AMO des indépendants : les médecins libéraux envisagent une grève nationale

Ils envisagent de mener une grève nationale le 20 janvier 2022 si le gouvernement n’entame pas des discussions pour la révision du décret 2.21.290, qui officialise l’accord sur le montant des cotisations nécessaires au financement de l’Assurance maladie des indépendants.

AMO des indépendants : les médecins libéraux envisagent une grève nationale

Le 8 décembre 2021 à 20h46

Modifié 10 décembre 2021 à 12h19

Ils envisagent de mener une grève nationale le 20 janvier 2022 si le gouvernement n’entame pas des discussions pour la révision du décret 2.21.290, qui officialise l’accord sur le montant des cotisations nécessaires au financement de l’Assurance maladie des indépendants.

Les syndicats des médecins du secteur privé ont organisé, mardi 7 décembre, une conférence de presse pour exprimer une nouvelle fois leur refus du décret 2.21.290, mis en place dans le cadre du chantier de la généralisation de la protection sociale. Ils disent se sentir "dupés" par les parties qui ont pris part aux négociations des montants des cotisations adoptés, pour les raisons suivantes :

- l’absence d’équité dans la fixation de ces montants par rapport à d'autres catégories (notamment les architectes) ;

- l’absence d’étude officielle et détaillée pour la fixation de ces montants ;

- l’absence de mesures incitatives d’accompagnement, comme cela figurait pourtant dans le PV de la réunion tenue le 20 novembre 2020 avec le ministère de la Santé et les autres organismes concernés ;

- le ministère de la Santé continue d’être l’instance de liaison entre les médecins du secteur privé et les caisses d’assurance, alors que cette fonction doit être affectée au Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM).

"Nous estimons ainsi que ce qui a été décidé le 20 novembre 2020 est caduc, puisqu'il ne respecte ni le rôle de l’Ordre des médecins, ni l’équité. Nous ne sommes plus tenus de respecter ce qui a été décidé à cette date. Nous exigeons de retourner à la table des négociations", a souligné Dr Saïd Afif, membre du Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP). "Nous rejetons ce texte. Nous ne pouvons pas l’accepter en l’état. Ce décret doit être remplacé", ajoute-t-il.

Vers une grève nationale le 20 janvier 2022

Pour répondre "au mutisme du gouvernement, à la suite de plusieurs avertissements", Badreddine Dassouli, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL), n'exclut pas une nouvelle escalade dans le mouvement de protestation entamé.

Il a ainsi fait savoir que "les inscriptions sont à l’arrêt ; certains médecins n’acceptent plus les prises en charge. Nous sommes prédisposés à tenir une grève nationale le 20 janvier prochain, dont l’impact pourrait être très lourd sur les citoyens, notamment dans le contexte actuel marqué par le Covid-19".

Une décision soutenue par la majorité des médecins du secteur. La balle est donc, à présent, dans le camp des ministères de la Santé et des Finances, ainsi que de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

"Le CNOM a fait tout ce qu'il pouvait pour débloquer la situation"

Présent à cette conférence, Dr Abderrahim Chabi, membre du CNOM, qui s'est exprimé en tant que vice-président du SNMSL, a détaillé les actions menées par le Conseil pour débloquer ce dossier. Elles se répartissent en quatre étapes :

1- le 5 novembre 2020 : "le CNOM a tenu une rencontre avec les secrétaires généraux des ministères de la Santé et du Travail, les directeur généraux de l’Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) et de la CNSS, ainsi que des représentants de l’ancien gouvernement. Lors de cette rencontre, le ministère de la Santé a exigé d’être l’instance de liaison entre les médecins et la CNSS et de classer les médecins en deux catégories, les généralistes et les spécialistes. La CNSS nous a pour sa part proposé des montants de cotisation de 13*Smig pour les spécialistes et de 6*Smig pour les généralistes. Après des heures de négociations, nous sommes parvenus aux montants adoptés actuellement. On estime donc avoir été dupés, dans la mesure où d’autres secteurs, arrivés après nous sur la table des négociations, ont pu obtenir des montants plus faibles".

2- le 22 avril 2021 : "le président du CNOM a adressé un courrier à l’ancien chef du gouvernement, Saâdeddine Elotmani, avant la tenue d'un Conseil de gouvernement, lui demandant de revoir à la baisse les montants négociés pour les médecins, mais aussi de désigner le CNOM comme instance de liaison entre les médecins et la CNSS, au lieu du ministère de la Santé".

3- le 28 mai 2021 : "un nouveau courrier a été adressé par le président du CNOM au chef du gouvernement, lui signifiant qu'aucune de ses demandes n'a abouti".

4- le 23 novembre 2021 : "un dernier courrier a été adressé par le CNOM au nouveau chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, soit deux jours avant la tenue du Conseil de gouvernement et quelques jours avant la publication du décret, pour demander à nouveau la révision des montants des cotisations".

Dr Gmira Iz-Eddine, vice-président du CNOM, a également assuré que "le Conseil avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour régler la situation, en vain".

