motos et une période transitoire avait été prévue pour immatriculer ou enregistrer le parc roulant estimé actuellement à près de 2 millions de motos (pas de statistiques officielles actualisées), dont une grande partie de cylindrées supérieures à 50 cc.

Au delà des difficultés rencontrées lors de cette opération (la date limite a été reportée à trois reprises jusqu’en juillet 2017 contre octobre 2015 initialement, des deux roues circulent toujours sans numéro d’immatriculation ou d’enregistrement…), elle a permis malgré tout de contrôler et d’attribuer un numéro d’identification à un nombre important de motos en circulation et de traiter systématiquement les nouvelles acquisitions.

Néanmoins, la fraude persiste car le contrôle n’est pas efficace à 100%. Explications avec Abdelaziz Kammah, président de l'Association des importateurs de motos (AIM).

Plus de 130.000 motos importées en 2017, principalement de Chine

En 2017, plus de 130.000 motos ont été importées au Maroc, dont environ 30.000 d’une cylindrée supérieure à 50 cc. La part de cette dernière catégorie a sensiblement diminué par rapport aux années précédentes où elle s’élevait à plus de 50% des importations, et ce grâce au renforcement du contrôle, notamment par la Douane.

Toutefois, sur les 30.000 motos supérieures à 50 cc, seules 5.000 ont été immatriculées en tant que telles par le ministère du Transport, selon l’AIM.

Abdelaziz Kammah explique qu’à la demande des acheteurs, un nombre important de distributeurs et revendeurs changent le moteur de plus de 50 cc par un autre inférieur à 50 cc avant le passage devant les centres de contrôle technique. Le moteur d’origine est réinstallé après l’enregistrement du véhicule.

Pire, une bonne partie des 100.000 motos de moins de 50 cc ont elles aussi été dotées de moteurs plus puissants (généralement de 90 cc) après l’enregistrement, moyennant quelque 1.500 DH.

«Avant, la fraude était généralisée en l'absence de cadre juridique. Aujourd’hui elle est en quelque sorte "réglementée" et banalisée. Plusieurs conducteurs de motos de cylindrées supérieures à 50 cc circulent avec des titres de propriété et des numéros d’enregistrement de motos inférieures à 50 cc sans être inquiétés», martèle M. Kammah.

Toujours pas de permis "AM" pour les petites cylindrées, faute de texte d'application

Pour le président de l’AIM, le contrôle est inefficace. Le ministère du Transport a entamé cette année une vaste opération d’audit des importateurs et concessionnaires, à travers un cabinet externe mandaté après avoir lancé un appel d’offres et défini un cahier des charges. Mais la vérification se limite à quelques critères comme le registre de commerce, les déclarations d’impôts, la présence géographique…

Or, pour M. Kammah, le contrôle doit surtout porter sur les importations de motos et des moteurs en pièces détachées. «Au niveau de la Douane, on sait combien chaque importateur a ramené de motos et de moteurs par niveau de cylindrée. Il suffit que les vérificateurs du ministère du Transport ramènent ces informations et les confrontent aux états des ventes et des stocks des distributeurs. C’est simple et ce n’est que de cette manière qu’on peut vraiment barrer la route aux fraudeurs. Pourtant ce n’est pas fait», regrette le président de l’AIM.

Ce dernier appelle également à ce que les agents de contrôle de la circulation (police, gendarmes) vérifient sur le terrain la conformité des motos avec les papiers car pour l’instant, le passage par les centres de visite technique se fait une seule fois (à l’achat) et non périodiquement comme pour les voitures et les poids lourds.

«Les agents de la circulation ont été formés et équipés par le ministère du Transport pour vérifier la cylindrée des motos sur le terrain. Il faut qu’ils passent à l’acte en attendant l’instauration du contrôle technique périodique (on s’achemine vers un contrôle tous les deux ans, ndlr)», précise M. Kammah.

En l’absence de contrôle chez les importateurs et sur le terrain, les propriétaires de motos parviennent donc à contourner la réglementation pour gagner en puissance (et donc en vitesse) sans détenir un permis de conduire. Avant, cela leur permettait également de réduire la prime d’assurance. Ce n’est plus possible aujourd’hui.

La prime d'assurance a augmenté sauf pour les cyclomoteurs, en voie de disparition

Depuis juin dernier, les compagnies d’assurance ont surclassé toutes les motos qui étaient déclarées inférieures à 50 cc, sauf les cyclomoteurs (mobylettes). Aujourd’hui, même un vrai scooter inférieur à 50 cc est assuré (responsabilité civile) à 1.442 DH contre 730 DH auparavant.

En fait, les assureurs expliquent que pour les motos de moins de 50 cc qui ne dépassent pas 60 km/h, l’assurance est maintenue à 730 DH. Pour celles de moins de 50 cc mais dont la vitesse est supérieure à 60 km/h, la prime est relevée à 1.442 DH.

Pour le président de l’AIM, ce changement est inéquitable mais les assureurs ne pouvaient faire autrement face au désordre qui règne dans le secteur.

«Aujourd’hui, il n’existe nulle part une moto qui roule à moins de 60 km/h. Une mobylette et un scooter de moins de 50 cc ont la même vitesse, il est donc anormal que les seconds supportent le double de ce que paient les premiers», analyse M. Kammah.

Pour lui, les assureurs ont voulu faire simple car ils sont dans l’incapacité de distinguer les vraies motos de 50 cc des fausses. C’est pour cela que seuls les cyclomoteurs ont été exclus du reclassement. Mais cette catégorie de motos est en voie de disparition au profit des motos à vitesse chinoises, ce qui veut dire que dans pas longtemps l’assurance de toutes les motos démarrera à 1.430 DH.

Les compagnies attendaient que la mise en place de l’enregistrement règle le problème car jusqu’à aujourd’hui, elles accusaient un grand manque à gagner estimé à plusieurs centaines de millions de dirhams vu que toutes les motos étaient déclarées inférieures à 50 cc. Mais la réglementation n'a pas pu mettre de l'ordre dans le secteur.

En attendant un renforcement du contrôle et l’instauration du permis de conduire pour les motos inférieures à 50 cc (permis "AM" prévu par le Code de la route amendé en 2016 mais dont les textes d’application n’ont toujours pas vu le jour), les importations de motos ont repris leur croissance.

Après le pic de 180.000 motos importées en 2014, elles avaient chuté suite au renforcement du contrôle et à l’instauration de l’enregistrement. Selon le président de l’AIM, il y a eu une reprise et l’on se situe actuellement à près de 140.000 motos.

Pour M. Kammah, la demande est là et porte majoritairement sur les petites motos à vitesses chinoises commercialisées entre 7.000 et 8.000 DH. Ces motos sont principalement importées de Chine.

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