Programmes: un trop large consensus sur les grands chantiers et orientations

Médias 24 poursuit ci-après l’analyse des programmes présentés par les partis politiques dans le cadre des législatives. Après la culture, voici une série d’articles consacrés à l’économie, au social et au chiffrage des programmes. Cet article est rédigé par Larabi Jaïdi, économiste.

Programmes: un trop large consensus sur les grands chantiers et orientations

Le 3 octobre 2016 à 17h14

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

Médias 24 poursuit ci-après l’analyse des programmes présentés par les partis politiques dans le cadre des législatives. Après la culture, voici une série d’articles consacrés à l’économie, au social et au chiffrage des programmes. Cet article est rédigé par Larabi Jaïdi, économiste.

Dans leur forme, les programmes des partis sont plus ou moins attractifs.

Certains sont lourds, ennuyeux et compliqués à déchiffrer pour un lecteur lambda (USFP, PI); d’autres sont courts et peu novateurs (MP, RNI, FGD, PPS), d’autres enfin sont sexy et stimulants (PJD, PAM, UC).

La plupart suivent la même démarche: un exposé des visions, des principes et des orientations pour aboutir à  des actions et des mesures. 

Tous insistent sur l’approche participative, suivie dans l’élaboration du document: panel d’experts, consultation publique;capitalisation sur l’expérience du parti…

Une saisie rapide des diagnostics établis sur «l’état de la Nation» et du référentiel convoqué pour la définition des principes fondateurs des programmes permet de mieux apprécier la pertinence des orientations et des inflexions à introduire dans les modèles économique, social et institutionnel en cours.

Sur le plan du diagnostic, il est clair que les partis d’opposition ont tiré à boulets rouges sur le bilan de la coalition gouvernementale.

Dans son état des lieux, le PI est d’une grande sévérité sur les contre-performances macro-économiques du gouvernement (croissance, investissement, dette, chômage…).

Pour le PAM, le bilan est tout simplement décevant: au delà de la détérioration de la situation macro-économique et des entraves au développement, les réformes sont partielles et dépourvues de créativité.  

L’UC relève un bilan aux antipodes des ambitions du pays.  La FGD et l’USFP dénoncent la gestion catastrophique de la chose publique et le décalage entre engagements et réalisations.

Campagne électorale oblige, cette critique virulente n’est pas surprenante, même dans sa démesure.

Ce qui est étonnant, c’est le passage sous silence de l’action gouvernementale par des partis de la majorité (RNI, MP) et son appréciation lapidaire et sélective par le PPS.

Seul le parti leader de la coalition gouvernementale assume pleinement les résultats de la législature: appui à la stabilité du pays, réalisation de réformes structurantes, rétablissement de la santé financière et économique.

De son point de vue, les indicateurs macro-économiques sont au vert. La check-list des réformes entamées ou poursuivies est non moins impressionnante: régionalisation, réformes du système judiciaire, des régimes de retraite, de la Caisse compensation, du climat des affaires…

Les avancées sociales en faveur des catégories démunies et vulnérables sont appréciables, selon le PJD: hausse du salaire minimum et du seuil des pensions de retraite dans le secteur public; indemnité pour perte d’emploi; fonds de solidarité familiale en faveur des femmes divorcées démunies; généralisation du régime d’assistance médicale; extension de la couverture des soins à de nouvelles catégories; réduction du taux de la population des bidonvilles…

Faut-il relever que certaines de ces réformes n’ont pas encore atteint pleinement leurs objectifs, notamment dans le domaine de l’emploi et de la couverture des soins de santé? On peut souligner néanmoins que le PJD ne verse pas dans l’euphorie. Il admet que les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des ambitions.

Les limites de son action gouvernementale apparaissent dans les écarts entre les perspectives projetées et la situation d’arrivée tant sur le plan macro-économique, des mutations sectorielles que des réformes transversales.

Ces limites ressortent plus nettement à la lecture des défis et enjeux sociaux: l’éducation et la formation, l’emploi des jeunes, la lutte contre la pauvreté et les disparités de revenus…

Des programmes de plus en déconnectés du référentiel doctrinal

Généralement, les partis politiques puisent les orientations de leurs programmes dans l’idéologie du parti, tenant compte des inflexions qu’elle a connues depuis ses origines historiques.

