Mustapha, l'ingénieur devenu mineur clandestin dans les descenderies de charbon de Jerada

C’est un cas particulier parmi les jeunes chômeurs de Jerada. Mustapha Fagrouch – 33 ans, est l’un de ces mineurs clandestins qui s’usent la santé dans les descenderies de charbon. Aussi improbable que cela puisse paraître, c’est aussi un ingénieur en génie industriel, lauréat de l’Esith… Entretien.

Mustapha, l'ingénieur devenu mineur clandestin dans les descenderies de charbon de Jerada

Le 17 janvier 2018 à 16h27

Modifié 11 avril 2021 à 1h25

C’est un cas particulier parmi les jeunes chômeurs de Jerada. Mustapha Fagrouch – 33 ans, est l’un de ces mineurs clandestins qui s’usent la santé dans les descenderies de charbon. Aussi improbable que cela puisse paraître, c’est aussi un ingénieur en génie industriel, lauréat de l’Esith… Entretien.

Médias24: Comment un ingénieur se retrouve-t-il à travailler dans le charbon ?

Mustapha Fagrouch: C’est une longue histoire. Pour résumer je dirais que cela est dû au manque d’opportunités. J’ai une famille à nourrir, un petit garçon de deux ans à élever…

-En quelle année avez-vous décroché votre diplôme?

-Après deux ans en classes préparatoires, j’ai intégré l’Ecole supérieure des industries du textile et de l’habillement, dont j’ai été diplômé en 2012. J’ai effectué plusieurs stages, notamment dans de grandes sociétés marocaines, sans réussir à décrocher un emploi.

-Comment expliquez-vous cela, alors qu’en général il y a peu de chômage parmi les ingénieurs?

-Trouver un emploi adéquat nécessite un minimum de ressources, surtout quand il faut prospecter loin de sa ville natale. C’est ce qui me fait cruellement défaut, d’autant plus que je n’ai pas de famille sur laquelle compter. Mon père est un ancien mineur, décédé des suites de la silicose.

-A Jerada, avez-vous déjà travaillé ailleurs que dans les descenderies?

-J’ai essentiellement travaillé sur des chantiers de construction et dans de petites sociétés. A Jerada, les postes en adéquation avec mon profil ne sont pas légion, c’est pourquoi j’ai le sentiment terrible d’être exploité quand j’accepte des petits boulots. J’ai aussi pensé à émigrer au Canada, mais les frais de dossier sont trop élevés pour moi.

-Avez-vous sollicité des responsables de la région pour trouver un emploi?

-Bien évidemment. J’ai déposé un dossier complet à l’Anapec ainsi qu’auprès de la commune, avec mon diplôme d’ingénieur, mes attestations de stage,… Seule la commune m’a contacté, pour me proposer un emploi sous-qualifié. J’étais chargé de la saisie de données sur ordinateur, tout en faisant office de coursier. Pour une rémunération de 1200 DH par mois…

-J’imagine que cela n’a pas dû vous satisfaire…

-J’en suis venu à maudire les études que j’ai faites. Si j’avais su, je me serais contenté d’élever du bétail, cela m’aurais permis de vivre décemment, contrairement à mon diplôme d’ingénieur.

-C’est ce qui vous a poussé à travailler dans les descenderies de charbon?

-Tout à fait. J’ai commencé en tant que simple manœuvre, avant d’opter pour le transport de charbon, par triporteur.

-Et vous réussissez à en vivre décemment?

-Les bonnes semaines, on peut gagner jusqu’à 500 ou 600 DH. L’inconvénient, c’est qu’on ne travaille pas tous les jours, ni chaque semaine. C’est plus de la survie qu’autre chose, comme si j’étais un malade sous perfusion. Il faut dire aussi que les choses ont empiré depuis les manifestations, il est devenu difficile d’accéder aux descenderies.

-Connaissez-vous d’autres jeunes diplômés de Jerada, dans la même situation?

-Il y a un nombre important de titulaires de masters, de licences,… Personnellement, je connais quelques lauréats de l’OFPPT – diplômés en mécanique et en maintenance, qui travaillent avec moi dans les descenderies, faute de mieux.

-En rapport avec le hirak, quel message souhaitez-vous faire passer aux responsables?

-La priorité est de désenclaver Jerada, c’est le principal obstacle aux investissements dans la province. Une étude devrait également être menée afin d’identifier les potentialités de la région, ce qui fera ressortir les opportunités économiques les plus porteuses. L’objectif est de trouver des solutions pérennes, et non de simples plans de sauvetage qui atteindront leurs limites dans quelques années – au risque de provoquer un nouveau hirak.

-Et vos aspirations personnelles?

-J’espère être en mesure de travailler dans la province, qu’une solution sera trouvée pour que mon fils ne connaisse pas le même destin injuste. On ne fait pas des études supérieures juste pour survivre. Je suis un citoyen marocain avec des droits, et j’aspire aussi à apporter une réelle plus-value à mon pays.

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