Algérie : la fabrique de la haine contre tout ce qui est marocain

À coups de propagande et de fake news, le régime militaire a réussi à monter le peuple algérien contre ses frères marocains. Une politique qui vise à unir en interne contre "l’ennemi extérieur" et à légitimer une imprudente escalade diplomatique et militaire qui semble sans fin.

Algérie : la fabrique de la haine contre tout ce qui est marocain

Le 5 février 2023 à 17h23

Modifié le 6 février 2023 à 16h35

À coups de propagande et de fake news, le régime militaire a réussi à monter le peuple algérien contre ses frères marocains. Une politique qui vise à unir en interne contre "l’ennemi extérieur" et à légitimer une imprudente escalade diplomatique et militaire qui semble sans fin.

Les insultes racistes proférées par le public algérien envers le peuple marocain, lors des matchs du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), sont certes choquantes, mais ne sont en réalité que le reflet d’une propagande de grande envergure, savamment orchestrée par le pouvoir algérien, en vue de diaboliser le Maroc et son peuple.

L’État algérien mène en effet une stratégie méthodique qui désigne le Maroc comme l’ennemi à abattre, qui déshumanise les Marocains, qui nourrit chaque jour la haine contre le Royaume. Jamais la région n’avait connu une entreprise pensée, financée et portée par un Etat contre un autre Etat comme ce que nous sommes en train de vivre. C’est comme si l’Etat central algérien, amené par la colonisation, se construisait contre le pays voisin. Cette agressivité, cette violence verbale et physique, sont servies par le mythe de la puissance algérienne, militaire et financière. Mais il ne s’agit que d’un mythe comme nous l’avons montré dans un précédent article. Ni militairement, ni économiquement, ni financièrement, l’Algérie n’est le puissant pays qu’on essaie de vendre.

Des milliers de cris racistes à l’ouverture du CHAN

Qu’est-ce qui peut amener des milliers de personnes à scander en chœur des chants racistes et abjects envers le peuple qui leur ressemble le plus, qui a les mêmes origines, la même religion, parle la même langue, et dont les grands-parents ont combattu ensemble le colonisateur ?

Quelques jours plus tard, le match d’ouverture de la Coupe du monde des clubs à Tanger se déroule dans la joie et la bonne humeur, sans que les Marocains ne soient tentés de répondre à l’injure par l’injure. Le public s’est contenté de célébrer l’exploit de son équipe nationale au Qatar et de supporter l’équipe d’Al Ahly, rendant ainsi hommage aux Égyptiens qui ont supporté les Lions de l’Atlas tout au long de la Coupe du monde.

On se souvient également de l’agression commise par des joueurs de la sélection algérienne U17 contre leurs homologues marocains à Oran, à l’occasion de la finale de la Coupe arabe. Il est évident que ce comportement ne pouvait provenir de ces jeunes joueurs que s’ils avaient été anormalement remontés contre leurs frères marocains, témoignant d’une agressivité sans pareille et refusant tout geste de fair-play bien avant la bagarre de fin de match.

Sous l’ère Bouteflika, même si la réconciliation entre les deux États n’a guère pu s'opérer, jamais il n’y avait eu ce degré de haine de la part des Algériens envers les Marocains. Même lorsque survenaient des querelles entre les gouvernements, les peuples continuaient à scander "khawa khawa" et à dire que cela ne concernait que les responsables politiques. Qu’est-ce qui a changé entre-temps ?

Le Maroc, bouc émissaire des échecs politiques algériens

Depuis l’élection de Abdelmadjid Tebboune à la présidence algérienne, rapidement suivie de la promotion du général Saïd Chengriha à la tête de l’armée, après le décès inattendu du général Ahmed Gaïd Salah, les attaques médiatiques de l’Algérie officielle contre le Maroc ont augmenté en fréquence et en envergure.