Force est de constater que mis à part le PJD et le PI, le référentiel doctrinal n’a pas fait l’objet d’un moment analytique dans les programmes des autres partis.

Le PJD s’est contenté de rappeler que le référentiel islamique du parti s’inspire de son capital moral, des valeurs et d’une compréhension modérée de l’islam, ainsi que de l’ouverture sur les autres référentiels.

Le RNI ne fait aucune mention explicite de ses références doctrinales. Les principes fondateurs de son programme font mention des notions de liberté et de la solidarité.

Le PI rappelle son attachement aux valeurs de l’égalitarisme économique et social. La définition historique de l’égalitarisme est enrichie à la lumière des mutations contemporaines. A l’égalité des chances et de la justice sociale viennent se greffer les références à l’humanisation de l’économie du marché et au développement durable et équitable.

Ni le MP ni l’UC ne prennent soin de renseigner l’électeur sur leurs doctrines respectives. Ils se projettent directement sur la vision et le programme de l’avenir.

Le PPS et l’USFP se contentent de rappeler les valeurs de la modernité, du progrès et de justice sociale dans les préambules des programmes.

Celui de la FGD est le plus marqué idéologiquement sans faire référence pour autant au socialisme. Ce sont les thèmes de la troisième voie qui prédominent dans sa vision: l’ économie mixte, le contrôle du marché, l’Etat providence.

Le point commun des programmes, quelles que soient les différences relevées dans le référentiel, c’est ce retrait de la doctrine, lui-même symptomatique de l’effacement de l’idéologie dans la définition des orientations, sinon même dans la conception du modèle de société.

Place est donc faite au pragmatisme et au réalisme. Ce qui reflète un dépassement du clivage classique droite-gauche et une atténuation des différences de sensibilité politique entre les familles idéologiques du conservatisme, du libéralisme et du socialisme.

Les nuances se repèrent dans le mode de combinaison ou l’ordonnancement prioritaire des valeurs de liberté et d’égalité dans la conception de la justice sociale.

Est-ce le triomphe de la pensée unique ou tout simplement un «consensus» transitoire sur les grandes questions de notre modèle économique et social?  

Certains peuvent se réjouir, au nom des bienfaits du «consensus» sur les grands chantiers de réformes et les questions de société… Ils auront tort.

D’abord parce que la démocratie, ce n’est pas l’unanimité sur le mode de traitement de ces questions, mais le débat sur les réponses à ces préoccupations, les visions et les principes qui déterminent ces réponses.

Pour qu’une société politique fonctionne normalement, un consensus doit évidemment s’établir sur le cadre et sur les modalités du débat. Mais si le consensus fait disparaître le débat lui-même, alors la démocratie perd de sa légitimité, parce qu’elle implique par définition, sinon la pluralité des partis, du moins la diversité des opinions et des choix, en même temps que la reconnaissance de la légitimité d’un affrontement entre ces opinions et ces choix, afin que l’adversaire ne soit pas transformé en ennemi.

Or, si les partis ne sont plus séparés que par des différences programmatiques insignifiantes, si les factions concurrentes mettent en œuvre les mêmes politiques, si les unes comme les autres ne se distinguent plus ni sur les objectifs ni même sur les moyens de les atteindre, bref si les citoyens ne se voient plus présenter d’alternatives réelles et de véritables possibilités de choix, alors le débat n’a plus de raison d’être et le cadre institutionnel qui lui permettait d’avoir lieu n’est plus qu’une coquille vide, dont on ne peut s’étonner de voir une majorité d’électeurs se détourner.

Mais pour répondre à ces interrogations, il est nécessaire de percer en profondeur les différences des modèles proposés dans leurs dimensions économique, sociale et institutionnelle.

Ce sera l’objet du prochain article.

Pour plus d'informations voici les programmes électoraux des 9 grands partis à feuilleter
 

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Jaida: COMMUNICATION FINANCIÈRE 31/12/2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.