"Il y a eu un premier accord entre le CNOM et les syndicats des médecins du secteur privé sur les montants des cotisations" nécessaires à l'Assurance maladie des indépendants (AMI). "Le président du CNOM, en tant que représentant des médecins, a ensuite signé un accord" avec les autres organismes concernés par ce dossier "dont les termes n'ont pas été respectés", a souligné Dr Gmira Iz-Eddine.

"Nous avions convenu un montant de 4 fois le Smig pour les médecins généralistes, et de 5,5 fois le Smig pour les médecins spécialistes, en plus des mesures incitatives", qui ont disparu du décret.

Concernant la relation entre la CNSS et les médecins, Dr Gmira Iz-Eddine précise : "nous avons adressé une lettre à l’ancien chef du gouvernement et une nouvelle, le 23 novembre, au nouveau, insistant sur la nécessité de désigner le CNOM comme instance de liaison, en vain. Nous avons également demandé l’équité avec les autres corps de métier", mais aucune réponse ne leur est parvenue.

Les médecins ont-ils le droit de contester un texte qu’ils ont consulté et approuvé ?

C'est la principale question qui se pose actuellement. Les médecins ont bien consulté et approuvé les termes du décret. Ont-ils le droit de le contester après sa publication au Bulletin officiel ?

Jointes par Médias24, différentes sources concernées par ce dossier estiment que "les médecins ont bien le droit de contester ce décret, mais la décision finale revient au gouvernement. C'est lui qui décidera de le remplacer ou de le laisser en l'état".

L'un de nos interlocuteurs, ayant pris part aux négociations, estime que "sur le plan juridique, ce décret a été approuvé par le gouvernement. Il a ensuite été publié au Bulletin officiel. Il doit donc entrer en vigueur. Toutefois, il peut être modifié si le gouvernement le décide, par un décret rectificatif".

Et d'ajouter : "le chantier de la généralisation de la protection sociale est encore nouveau au Maroc. Il nécessitera beaucoup de temps pour être accepté et digéré par toute la population".

"Pour l’instant, nous avons opté pour des revenus forfaitaires, mais cela peut changer. Ces montants ont été fixés en commun accord avec les médecins. Ils ont été la première profession à s'installer à la table des négociations. Nous ne comprenons pas pourquoi ils se mettent à contester le décret après sa publication", conclut notre source.

Le point sur les revendications des médecins

Durant cette conférence, les différents médecins sont revenus sur les principaux points qu'ils contestent. Le premier est le manque d'équité. D'après Dr Afif, "les termes de la convention signée notamment avec le ministère de la Santé, l’ANAM et les caisses d’assurance n’ont pas été respectés. Le décret adopté manque d’équité par rapport à d’autres corps de métier".

Dr Saâd Agoumi, qui préside le CSNMSP, a expliqué que "la loi 17-99 portant code des assurances, la loi 98-15 relative au régime de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) de base pour les catégories des professionnels, travailleurs indépendants et personnes non salariées exerçant une activité libérale, ainsi que la Constitution marocaine, insistent sur l’importance de l’équité. Sans celle-ci, les organismes qui proposent ces cotisations sont en infraction par rapport à la juridiction principale de l’assurance au Maroc".

D'autres médecins dénoncent l’absence "des mesures incitatives". S'ils ont effectivement donné leur accord pour payer les cotisations sur la base de ces revenus forfaitaires, c’est parce que le ministère de la Santé et les autres parties ayant participé à ce chantier, leur ont promis des mesures incitatives, comme la prise en charge d’une grande partie des cotisations des médecins libéraux qui respectent la Convention nationale de soins (prescription de génériques, digitalisation, respect du parcours de soins…) de l’AMO. Dans des pays comme la France, 80% des charges des médecins respectant le parcours de soins sont pris en charge par les organismes en charge de la couverture sociale.

Pour sa part, Dr Badreddine Dassouli pointe du doigt le manque d’études pour l’estimation des montants de ces cotisations. "Normalement, nous n’aurions pas à tenir de telles négociations. La CNSS doit avoir une base de calcul. Dans d’autres pays, des études sont faites dans ce sens, sur la base de plusieurs indicateurs, notamment le chiffre d’affaires et le type d’activité ; chose qui n’a pas été réalisée au Maroc".

"Sur 12.000 médecins du secteur privé, à peine 2.000 à 3.000 ont la possibilité de payer ces montants. Les autres ne seront pas solvables, ce qui entraînera un déficit au niveau de la caisse. Ce chantier n’aura alors servi à rien".

"L’AMI devrait être intégrée à la CNSS"

L’intégration de l’AMI à la CNSS est une autre revendication des médecins du secteur privé, comme l'explique Dr Agoumi : "les médecins seront affiliés à l’AMI, qui est une caisse à part, dont la gestion a été confiée à la CNSS, moyennant finances".

"A terme, cette caisse comptera 3 millions d’adhérents, dont seuls 55.000 à 60.000 personnes pourront payer les cotisations. Tous les autres seront difficilement solvables".

"On aurait mieux fait d’inclure l’AMI dans la CNSS, parce que le principe de l’assurance, c’est l’élargissement de l’assiette des adhérents. Plus on aura d’adhérents, plus les montants que l’on nous demandera de payer seront bas", conclut-il.

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