Face à la pression du Hirak qui ne faiblissait pas, le nouveau pouvoir en place n’a rien trouvé de mieux que de faire porter au Maroc la responsabilité de ce soulèvement populaire, en l’accusant d’être derrière le mouvement islamiste Rachad et le Mouvement pour l’auto-détermination de la Kabylie (MAK), qui soutenaient le Hirak, comme la majorité du peuple algérien.

Manifestations du Hirak en février 2021. Photo AFP

Le Maroc a ensuite été désigné responsable de tout ce qui n'allait pas dans le pays. L’épisode des incendies survenus en Kabylie est en ce sens éloquent : le Royaume a été accusé de les avoir provoqués dans le but de déstabiliser l’Algérie, lors d’un été particulièrement chaud qui a connu une multitude d’incendies sur le pourtour méditerranéen.

La propagande anti-marocaine bat son plein

Mais, depuis lors, la rue s’est calmée au prix d’une répression sanglante et de milliers d’arrestations d’activistes et de journalistes. Le régime se sent aussi moins en danger, notamment grâce au renflouement des caisses de l’Etat à la suite de la hausse des prix des hydrocarbures. Pourtant, la guerre médiatique ne faiblit pas.

Une véritable machine de propagande se met en place pour attaquer de façon systématique le voisin marocain et l’accuser de tous les maux. Drogue, Israël et MAK : voilà les trois fenêtres de tir pour convaincre le peuple que l’Algérie est confrontée à une menace existentielle en provenance du Maroc.

A force d’entendre et de lire le même discours à tort et à travers, les Algériens ont fini par y croire. Résultat : pour eux, le Maroc œuvre de manière méthodique à inonder l’Algérie de hachisch ; il a soutenu le MAK pour diviser l’Algérie – ce que fait l’Algérie en réalité avec le polisario ; et il s’est allié à Israël, l’ennemi de l’Algérie. Car oui, la machine à propagande a aussi fait croire au peuple que l’armée algérienne était la grande protectrice des Palestiniens et l’ennemie jurée d’Israël.

La une du journal algérien El Khabar du 28 janvier 2023 : "Le mal venant du Maroc".

 

La une du journal algérien El Khabar du 2 février 2023 : "Le Maroc joue avec le feu".

Plus aucun jour ne passe sans que la presse algérienne titre sur "la menace marocaine". Et lorsqu’elle ne le fait pas, elle dépeint un supposé effondrement de l’Etat marocain en raison de problèmes économiques et sociaux, face à une "glorieuse" réussite algérienne. Elle est alimentée en cela par l’agence Algérie Presse Service (APS), l’usine à fake news de ce régime militaire qui baigne plus que jamais dans l’autoritarisme. Quant aux plateaux télévisés, ils ne citent le Maroc qu’en le nommant par le terme péjoratif de "Makhzen" ou encore "voisin du mal".

La une du journal algérien Echourouk du 28 janvier 2023 : "Le dirham marocain s’effondre".

Quels sont les ressorts qui poussent le régime algérien à durcir ses attaques médiatiques et à mener une propagande digne de Goebbels dans l’Allemagne des années 1930 ?

La dangereuse tentation de revanche sur l’histoire

Dans les discours de Abdelmadjid Tebboune, la référence à la guerre des Sables revient souvent. Comme lorsqu’il dit au secrétaire d’Etat américain Antony Blinken que "les Algériens n’oublieront jamais que le Maroc nous a attaqués en 1963".

Ou encore lors de sa dernière interview avec le journal français Le Figaro, dans laquelle il soutient que les tensions entre les deux pays sont "le résultat d’une accumulation de problèmes depuis 1963" et que la rupture des relations bilatérales décidée unilatéralement par l’Algérie est "une alternative au déclenchement de la guerre entre les deux pays".

Ce discours régulier sur des événements historiques vieux de soixante ans pour justifier les tensions actuelles ne peut provenir d’un chef d’Etat qui est conscient que son principal défi, dans la période actuelle, est de diversifier l’économie algérienne et de la préparer à l’après-pétrole. Il est clair que son discours n’est que le reflet de celui qui a le vrai pouvoir, ou plutôt qui a le pouvoir de le renverser à n’importe quel moment.

