Législatives. AMO, IPE, Tayssir…Qui est à l’origine de quoi...

En cette période électorale,  le social est une carte brandie par tous les partis politiques. Au même titre que  dans son bilan quinquennal, le gouvernement s’est parfois approprié des mesures qui ne sont pas siennes, où du moins dont il n’est pas l’initiateur. Dans cet article, nous resituons chaque mesure dans son contexte, avec le Dr Abdeljalil Greft Alami, ancien SG de la CNSS et spécialiste des questions de protection sociale. 

Législatives. AMO, IPE, Tayssir…Qui est à l’origine de quoi...

Le 23 septembre 2016 à 19h39

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

En cette période électorale,  le social est une carte brandie par tous les partis politiques. Au même titre que  dans son bilan quinquennal, le gouvernement s’est parfois approprié des mesures qui ne sont pas siennes, où du moins dont il n’est pas l’initiateur. Dans cet article, nous resituons chaque mesure dans son contexte, avec le Dr Abdeljalil Greft Alami, ancien SG de la CNSS et spécialiste des questions de protection sociale. 

"Jusqu’aux années 90, le Maroc a été très en retard en matière de politique sociale, aussi bien par rapport aux pays développés que des pays comparables. La dynamique est née quand le PAS prenant fin et qu’il fallait un programme de redressement social. C’est là qu’est venue l’idée de l’AMO…", souligne d’emblée Abdeljalil Greft Alami, médecin, ancien SG de la CNSS et consultant auprès d’organisations internationales et nationales.

"Ces projets sociaux ont tous émergé dans un contexte socioéconomique où l’idée du démantèlement de la Caisse de compensation était également à l’ordre du jour. Il paraissait de plus en plus légitime de remplacer un système de subvention à la consommation mal ciblé par un autre, de soutien direct des revenus les plus faibles. Au lieu de soutenir la consommation, le Maroc penchait pour le soutien des revenus d’une manière conditionnée. C’était dans la lignée des recommandations de l’ONU, du BIT, de l’OIT, qui appelaient à mettre en place un socle de protection sociale de base, élargi à d’autres catégories comme les indépendants…, ajoute notre expert.

-AMO:  "le projet remonte au début des années 90, pour pallier les inégalités d’accès aux soins, mais aussi comme un dispositif devant renforcer le financement public de la santé. C’était à l’initiative du Roi Hassan II, qui avait abordé le sujet dans le discours du Trône de mars 1993. Il avait donné ses instructions pour qu’une AMO soit mise en place au profit de tous les salariés et pensionnés, prenant en charge au moins 50% des frais. Il avait ajouté que ce dispositif devait être géré par l’ensemble des organismes de prévoyance sociale déjà opérationnels. Il fallait donc partir de l’existant et non pas mettre en place une nouvelle caisse englobant l’ensemble des adhérents AMO, solution que je prônais personnellement. Il a fallu également garder les mutuelles du secteur public, en confiant le secteur privé à la CNSS".

 "Le gouvernement de Mohamed Karim Lamrani était aux commandes. Le projet a été d’abord confié aux Finances, avec à leur tête Mohamed Berrada, puis transféré au ministère de la Santé, piloté par Abderrahim Harouchi qui a fait appel à moi en tant que conseiller.

"Un premier projet a été  élaboré. Il n’a pas fait l’unanimité et a été vite abandonné. C’est celui qui consistait à mettre tous les organismes en concurrence.

"En 1998, avec le gouvernement Youssoufi, le projet n’était plus ni à l’Emploi, ni à la Santé, mais au niveau de la Primature, chapeauté dans le cadre d’une commission interministérielle. Le projet a finalement abouti après  des débats houleux avec les syndicats, la CNOPS, la CGEM, les assureurs… La loi a été adoptée en septembre 2002. Sa mise en œuvre a commencé en 2005. Un délai nécessaire pour que la CNSS puisse se préparer, la CNOPS étant familiarisée avec les procédures.

"Dès le début, l’AMO a prévu une couverture universelle. Etudiants, indépendants…. tous devaient à terme être assurés. L’extension de l’AMO n’est donc pas une idée récente. C’est dans le préambule de loi sur l’AMO. Personne ne devait être laissé sur le bord du chemin.

-Tayssir: "L’idée du programme Tayssir [aide aux parents démunis ayant de enfant scolarisés] remonte  à 2008, en expérience pilote durant le gouvernement Abass El Fassi. Son extension a eu lieu en 2012. En ce qui me concerne, au début des années 2000, j’ai travaillé sur une étude financée par la Banque mondiale sur le transfert de cash conditionné, pour des ménages pauvres, pour permettre une rétention scolaire. C'est dire qu'il s'agit du même principe que Tayssir.

"Comme pour de nombreuses mesures, les projets sont dans les tuyaux, bien des années avant leur mise en oeuvre. Il y a des réflexions et des études, aussi bien dans les ministères que dans les agences internationales, la Banque mondiale, le Pnud, l’OMS… Elles mûrissent petit et petit. Leur mise en application peut se heurter à des problèmes de ressources, d’arbitrage, de contraintes budgétaires…

"Certes, c’est celui qui les met en exécution qui se les approprie comme une réalisation qui est sienne, mais en réalité, chaque projet est porteur d’une généalogie et est le fruit d’un long processus".  

-Indemnité pour perte d’emploi. "J’ai travaillé sur l’IPE ou l’assurance chômage en 1997. La réflexion a été menée au sein de la CNSS, avec le concours du BIT, de la même manière qu’on avait lancé une étude de faisabilité de la couverture des indépendants… Ce n’est sorti qu’en 2014, alors que le projet était dans les tiroirs du ministère de l’Emploi depuis bien des années, depuis l’époque Khalid Alioua, qui est aussi à l’origine de l’Anapec. Il est donc difficile de dire que l’actuel gouvernement ait été l'instigateur du projet, mais il a le mérite de l’avoir concrétisé".

"Pour l’instant, c’est un petit dispositif qui protège mal contre le chômage des cadres. Il est restrictif et la durée de couverture qui est de 6 mois seulement est très limitée".

"Je tiens à dire, d'une manière générale, que c’est bien beau de concevoir des systèmes et des architectures généreuses, encore faut-il ne pas en bâcler l’application. C’est ce qui a été fait pour de nombreuses mesures, dont le Ramed, par manque d’ingénierie législative et réglementaire. Il y a un problème de compétence, de culture, de démagogie. La technicité n’est pas toujours au rendez-vous.

"C’est là où des efforts doivent être fournis, loin des batailles purement électoralistes, où on redouble d’ingéniosité pour multiplier les mesures sociales à l’infini, sur des bases corporatives étriquées. Alors que le principe est de disposer d’un socle de protection sociale contre la pauvreté, peu importe que la personne soit veuve, divorcée… Plus le système est complexe, plus il y a fraudé et moins il est efficace".   

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