Saïd Chengriha, connu pour être "un va-t-en-guerre", porte une haine viscérale au Maroc. Des récits non confirmés indiquent qu’il comptait au nombre des prisonniers de la guerre des Sables ; d’autres qu’il figurait parmi ceux de la bataille d’Amgala en 1976. Vrai ou pas, la majeure partie de l’armée algérienne a été bercée par le récit de la hogra de la guerre de 1963, et le chef d’état-major de l’ANP qui considère le Maroc comme un "ennemi classique" en fait sûrement partie.

La tentation de revanche sur l’histoire a toujours été parmi les causes les plus communes des guerres entre les nations. La France contre l’Allemagne en 1914, l’Allemagne contre les Alliés en 1939, toujours avec d’importants dégâts. Comprenant que cette spirale était sans fin, ces deux nations, la France et l’Allemagne, se sont résignées à faire la paix et à s’unir dans le cadre de l’Union européenne, au point de parler aujourd’hui du "couple franco-allemand".

Réunion du 30 janvier 2023 du Haut conseil de sécurité algérien. Photo : Présidence algérienne

Des rapports médiatiques algériens, émanant notamment du journaliste exilé Abdou Semmar, ainsi qu’un article de Maghreb Intelligence, parlent d’un "conseil de la guerre" tenu le 30 janvier, avec le président comme unique personnalité civile et en présence de tous les dirigeants de l’armée. Cette réunion a été présentée par un communiqué de la présidence comme celle du Haut conseil de sécurité, mais les photos publiées entendaient bien montrer qu’il ne s’agissait pas d’une banale réunion.

Cet événement intervient après des rumeurs véhiculées par des médias proches du polisario pendant la journée du 28 janvier, faisant état de frappes de drones marocaines au-delà du mur, dans la zone tampon, qui auraient fait des victimes civiles algériennes. L’information a été relayée par plusieurs médias algériens et a même fait l’objet d’un communiqué de condamnation d’un parti algérien. Le lendemain, elle était démentie par les médias officiels des séparatistes.

Qui pourra dire au dictateur qu’il fait erreur ?

Le 1er février, soit un jour après ce supposé "conseil de guerre" algérien, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’entretenait avec Nasser Bourita au sujet de "la coopération bilatérale dans la sécurité et la défense régionale". Le lendemain, la secrétaire d’Etat adjointe Wendy Sherman s’entretenait avec Ramtane Laamamra, le ministre des Affaires étrangères algérien, également au sujet de "la sécurité régionale".

Il est clair que dans un contexte mondial caractérisé par une haute instabilité, la plus grande puissance mondiale ne peut que se préoccuper de cette montée des tensions. Le Maroc et l’Algérie ne sont pas comparables à de petits pays comme l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Un conflit armé peut avoir, dans les conditions actuelles, des répercussions mondiales.

Au moment où l’Otan se dit prête à la guerre avec la Russie, où un haut chef militaire américain prophétise une guerre avec la Chine à l’horizon 2025, et où les attaques israélo-américaines se multiplient sur les installations militaires iraniennes, les généraux algériens n’ont pas intérêt à faire de mauvais calculs.

L’histoire moderne a montré que les conflits militaires ne s’achèvent jamais en victoire décisive ; ils ont plutôt tendance à s’éterniser, à épuiser les belligérants et à les rendre dépendants de puissances externes. Pour l’Algérie et le Maroc, qui ont combattu ensemble pour obtenir leur indépendance, ce serait le comble.

Mais dans des régimes purement autocratiques comme celui de l’Algérie, il est souvent difficile de dire la vérité au leader. Comme personne n’a pu dire à Poutine que son entreprise en Ukraine était risquée, aucune des personnalités présentes lors de ces "réunions de guerre" ne pourra contredire le chef d’état-major de 80 ans, au risque de se faire accuser de traîtrise.

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